La pénalisation des relations sexuelles hors mariage empêche les victimes des violences de les signaler L'ONG internationale MRA Mobilising for Rights Associates en collaboration avec 6 ONG partenaires vient de publier un nouveau rapport intitulé «Comment la criminalisation des relations sexuelles en dehors du mariage promeut les violences faites aux femmes». Ce rapport qui est le fruit d'une année de travail de recherche-action a permis d'identifier les obstacles à la mise en œuvre de la loi n°103.13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, et notamment les défis résultant de la criminalisation des relations sexuelles en dehors du mariage. L'ONG MRA recommande d'abroger les articles 490 à 493 du Code pénal. Elle suggère que le législateur érige l'adultère en délit conjugal entre époux sur le plan civil s'il le souhaite. Cela dit, elle estime que les relations sexuelles en dehors du mariage et l'adultère ne méritent en aucun cas l'emprisonnement, une amende pénale ou un casier judiciaire. Il ressort de ce rapport que la pénalisation des relations sexuelles en dehors du mariage et de l'adultère empêche les victimes des violences de les signaler. Les ONG considèrent que ces dispositions privent les femmes de leurs droits à la protection, à la prévention. Au Maroc et le taux de signalisation des violences faites aux femmes aux autorités compétentes reste très faible. Selon l'ONG MRA, ce faible taux est dû en partie aux articles 490 à 493 du Code pénal, qui crée «une menace de poursuites qui dissuadent les femmes de chercher des services ou de réclamer leurs droits». Le rapport signale que la plupart des femmes qui avaient une relation précédente avec l'agresseur ne font pas recours aux autorités pour bénéficier des dispositions de la loi 103-13 , quelle que soit la forme de violence qu'elles ont subi. La plupart des victimes de viol spécifiquement, qu'elles aient connu ou pas l'agresseur auparavant, ne le signalent pas à cause du risque de se faire transformer de victime en criminelle. MRA estime que la pénalisation des relations sexuelles en dehors du mariage et de l'adultère permet, facilite, autorise et encourage les violences faites aux femmes. «Ces dispositions servent d'outil pour les hommes de commettre une diversité de formes de violences contre les femmes en toute impunité», déplore-t-elle. Ainsi, les associations relèvent une fois qu'un acte de violence sexuelle a été commis, les agresseurs utilisent la menace de dénonciation et de poursuites pour relations sexuelles en dehors du mariage comme mécanisme de contrôle pour intimider et isoler les femmes, et continuent de les soumettre à des actes sexuels non consensuels ultérieurs. Par ailleurs, il a été constaté que les dispositions des articles 490 à 493 du Code pénal sont appliquées plus fréquemment que celles de la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes. Selon les ONG, le manque de ressources humaines et de formation des membres des cellules au sein des services publics contribue à l'absence d'une enquête approfondie dans les cas de violences faites aux femmes perpétrées par un partenaire intime, et favorise la mise en œuvre des dispositions des articles 490 et 491. MRA signale également dans son rapport que les femmes sont plus susceptibles d'être poursuivies pour relations sexuelles en dehors du mariage ou d'adultère que les hommes. «Dans les cas où c'est le mari qui est accusé d'adultère, la situation économique fragile des femmes et leur dépendance sur le mari rendent l'article 492 du Code pénal un moyen de chantage utilisé par les hommes, pour forcer leurs épouses de retirer leur plainte. Par contre, les femmes accusées d'adultère bénéficient rarement de cet article. Au lieu de renoncer à leur plainte les maris en profitent en tentant de s'échapper de leurs obligations envers les enfants», indique le rapport. Et par conséquent, dans la plupart des dossiers d'adultère, la femme renonce à la poursuite de son mari pour adultère. MRA et ses ONG partenaires jugent que ces dispositions encouragent et facilitent des nouvelles violences contre les femmes en empêchant le signalement et en promouvant l'impunité des agresseurs, mais aussi en fournissant aux hommes un outil pour menacer, exploiter et contrôler les femmes. Elles estiment également que l'absence d'enquêtes approfondies dans les dossiers de violences faites aux femmes et dans ceux relatifs aux relations sexuelles en dehors du mariage ou d'adultère, ne peut que mener à des poursuites judiciaires et des condamnations erronées et injustifiées.