L'université américaine a formé de nombreux étudiants étrangers devenus aujourd'hui de grands dirigeants. Un mouvement qui pourrait s'arrêter avec la décision de Trump de retirer la certification permettant à Harvard d'obtenir des visas pour ses recrues internationales. Pendant des décennies, Harvard a été bien plus qu'une simple université. Elle a incarné l'un des points d'ancrage du soft power américain qui formait les futures élites du monde. De la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan à l'ex-Premier ministre italien Mario Draghi, en passant par les patrons d'Airbnb, de Pfizer ou du géant brésilien Embraer, tous ont foulé les bancs de l'université de Cambridge, Massachusetts. Washington n'avait pas besoin de convaincre : il lui suffisait d'accueillir. Former les élites étrangères sur son sol, c'était faire des futurs décideurs des alliés naturels, imprégnés des valeurs, des méthodes et des réseaux américains. Cependant, aujourd'hui, la machine semble se gripper. La décision prise sous l'administration Trump de retirer l'accréditation du programme de visas étudiants étrangers à Harvard a révélé une bascule idéologique plus profonde. Dans un contexte de crispation identitaire et de repli national, l'idée même que les grandes universités américaines soient des portes ouvertes sur le monde est remise en cause. Le système migratoire est devenu un outil de contrôle politique, et l'université, un terrain de cette confrontation. En effet, c'était la semaine dernière que, par son ministère de la Sécurité intérieure, l'administration Trump est passée à une vitesse supérieure dans sa confrontation avec la célèbre université. Elle a révoqué la certification du programme d'échange de Harvard pour les étudiants étrangers, qui représentent actuellement 27 % du corps étudiant de l'université. Cette nouvelle attaque, après les décisions à plusieurs reprises visant à geler 2,6 milliards de subventions, met davantage de pression financière sur l'université. Lire aussi | L'administration Trump retire à Harvard le droit d'accueillir des étudiants étrangers « Honnêtement, ce qui arrive à Harvard est grave — mais soyons clairs : ça ne concerne pas les autres grandes universités. Pour l'instant, c'est surtout Harvard qui va en souffrir. Des écoles comme Columbia, ou d'autres Ivy League, restent très ouvertes et vont certainement tout faire pour attirer ces étudiants internationaux — parce qu'ils représentent les élites de demain. Mais le vrai problème est plus large. Quand les étudiants sentent que les choses deviennent instables ou imprévisibles aux Etats-Unis, ils commencent à hésiter. Et ce n'est plus juste Harvard qu'ils évitent — c'est le pays tout entier qui devient un point d'interrogation », nous confie Marouane El Khiyari, CEO de Study Guide. Et d'ajouter : « Et aujourd'hui, ils ont des alternatives : le Canada, le Moyen-Orient (comme les Emirats), l'Europe (Allemagne…) et même l'Asie investissent beaucoup pour accueillir les talents du monde entier. Donc, au final, ce genre de décision risque de nuire plus aux Etats-Unis qu'à Harvard. Chez StudyGuide, on le voit clairement : les étudiants réfléchissent deux fois avant de choisir les USA ». Lire aussi | Yassine Regragui, le Marocain qui a fait briller le Royaume à Harvard Un levier d'influence menacé ? Si de nombreux dirigeants de l'élite américaine, à l'image des présidents George W. Bush et Barack Obama, ou des puissants hommes d'affaires Bill Gates et Mark Zuckerberg, ont fréquenté les bancs de l'université vieille de près de 400 ans, d'innombrables hommes politiques et hommes d'affaires africains y ont également effectué une partie de leur cursus. 1. Ellen Johnson Sirleaf – Libéria Première femme élue présidente en Afrique, Ellen Johnson Sirleaf incarne l'excellence d'une élite africaine formée dans les plus grandes universités américaines. Diplômée de la Kennedy School of Government de Harvard, elle y a affiné sa compréhension des enjeux macroéconomiques et de gouvernance. Son passage à Harvard a renforcé sa capacité à dialoguer avec les institutions internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale, des partenaires clés dans le redressement économique post-guerre du Liberia. 2. Patrice Motsepe – Afrique du Sud Patrice Motsepe, magnat sud-africain et fondateur d'African Rainbow Minerals, est l'un des hommes d'affaires les plus puissants du continent. Formé en droit à l'université du Witwatersrand, il a poursuivi des études à Harvard Law School, ce qui lui a permis de renforcer ses compétences en stratégie d'entreprise et en droit commercial international. Le patron de la CAF est aujourd'hui un homme d'affaires continental. 3. Samia Suluhu Hassan – Tanzanie Avant de devenir la première femme présidente de Tanzanie, Samia Suluhu Hassan a bénéficié d'un passage remarqué à la Harvard Kennedy School, où elle a suivi des formations sur la gouvernance publique et les politiques sociales. En assumant la succession de John Magufuli, elle incarne un leadership technocratique et inspiré par les standards internationaux. 4. James Manyika – Zimbabwe / Google D'origine zimbabwéenne, James Manyika est l'un des esprits les plus brillants de la diaspora africaine. Titulaire d'un doctorat d'Oxford, il a également étudié à Harvard et a longtemps dirigé le McKinsey Global Institute. Aujourd'hui chez Google, où il occupe le poste de vice-président senior pour la technologie et la société, il représente l'archétype de la pensée stratégique africaine dans la tech mondiale. Sa formation à Harvard a été déterminante pour développer une lecture géoéconomique des mutations globales et une voix africaine dans le numérique. 5. Mo Ibrahim – Soudan / Royaume-Uni Mo Ibrahim, ingénieur et entrepreneur soudanais naturalisé britannique, est l'un des pionniers des télécoms en Afrique. Après avoir étudié à l'université d'Alexandrie, puis obtenu un doctorat au Royaume-Uni, il a fréquenté des programmes exécutifs à Harvard. Sa fondation Mo Ibrahim est aujourd'hui une référence continentale en matière d'évaluation des performances des Etats africains. 6. Moncef Belkhayat – Maroc Entrepreneur, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, et figure politique montante, Moncef Belkhayat a également été formé à la Harvard Business School, en 2003. Fondateur du groupe Dislog, il a réussi à bâtir un empire dans les secteurs de la distribution. À la croisée du business et de la politique, Belkhayat incarne cette génération de patrons marocains tournés vers l'innovation, la performance et l'influence continentale.