Alors que la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental marocain semble désormais faire consensus à Washington, une frange influente de la diaspora marocaine amorce une offensive stratégique sur un terrain plus sensible et moins connu : celui du Sahara oriental, une région annexée par la France au territoire algérien au lendemain de la colonisation. C'est en des termes sans équivoque que Charles Dahan, vice-président du World Moroccan Jewry – une fédération des Juifs marocains basée aux Etats-Unis – a exposé cette nouvelle ligne de front : « À Washington, nous disons que le dossier du Sahara occidental marocain est définitivement clos, et nous nous préparons maintenant à ouvrir le dossier du Sahara oriental marocain, annexé par la France au territoire algérien. » Une déclaration qui, derrière son apparente provocation, s'inscrit dans une logique géopolitique calculée, nourrie par les récents succès diplomatiques du Royaume dans la bataille du Sahara marocain. Dahan, figure respectée du lobbying pro-marocain outre-Atlantique, assure que la mobilisation s'organise déjà dans les cercles parlementaires américains. « L'importance de la question du Sahara oriental pour les Marocains est largement sous-estimée par la classe politique américaine », affirme-t-il, estimant que ce pan de l'histoire coloniale reste trop souvent occulté dans les analyses occidentales. Il révèle qu'une stratégie ciblée est en cours pour porter ce dossier devant le Congrès, avec pour objectif d'élargir le front diplomatique au sein des institutions internationales, et possiblement de l'inscrire dans une nouvelle dynamique onusienne. Lire aussi : [Vidéo] Sahara : l'AUSACO réclame une révision de l'approche onusienne à Dakhla La démarche, encore marginale sur la scène internationale, reflète une volonté plus large de réexaminer les séquelles du découpage colonial dans le Maghreb central. Elle intervient dans un contexte de tensions persistantes entre Rabat et Alger, sur fond d'impasse politique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Si le dossier du Sahara occidental a connu un tournant décisif depuis la reconnaissance américaine de 2020, l'idée d'une réouverture du dossier du Sahara oriental pourrait bousculer les équilibres régionaux déjà fragilisés. En portant ce sujet à l'agenda diplomatique américain, le *World Moroccan Jewry* tente de repositionner le débat territorial dans une lecture historique globale, arguant que la question du Sahara marocain ne saurait être traitée à géométrie variable. La démarche vise aussi à tester la solidité des alliances construites ces dernières années, notamment dans les sphères républicaines proches d'Israël et sensibles à la stabilité régionale. Il faudra maintenant voir si cette initiative trouvera un écho au sein du Département d'Etat, où la prudence reste de mise dès lors qu'il s'agit de redessiner les lignes héritées du colonialisme. Pour le Maroc, pourtant, l'enjeu est clair : capitaliser sur les acquis diplomatiques récents pour ouvrir un nouveau front de souveraineté. Pour Alger, ce discours constitue une provocation supplémentaire qui pourrait attiser les tensions. Et pour les observateurs internationaux, il marque peut-être le début d'un nouvel épisode dans la longue et complexe reconfiguration des frontières au Maghreb.