Le groupe sud-coréen Naver a annoncé vendredi la création, au Maroc, d'un centre de données de nouvelle génération dédié à l'intelligence artificielle, en partenariat avec Nvidia et l'entreprise d'infrastructure Nexus Core Systems. Ce projet s'inscrit dans une stratégie affirmée de conquête du marché européen, soucieux de souveraineté numérique et soumis aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD). Une infrastructure marocaine pour une autonomie européenne Le complexe, dont la puissance totale est appelée à atteindre 500 mégawatts, sera érigé par phases. La première tranche, d'une capacité de 40 mégawatts, sera équipée des processeurs GB200 développés par Nvidia. Elle doit entrer en construction au quatrième trimestre de l'année 2025, pour une mise en service prévue avant la fin de l'exercice. Le groupe Naver, par l'intermédiaire de sa filiale Naver Cloud, assurera la gestion de l'ensemble des opérations de la plate-forme. L'ensemble du cycle — du stockage au traitement des données — sera conduit exclusivement sur le territoire marocain, dans un cadre juridico-technique garantissant la pleine autonomie des flux numériques. Le choix du Maroc s'explique notamment par la présence de plusieurs câbles sous-marins, par des coûts d'électricité compétitifs, et par une volonté marquée des autorités marocaines d'accueillir des investissements stratégiques en matière d'économie numérique. «Fournir des services souverains en intelligence artificielle à travers l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique constitue notre ambition maîtresse», a déclaré un porte-parole du groupe sud-coréen, lors du salon GTC Paris le 12 juin. Répondre à l'inquiétude européenne face à l'hégémonie américaine Confrontées aux limitations imposées par le Cloud Act américain, plusieurs autorités européennes — au premier rang desquelles l'Allemagne, la France et la Commission européenne — ont exprimé leur volonté de s'affranchir des fournisseurs d'outre-Atlantique. Le rapport d'Accenture, publié en mai, indiquait que 37 % des entreprises du continent avaient déjà investi dans des infrastructures numériques indépendantes, et que ce chiffre pourrait atteindre 44 % d'ici à la fin de l'année. La réglementation européenne, imposant que les données sensibles soient hébergées au sein même du bloc continental, empêche en effet les opérateurs américains de garantir une confidentialité absolue, leurs serveurs pouvant être contraints par la législation extraterritoriale des Etats-Unis. Dans ce contexte, la percée du groupe Naver pourrait répondre à une attente concrète du marché. «Nos résultats en Arabie saoudite ont convaincu de notre savoir-faire. Ce partenariat international vise désormais à nous établir durablement comme un acteur de confiance en Europe», a déclaré Chae Sun-joo, directrice de la stratégie du groupe. Le projet marocain, auquel participent également TAQA Morocco et le Lloyd Group, marque ainsi une étape décisive dans l'émergence d'alternatives extra-occidentales aux géants du numérique.