Le désert de Pilbara, battu par les vents et le silence minéral, s'apprête à accueillir les turbines les plus hautes de l'hémisphère sud, inspirées d'un modèle déjà mis en œuvre au Maroc. Le géant minier FMG (Fortescue Metals Group), fondé par l'homme d'affaires Andrew Forrest, a dévoilé un projet éolien de 2,1 gigawatts dont les dimensions feraient date dans l'histoire énergétique australienne. Un prototype de 160 mètres avait été installé en Navarre en 2018. Les premières applications commerciales de cette technologie — baptisée Nabralift — ont vu le jour à Oualidia, sur la côte atlantique marocaine, en 2022 (144 mètres), puis dans la région Occitanie, en France, en 2023 (102 mètres). À présent, la société espagnole Nabrawind prépare des déploiements en Namibie, en Chine et en Australie, où les mâts pourraient atteindre 220 mètres de hauteur au moyeu, soit un sommet de pale frôlant les 290 mètres. Le East Pilbara Generation Hub, soumis vendredi dernier à l'examen de l'EPA (Environmental Protection Authority) d'Australie-Occidentale, comprendrait 200 turbines, destinées à alimenter les gigantesques mines de fer du groupe, notamment Iron Bridge. Ces machines, d'une puissance unitaire d'au moins 10 MW, surpasseraient largement les standards australiens actuels, où la turbine la plus puissante plafonne à 7 MW. Le recours au Nabralift, fruit d'un partenariat capitalistique entre Fortescue et Nabrawind — entamé en 2023 et renforcé en 2024 — représente un basculement technologique majeur. La structure, fondée sur un trépied à treillis métallique, s'élève par un procédé d'auto-élévation excluant le recours à des grues colossales. Selon son concepteur, ce dispositif réduit non seulement les coûts et la durée des travaux, mais aussi la quantité de béton nécessaire, contribuant à une réduction notable des émissions liées à la construction. «Le Nabralift brise les limites techniques qui freinent l'élévation des turbines terrestres», affirme l'entreprise, précisant que sa version 4.0 — annoncée pour 2026 — pourra porter des générateurs de 10 MW à des hauteurs de 230 mètres. Cette évolution est précisément celle que Fortescue entend exploiter pour son déploiement dans le Pilbara. «Nabrawind est un partenaire stratégique dans notre entreprise de décarbonation intégrale de nos opérations minières en Australie-Occidentale», a déclaré M. Mark Hutchinson, directeur général de Fortescue Energy, à l'occasion du second investissement dans la société espagnole. Quant à M. Eneko Sanz, directeur général de Nabrawind, il y voit l'aboutissement d'un alignement rare entre impératif industriel et vision partagée : «Nous enregistrons un double succès : une opération financière équilibrée, mais surtout l'entrée d'un acteur déterminant, porteur d'une volonté résolue de transformation énergétique.» L'approbation environnementale du projet est espérée pour 2026, et les travaux pourraient s'ouvrir dès la fin de cette même année, pour une mise en service des premières unités en 2029. Des unités de stockage seront réparties sur cinq sites, afin d'assurer la stabilité de l'approvisionnement. Outre l'énergie éolienne, FMG développe parallèlement un vaste dispositif solaire destiné à abolir tout recours aux hydrocarbures. Le transport et les opérations minières, depuis les tombereaux jusqu'aux excavatrices, devront être assurés par des équipements intégralement électriques. Andrew Forrest poursuit ainsi un dessein que ses équipes qualifient de «zéro véritable» : non un simple abaissement des émissions, mais leur disparition pure et complète.