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De la nécessité de légiférer sur le législateur
Publié dans Barlamane le 07 - 08 - 2023

À l'heure où la préservation de l'étanchéité du mandat public des immixtions extérieures est partout inscrite en tête des agendas publics, le Maroc fait cas à part.
Conflits d'intérêts, enrichissement sans juste cause... Symptomatiques sont les retards d'adoption de ces lois stratégiques. Le gouvernement semble inimaginatif et bien à la peine face aux demandes de moralisation de la vie publique.
Lieu où se décident les lois, sont représentés les citoyens et contrôlée l'action du gouvernement, le parlement reste structurellement sous-régulé. Les lois qui encadrent le travail parlementaire, promulguées dans la foulée du printemps arabe, sont entachées de clair-obscur. Elles n'ont connu aucun réaménagement significatif, ni n'ont pu suivre le mouvement de modernisation de l'arsenal anti-corruption et anti-conflits d'intérêts adopté par l'Europe il y a près de dix ans.
Les règles encadrant la conduite parlementaire gagneraient à être étoffées en introduisant, entre autres, des déclarations des activités privées et des cadeaux; un meilleur contrôle des fonctions secondaires et un plafonnement des revenus qui en sont tirés; la conformité aux obligations fiscales et sociales. Une instance de déontologie pourrait jouer un important rôle dans la moralisation du travail législatif, à l'instar de ce qui a cours près de chez nous en Europe.
Mieux encadrer les activités privées
En matière d'activités privées, la loi marocaine interdit expressément quelques-unes, mais laisse le plus large pan à l'appréciation du député et du bureau de la Chambre. Ne sont prohibées que les fonctions d'état-major au sein des sociétés anonymes dont 30% ou plus du capital appartient directement ou indirectement à l'Etat, ainsi que l'exercice de mandats non représentatifs rémunérés par un Etat étranger, une organisation internationale ou une organisation internationale non-gouvernementale (articles 13, 14, 15 et 16 de la loi organique n°27-11 relative à la Chambre des représentants).
En cas de doute sur l'incompatibilité d'une activité secondaire avec le mandat parlementaire, le bureau de la Chambre des représentants, le ministre de la justice ou le représentant lui-même saisit la Cour constitutionnelle qui décide si le représentant se trouve effectivement en situation d'incompatibilité. Si tel est le cas, le parlementaire doit régulariser sa situation dans le délai de quinze jours (article 18 de la loi organique n°27-11). Enfin, le parlementaire doit déclarer au bureau de la Chambre toute activité professionnelle nouvelle qu'il envisage d'exercer en cours de mandat (article 17 de la loi organique n°27-11).
La loi française est plus étoffée, s'agissant de l'encadrement des activités privées des parlementaires. Sont interdites les fonctions d'état-major dans les sociétés ou entreprises privées bénéficiant de subventions ou d'avantages accordés par l'Etat ou les collectivités publiques; les sociétés ou entreprises privées faisant publiquement appel à l'épargne, ou ayant un objet financier lié à l'épargne; les sociétés dont l'activité consiste dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public, ainsi que les sociétés exerçant certaines activités immobilières à but lucratif notamment.
Les parlementaires ne peuvent, à compter de leur élection, débuter des activités de conseil, ou acquérir ou contrôler une société fournissant des prestations de conseil auprès des entreprises précitées. Les activités de conseil auprès de structures publiques étrangères sont également prohibées. Sont également interdites les fonctions rémunérées par une organisation internationale (art. 143 du Code électoral).
Lorsqu'ils exercent la profession d'avocat, les parlementaires ne peuvent plaider contre l'Etat, les sociétés nationales, les collectivités et les établissements publics. Cette interdiction s'applique à l'ensemble des membres du cabinet d'avocats dans lequel exerce le parlementaire.
Est également interdit aux parlementaires français d'adhérer à une association ou à un groupement de défense d'intérêts particuliers, locaux ou professionnels ou de souscrire à l'égard de ceux‐ci des engagements concernant leur propre activité parlementaire, lorsque cette adhésion ou ces engagements impliquent l'acceptation d'un mandat impératif (article 79 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale). Les députés ne peuvent par ailleurs faire figurer leur nom suivi de l'indication de leur qualité dans toute publicité relative à une entreprise financière, industrielle ou commerciale (article LO150 du code électoral français).
En Espagne, les lois sont plus restrictives. Le mandat parlementaire est incompatible avec un certain nombre de mandats électifs et de fonctions publiques (articles 154 à 155 de la loi électorale espagnole), mais la différence majeure avec les autres pays est qu'il doit être exercé à plein temps, avec un «dévouement exclusif» (art. 157 de la loi électorale). Il est incompatible avec l'exercice, par soi-même ou par personne interposée, de tout autre poste, profession ou activité publique ou privée, indépendante ou salariée, quel qu'en soit le mode de rémunération.
Parmi les fonctions privées nommément interdites, celles de président du conseil d'administration, de directeur, d'administrateur, de directeur général, de gérant ou des fonctions équivalentes dans des sociétés de crédit ou d'assurance ou dans toute société ou entité ayant un objet financier, et faisant publiquement appel à l'épargne et au crédit, ainsi que les prestations de services au profit de ces sociétés; les activités de gestion, de direction ou de conseil auprès de tout organisme ou entreprise du secteur public; les activités d'entrepreneuriat ou de fourniture de travaux et de services pour le secteur public de l'Etat et, de façon générale, tout contrat payé des fonds de l'Etat ou du budget des communautés autonomes ou locales; les fonctions de gestion, de représentation, de conseil ou la prestation de services auprès d'entreprises qui administrent des monopoles. Est interdite la prestation de tout type de services, à titre individuel ou collectif, au profit d'organismes et d'entreprises de l'Etat, des communautés autonomes ou du secteur public.
La norme du dévouement exclusif
Au Maroc comme en France, le recours au juge constitutionnel en cas de doute sur la compatibilité d'une activité secondaire privée est en effet tributaire de l'initiative du parlementaire ou du bureau de la chambre; prévaut alors l'auto-déclaration ou l'intervention d'un « organe à la composition intrinsèquement politique décidant avec une absence totale de transparence » [1]. Si des décisions pour cause d'incompatibilité entre deux ou plusieurs mandats électifs [2], des fonctions publiques ou des fonctions de direction au sein d'entreprises dont le capital appartient pour plus de 30 % à l'Etat [3] ont été prononcées par la Cour constitutionnelle marocaine, aucun avis de compatibilité portant sur l'exercice d'une activité privée n'a été demandé durant l'actuelle législature, et aucune décision en la matière n'a été rendue par la Cour constitutionnelle, dont l'activité porte majoritairement sur le contentieux électoral — la plupart des recours étant déposés par des concurrents politiques, ils visent l'invalidation d'élections, ou la déchéance d'élus.
En France aussi, la limitation sévère, par le législateur, des voies et des autorités de saisine en matière d'avis de compatibilité sur les activités privées réfrène les ambitions de régulation affichées: seules 29 décisions ont été rendues en la matière de 1959 à 2013 [4].
Au Royaume-Uni, l'approche très libérale et les règles plutôt commodes contenues dans les codes de conduite des chambres du parlement ont engendré un persistant cumul d'activités secondaires, allant dans certains cas jusqu'à la collusion avec des entreprises privées. Selon des données de 2018, près d'un parlementaire britannique sur cinq exerçait une activité privée rémunérée.
Des initiatives et des demandes de limitation ou de plafonnement des activités secondaires des membres du parlement avaient fait suite à plusieurs scandales: en 2015, le Parti travailliste avait promis d'interdire à ses parlementaires d'occuper de poste d'administrateur ou de consultant rémunéré, et de plafonner les revenus extérieurs de ses élus à 10 ou à 15 % de leur salaire parlementaire. Le Parti national écossais a pour sa part interdit à ses parlementaires d'être directeurs d'entreprise ou d'occuper un second emploi. En 2018, le Committee on Standards in Public Life, un organisme public consultatif, avait publié un rapport appelant à resserrer les règles encadrant l'emploi secondaire des parlementaires. Enfin, des sondages portant sur l'emploi secondaire des parlementaires britanniques mettent en évidence une perception négative du public et une réelle revendication de régulation, même si ces sondages gagneraient à être pondérés, les attentes des répondants étant plus complexes et plus nuancées et leurs attitudes très différenciées, aussi bien en fonction des montants paraissant acceptables, que de la source des revenus, soit les activités secondaires en question [5].
En Espagne, la norme du «dévouement exclusif» a permis l'introduction d'une procédure de vérification et d'autorisation ex ante: l'exercice exclusif du mandat parlementaire est la norme, et l'activité secondaire une dérogation. Toute activité doit être préalablement et obligatoirement déclarée, puis autorisée. L'avis rendu par la commission du statut des parlementaires sur les activités auxiliaires est approuvé en séance plénière et rendu public. Le critère de la disponibilité et du temps alloué à l'activité en question est pris en compte.
Il apparaît donc judicieux de consacrer le principe de l'exercice exclusif du mandat dans les lois, les règlements intérieurs et les codes de conduite du parlement marocain, en s'inspirant du modèle espagnol. Il s'agirait également d'interdire les fonctions de direction dans un certain nombre d'entreprises qui dépendent des contrats publics, de subventions ou d'avantages de l'Etat, ou qui opèrent dans les secteurs immobilier ou financier, à l'instar de ce qui a cours en France et en Espagne. Il conviendrait dans ce cas d'aller au-delà de la déclaration des activités et de l'avis de compatibilité en situation de doute ou de fait accompli, vers une déclaration et une autorisation préalables, en prenant pour exemple l'Espagne. Ceci, afin que l'exercice d'une activité secondaire relève de la dérogation et non plus de la norme. Une telle autorisation se baserait sur un ensemble de critères, notamment si l'activité en question est susceptible ou non d'induire conflit d'intérêts avec les missions du parlementaire; les revenus qui en seraient tirés; le temps hebdomadaire qui lui serait accordé; etc.
Le législateur marocain gagnerait également à plafonner les revenus pouvant être perçus de l'activité secondaire, de façon à ce qu'ils n'excèdent pas le tiers de la rémunération du parlementaire, en s'inspirant des différentes propositions formulées en ce sens au Royaume-Uni.
Un déontologue au parlement
Une partie des remarques formulées dans un précédent article au sujet des déclarations d'intérêts des membres du gouvernement sont valables pour les parlementaires, notamment celles qui ont trait à la déclaration des revenus du conjoint — soumise à la même procédure —, ainsi qu'à la portée finalement limitée des déclarations des revenus, des activités professionnelles et des mandats exercés, aussi bien dans le temps — l'année précédant l'élection — qu'en raison de l'insuffisance des catégories déclaratives, qui éludent plusieurs données pouvant être utiles pour la prévention des conflits d'intérêts.
Il serait judicieux de s'inspirer de l'exemple espagnol et d'inclure, dans la déclaration des intérêts des parlementaires, les dons, cadeaux et avantages de toute nature obtenus pendant des cinq années précédant l'élection. La législation britannique applicable aux élus locaux les oblige à déclarer les sponsorships, à savoir tout paiement ou octroi d'un bénéfice financier au candidat pour ses dépenses électorales; la déclaration des sponsorships vise à apporter une certaine transparence sur les liens susceptibles de placer le parlementaire dans une obligation vis-à-vis d'un tiers. Ceci, d'autant que le règlement intérieur de la Chambre des représentants invite par exemple, dans son article 357, les parlementaires à éviter les conflits d'intérêts — sans les définir — et les enjoint d'«éviter toute relation de subordination à une personne privée, physique ou morale, de nature à compromettre l'exercice de leur mandat, et éviter de se mettre dans une situation d'engagement financier ou autre vis-à-vis d'individus et d'organisations, et qui pourrait affecter l'exercice de leurs missions parlementaires» sans jamais prévoir une procédure de contrôle, ni spécifier une autorité ou un interlocuteur en la matière dans l'éventualité où un parlementaire se trouverait dans une telle situation; un voeupieux déontologique. Les articles 2 et 80-1 du code de déontologie et du règlement intérieur de l'Assemblée nationale française, sur lesquels la disposition marocaine est calquée, donnent quant à eux une définition du conflit d'intérêts, et redirigent les parlementaires au déontologue de l'Assemblée le cas échéant.
Compte tenu de l'existence de précédents en la matière, la loi marocaine gagnerait aussi à inclure dans les déclarations d'intérêts des dispositions portant sur la conformité avec les obligations légales (fiscales, sociales, etc.).
Il apparaît par ailleurs opportun de lancer une réflexion au sein des deux chambres du parlement pour la création d'un déontologue ou d'un comité de déontologie, comme il en existe déjà à l'Assemblée nationale et au Sénat français. Pareille instance joue un rôle de conseil en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts des parlementaires, ainsi que sur toute question déontologique concernant l'exercice du mandat. Les déclarations d'intérêts, elles, gagneraient à être confiées à une instance extérieure au parlement, éventuellement l'INPPLC. En France par exemple, il s'agit d'une prérogative de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Abaisser le plafond des cadeaux
Malgré l'adoption d'un nouveau code de conduite en 2017, la Chambre des représentants marocaine ne s'est pas dotée de mécanismes de déclaration et de contrôle des cadeaux, dons et avantages. La Chambre des conseillers, elle, invite ses membres à ne pas accepter de don, avantage ou prêt qui leur sont offerts en leur qualité de parlementaire. Les dons ne doivent être déclarés que si leur valeur est égale ou supérieure à la rémunération mensuelle du parlementaire (article 362 du règlement intérieur de la Chambre des conseillers). Un plafond excessif: en France et en Espagne, il est fixé à 150 euros (article 91 quinquies du règlement du Sénat et article 5 du code de conduite des Cortes Generales respectivement).
Cette situation, couplée à l'absence d'une reconnaissance officielle du lobbying qui, de ce fait, n'est pas encadré, abrite sous un cône de pénombre les pratiques ayant pour enjeu l'influence du processus législatif. Des intérêts économiques divers sont portés par des parlementaires qui, sans être tout à fait dans l'illégalité, ne sont pas non plus dans la transparence. Il est primordial de faire en sorte que ces derniers n'avancent plus masqués; la législation doit apporter une plus grande transparence au processus législatif, en imposant aux parlementaires la déclaration des dons, cadeaux et avantages qu'ils reçoivent, et en encadrant ceux-ci.
Il est recommandé d'adopter des dispositions portant sur les cadeaux, dons et avantages adressés aux membres du parlement. Leur nature, leur valeur, l'identité de l'émetteur et la relation qui existe avec lui, ainsi que le contexte de la remise doivent être clarifiés. Il convient également de définir la valeur-seuil à partir de laquelle les cadeaux, dons et avantages doivent être déclarés, qu'il s'agisse d'un seul cadeau, ou de plusieurs cumulés s'ils proviennent du même donateur. Une importante distinction dont gagnerait à se doter la loi marocaine séparerait les cadeaux d'usage, qui ne doivent dépasser un certain montant, des cadeaux de valeur.
S'impose aussi, et de façon pressante, la création d'un registre public des lobbies indiquant le nom des lobbyistes, l'organisme, les honoraires perçus pour le lobbying et leurs buts, en s'inspirant des exemples britannique et français.
Organiser le déport
La procédure de déport des parlementaires diffère selon les pays. En France, les parlementaires ont une obligation de déport des travaux en cas de conflit d'intérêts (article 4 quater de l'ordonnance n°58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, article 91 ter du règlement du Sénat et article 80‐1‐1 du règlement de l'Assemblée nationale). Les déports sont consignés dans une liste publique.
Au Royaume-Uni, les parlementaires doivent attirer l'attention sur «tout intérêt pertinent» se rapportant à une question débattue ou discutée au parlement, que ce soit en plénière ou en commission, ou dans une communication avec des ministres, d'autres parlementaires, fonctionnaires ou titulaires de charges publiques (§14 du code de conduite de la Chambre des communes et §11 du code de conduite de la Chambre des lords). La déclaration d'intérêts se fait généralement au début de l'intervention, et doit être brève, compréhensible, précise et sans ambiguïté.
Le critère de pertinence de l'intérêt est défini comme suit: « si l'intérêt peut être considéré par le public comme susceptible d'influencer la manière dont un membre du parlement s'acquitte de ses fonctions », l'intérêt en question doit être déclaré (code de conduite de la Chambre des lords, §12).
En Allemagne, tout membre du Bundestag qui travaille contre rémunération sur une question faisant l'objet de délibérations au sein d'une commission doit faire connaître avant les délibérations ses intérêts éventuels dans ce domaine (art. 6 du code de conduite du Bundestag).
La législation espagnole impose à tout député ou sénateur d'aviser la présidence de la commission ou de la séance plénière, si la matière discutée se rapporte à un intérêt privé direct ou indirect. Le degré d'intensité de l'intérêt est évalué par son impact réel ou perçu sur l'objectivité et l'impartialité du parlementaire, ou à travers le risque qu'il fait peser sur l'intérêt général.
En cas de doute sur l'existence d'un potentiel conflit d'intérêts, le député ou le sénateur peut adresser une requête confidentielle au bureau de la chambre correspondante, qui saisit à son tour la commission du statut des députés du Congrès des députés ou la commission des incompatibilités du Sénat (article 3 du code de conduite des Cortes Generales).
En France, au Royaume-Uni comme en Espagne, les intérêts doivent être divulgués en commission et en plénière, tandis qu'en Allemagne, ils n'ont pas à être dévoilés en plénière.
Dans les quatre pays, l'usage de cette faculté est laissé à l'entière discrétion du député qui, au préalable, peut consulter un organe de déontologie parlementaire — déontologue de l'Assemblée nationale ou commission de déontologie du Sénat français; commission du statut des députés du Congrès des députés en Espagne, etc. L'existence des déclarations d'intérêts, qui a priori doivent recenser et couvrir l'ensemble des intérêts dont celui qui fait l'objet du déport, limite la marge de manœuvre des parlementaires, qui ne peuvent dissimuler des intérêts préalablement déclarés lorsque ceux-ci se manifestent durant l'exercice de leur mandat.
En France, l'introduction récente de ces obligations n'a pas manqué de susciter des attitudes variant entre résistance au changement et mal-appropriation ou sous-emploi; saisine du déontologue utilisée comme « faire-valoir », déport tardivement mobilisé en situation de scandale déjà avéré, les mécanismes de prévention des conflits d'intérêts sont perçus comme une contrainte, alors qu'ils « constituent une protection contre le soupçon et la rumeur quitrop souvent à tort nourrissent l'antiparlementarisme » [6]. Quoi qu'il en soit, la mobilisation des nouveaux mécanismes de déontologie dans les échanges de coups entre parlementaires[7], et plus largement comme ressource politique [8], témoignent de l'incorporation graduelle de ceux-ci dans les usages.
Au Maroc, malgré les dispositions prévoyant le déport des parlementaires en cas de conflit d'intérêts, aucune donnée n'existe au sujet du recours à cette procédure. On peut supposer le nombre de déports extrêmement limité, principalement en raison de l'absence des déclarations d'intérêts, alors qu'elles constituent le pivot de la lutte contre les conflits d'intérêts en offrant une cartographie exhaustive des intérêts potentiellement problématiques:ne doivent être déclarés, au Maroc, que les activités professionnelles et les mandats électifs exercés, les revenus perçus l'année précédente ainsi que les participations financières des parlementaires. En France par exemple, les parlementaires doivent déclarer les activités professionnelles exercées durant les 5 dernières années, les activités de consultant exercées durant les 5 dernières années, les activités professionnelles du conjoint, partenaire de PACS ou concubin, les fonctions bénévoles, les participations aux organes dirigeants de structures publiques ou privées, les fonctions et mandats électifs, et enfin les participations financières. Nombre d'intérêts antérieurs à l'année précédant l'élection échappent donc à la déclaration, même quand ils auraient généré des liens durables ou susceptibles d'influencer la conduite des parlementaires. En conséquence, la marge de manœuvre des parlementaires marocains en situation de conflit d'intérêts est plus importante que celle des parlementaires d'autres pays;ils peuvent dissimuler de nombreux d'intérêts car ceux-ci ne sont tout simplement pas déclarés.
Notes et références :
[1] Jean-Eric Gicquel, Le Conseil constitutionnel et le mandat parlementaire, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n°38, janvier 2013.
[2] Voir les décisions n°91-19, n°105-20, etc.
[3] Voir la décision n°77-18 notamment.
[4] Jean-Eric Gicquel, Ibid.
[5] Rosie Campbell et Philip Cowley, Attitudes to Moonlighting Politicians: Evidence from the United Kingdom, Journal of Experimental Political Science, Volume 2 n°1, février 2015.
[6] Baptiste Javary, La déontologie comme élément d'une stratégie d'opposition: retour sur le cas Jacques Le Maire, blog Jus Politicum, avril 2020.
[7] Ibid.
[8] Abel François, Eric Phélippeau, Paraître transparent ? Les usages des déclarations d'intérêts des maires des grandes villes françaises, Revue Française D'administration Publique, n°165, 2018, pp. 79-94.


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