Transformation industrielle, IA, intégration régionale... Les grands patrons africains et dirigeants politiques de haut niveau prennent part au CEO Forum. Une question : pourquoi faire ? Les présidents Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Paul Kagame (Rwanda), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie), Bassirou Diomaye Faye (Sénégal) et Alassane Ouattara (Côte d'Ivoire)... pour ne citer que ces éminents, la nouvelle édition du CEO Forum réunit à nouveau les élites africaines. Présenté comme le Davos du continent. À l'heure où l'Afrique est à la croisée des chemins — tiraillée entre urgence sociale, nécessité de transformation industrielle et opportunité technologique —, au-delà des figures politiques, ce rendez-vous est une tribune où le secteur privé se retrouve sur les défis du continent. Ils sont banquiers, industriels, investisseurs, ministres ou patrons de groupes panafricains. Tous se donnent rendez-vous au CEO Forum — cette grand-messe qui se veut être l'arène de réflexion du capitalisme africain. Lire aussi | CFC rejoint l'Initiative financière du PNUE en faveur d'une finance durable en Afrique « It's time to strike a New Deal with the African private sector », c'est le thème central de cette édition. Dans un contexte mondial marqué par la résurgence du nationalisme économique, la fragmentation des chaînes de valeur et la montée des tensions géopolitiques, l'enjeu est d'interroger la nécessité d'un nouveau pacte entre les Etats africains et le secteur privé pour accélérer la transformation économique du continent. Cependant, derrière l'effervescence médiatique et les panels bien rodés, nous sommes en droit de nous interroger sur la multiplicité des espaces d'échanges en Afrique, et surtout leur impact réel. L'Afrique parle beaucoup d'industrialisation, alors que plusieurs études ont démontré que des zones comme l'Afrique de l'Ouest importent toujours plus de produits transformés. Elle évoque l'intégration économique, mais le projet de la ZLECAf demeure encore dans la gestation. Elle se projette dans l'intelligence artificielle, mais sans stratégie continentale claire pour former, investir ou protéger ses données. Le CEO Forum expose avec brio les ambitions africaines, sauf qu'à l'heure des défis, il est important de sortir des logiques d'influence et de diplomatie économique singulière pour investir le champ des actions d'ensemble. Quel impact ? Contactée par Challenge, Yasmina Asrarguis, chercheuse associée à l'Université de Princeton au département Proche-Orient, explique : « La dernière édition du Forum économique mondial de Davos a démontré sa capacité à maintenir un rôle central dans la diplomatie économique mondiale en réunissant des figures que tout oppose sur la scène internationale. Le président israélien Isaac Herzog et S.E.M. Javad Zarif, ancien ministre des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran, y ont tous deux été conviés, illustrant la portée symbolique et stratégique de cette plateforme en matière de dialogue multilatéral, même entre adversaires géopolitiques. Cependant, Davos n'est plus seul à structurer les grandes discussions économiques mondiales. Des initiatives comme le Future Investment Initiative (FII), portée par le stratège marocain Richard Attias, s'imposent désormais comme des lieux influents où se pensent les transformations économiques de demain. FII se distingue par son ancrage dans les dynamiques du Sud global et par une approche résolument tournée vers l'investissement, l'innovation et les partenariats stratégiques, notamment avec l'Afrique et le Moyen-Orient. » Lire aussi | Afrique : le MCC, c'est la fin ! Et de poursuivre : « Dans ce contexte, de nouvelles plateformes ont favorisé le dialogue entre CEOs africains ; c'est le cas notamment de l'Africa CEO Forum, porté par Jeune Afrique Media Group. Sur fond de transformation industrielle, de révolution technologique portée par l'intelligence artificielle et de nouvelles ambitions d'intégration régionale, ces espaces offrent aux grands patrons africains et aux décideurs politiques de haut niveau une scène pour façonner une vision économique propre au continent. Mais pourquoi faire, vous me demandez ? Parce que l'Afrique ne peut plus se contenter de suivre les agendas définis ailleurs. Ces plateformes permettent de définir des priorités continentales et de créer des coalitions régionales autour de projets communs. Elles sont devenues des laboratoires de souveraineté économique, où se dessinent les stratégies d'indépendance industrielle, d'accès au capital, de coopération Sud-Sud et d'insertion dans les chaînes de valeur mondiales. En somme, pour peser dans l'économie de demain, il faut d'abord créer ses propres Davos. » Le débat de la BAD Pour la première fois, les cinq candidats officiels à la présidence de la Banque africaine de développement croiseront le fer lors d'un débat d'envergure consacré à l'avenir de la principale institution financière du continent. Cette session spéciale, prévue en toute fin d'événement, sera animée par Nicholas Norbrook, rédacteur en chef de The Africa Report. Elle réunira Amadou Hott, Sidi Ould Tah, Swazi Tshabalala, Mahamat Abbas Tolli et Samuel Maimbo, qui exposeront leur vision du développement économique de l'Afrique. À un moment charnière pour la Banque comme pour le continent, les candidats présenteront leurs priorités : industrialisation, infrastructures alignées sur les enjeux climatiques, mobilisation du capital privé...