Le Réseau marocain des journalistes des migrations (RMJM) a rendu public sa première étude dédiée au traitement des migrations étrangères dans la presse écrite et digitale marocaine. Fruit d'un travail mené par le journaliste et universitaire Mohamed Karim Boukhssas, ce rapport vise à nourrir le débat public sur la manière dont les médias marocains abordent cette thématique, dans un contexte où les enjeux migratoires sont de plus en plus présents dans l'actualité nationale et internationale. Lire aussi | Clap de fin de l'Eldorado : le Canada va accueillir moins d'immigrants Réalisée en partenariat avec l'organisation française CCFD-Terres Solidaires, cette étude quantitative s'étend sur une période de six mois, du 1er janvier au 30 juin 2024, à laquelle s'ajoute le mois de décembre 2023 en raison de la célébration de la Journée internationale des migrants. Au total, 184 articles ont été retenus parmi plusieurs milliers consultés, issus de 31 titres de presse, dont 27 médias digitaux et 4 titres de presse écrite. La majorité des contenus analysés (72 %) sont rédigés en arabe. Une couverture essentiellement factuelle mais peu approfondie Premier constat majeur : la presse marocaine aborde les migrations étrangères dans une logique principalement informative. Près de 85 % des articles relèvent du genre « actualité », avec un ton jugé neutre mais sans réel travail d'investigation ou d'analyse approfondie. L'étude souligne ainsi une certaine distance journalistique, marquée par l'absence de récits de terrain ou d'approches humanisantes. Le rapport met également en lumière des représentations problématiques, notamment envers les migrants subsahariens, souvent associés à des discours discriminatoires ou alarmistes. Les auteurs relèvent une tendance à insister sur l'origine des personnes impliquées dans des faits divers, renforçant ainsi certains stéréotypes. En parallèle, les femmes migrantes apparaissent quasi absentes du paysage médiatique : elles ne sont mentionnées que dans 3 articles, soit moins de 2 % du corpus étudié. Une pluralité de voix encore limitée Autre point notable : la diversité des sources utilisées par les médias reste restreinte. Les sources officielles dominent largement (45 %), loin devant les experts (13,5 %). Les personnes migrantes elles-mêmes sont très peu citées, n'apparaissant que dans 3 % des cas, ce qui contribue à leur invisibilisation dans l'espace médiatique. Lire aussi | Royaume-Uni: le Premier ministre promet de faire « regretter » leurs actes aux auteurs de violences anti-migrants L'étude constate que la migration irrégulière occupe une place prépondérante, représentant 72 % des articles analysés. Les sujets liés à la sécurité et au contrôle des frontières dominent (49 %), tandis que les problématiques liées aux droits humains (17 %) ou à l'intégration des migrants (9 %) sont nettement moins couvertes. Cette orientation thématique participe, selon le RMJM, à une lecture réductrice de la réalité migratoire. Pour le Réseau marocain des journalistes des migrations, cette étude se veut un point de départ. Elle vise à outiller les professionnels des médias, les acteurs de la société civile et les décideurs afin d'encourager une couverture plus équilibrée, diversifiée et respectueuse des droits des personnes migrantes. Le RMJM appelle à une appropriation collective des résultats pour nourrir la réflexion et favoriser une meilleure représentation des migrations dans le paysage médiatique marocain.