La grande messe de la Tech sur le continent a démarré sur fond de crise cyber. Une occasion de mettre la problématique au centre des discussions et de faire un audit réel des menaces qui pèsent sur les administrations publiques. Alors que le Maroc accueille l'un des plus grands salons technologiques d'Afrique, le Gitex Africa, une cyberattaque d'envergure frappe de plein fouet la CNSS, l'une des plus importantes institutions publiques. Hasard ou pas, cette crise cyber, au-delà de ses impacts, traduit lisiblement les enjeux de la cybersécurité, bien que ce discours semble encore, pour beaucoup, relever de la science-fiction. Lire aussi | GITEX AFRICA. Le Maroc face aux défis de la transformation numérique En chiffres, ce sont les données personnelles de millions de citoyens qui ont été ciblées. Ce choc, en marge de la célébration de l'économie numérique, a mis en lumière les enjeux de la sécurité numérique et, surtout, pose une question de fond : comment construire la souveraineté digitale ? Alors que le Gitex Africa s'ouvre dans un décor de start-ups, d'IA et de promesses technologiques, l'arrière-scène est marquée par une urgence palpable : celle de revoir nos priorités en matière de cybersécurité. En clair : nous sommes connectés, mais vulnérables. Et la souveraineté numérique, si elle reste un slogan récurrent dans les discours officiels, peine encore à devenir une stratégie nationale cohérente. Une crise révélatrice du décalage... L'attaque contre la CNSS agit comme un révélateur. Malgré les milliards investis dans la modernisation des services publics, la sécurité demeure en reste. Rappelons d'ailleurs que d'autres structures sont régulièrement ciblées, parfois en silence. Les hackers ne font plus de distinction : ce qui les attire, ce sont les failles. « Les attaques ayant récemment visé la CNSS et le ministère de l'Inclusion économique rappellent que la cybersécurité est aujourd'hui une question stratégique, qui engage la souveraineté, la confiance et la continuité de nos institutions », nous confie Redouane Elhaloui, président de l'Apebi. Et de poursuivre : « Ces cyberattaques ne doivent pas être perçues comme de simples incidents techniques. Elles traduisent une vulnérabilité systémique et une volonté de déstabilisation ciblée. Nous appelons à une lecture stratégique de ces événements : il faut sortir d'une posture défensive pour aller vers une approche structurée, durable et collective. » Lire aussi | GITEX AFRICA 2025 : l'APEBI mise sur un "Village" pour promouvoir le numérique marocain Derrière chaque attaque, il y a un nombre de failles, notamment des serveurs mal configurés, des mots de passe faibles… « La cybersécurité ne concerne pas uniquement les grandes institutions : elle est l'affaire de tous – pouvoirs publics, entreprises, start-ups, opérateurs, citoyens. Nous appelons à une mobilisation nationale et à une meilleure intégration des expertises locales, notamment celles issues de notre écosystème numérique marocain. Les entreprises spécialisées en cybersécurité et en LegalTech, souvent issues de notre tissu de PME Tech, ont un rôle central à jouer dans cette réponse collective. » Et si le Gitex devenait le point de bascule ? Le Gitex Africa rassemble les géants mondiaux de la tech, les jeunes pousses africaines, les investisseurs et les décideurs publics. Et cette crise remet en lumière l'idée d'une analyse urgente de la question du numérique, notamment des externalités négatives qui peuvent en découler. Contacté par Challenge, Redouane Benatik a mis le curseur sur les risques d'une digitalisation généralisée. Selon l'expert, il faut d'abord aller chercher la cause dans cette digitalisation généralisée au sein des entreprises. « Quand vous prenez des banques et des entreprises qui ont lancé ces derniers temps plusieurs services digitaux, vous remarquerez qu'elles sont les plus exposées aux cyberattaques. En effet, cela ouvre la voie à certains pirates du Net qui sont en permanence sur le qui-vive », explique Benatik. Et d'ajouter : « Ces services numériques, au-delà de leurs avantages, sont des passerelles que les cybercriminels peuvent craquer. » Aujourd'hui, une question se pose : quelle est notre doctrine de cybersécurité ? Cette interrogation devrait guider les prochaines réflexions dans le chantier du numérique.