L'obligation de consolidation éparpillée entre des textes de lois. La communication financière publique n'est pas adaptée au langage utilisé actuellement dans le monde de la finance. Mohamed Boumesmar, expert-comptable, associé au cabinet Audicis (membre de MGI), détaille les enjeux de la consolidation des comptes pour les établissements publics. - Finances News Hebdo : Quelles sont les méthodes de consolidation des comptes ? - Mohamed Boumesmar : La consolidation consiste à établir des comptes d'un groupe de sociétés (juridiquement indépendantes) mais qui sont sous le contrôle de l'une d'entre elles. Le référentiel comptable actuel de consolidation au Maroc donne le choix aux personnes morales soumises à l'obligation de présenter des comptes consolidés, ou qui optent pour l'établissement de ces comptes d'appliquer : • soit les normes nationales prescrites par la méthodologie adoptée par le CNC lors de la 6ème Assemblée plénière du 15 juillet 1999 ; • soit les normes internationales (IFRS) et les interprétations s'y rapportant telles qu'adoptées par l'Union européenne. La démarche CNC, qui doit être mise à jour et actualisée, permet au Maroc de sauvegarder un espace très vital de normalisation dans un domaine très sensible en vue d'adapter constamment l'évolution des normes internationales par rapport au contexte de notre économie et de nos entreprises. Concernant les méthodes de consolidation prévues par ces deux types de normes, elles ne présentent pas, pour le moment, de différence majeure et dépendent des liens de contrôle à savoir : a) l'intégration globale en cas de contrôle exclusif Le contrôle exclusif est défini comme étant «le pouvoir de diriger les politiques financière et opérationnelle d'une entreprise afin de tirer avantage de ses activités». Ce contrôle peu prendre trois formes distinctes : • soit un contrôle de droit (détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise); • soit un contrôle de fait ; • soit un contrôle contractuel. Consolider par la méthode de l'intégration globale consistera à : • intégrer, après retraitements éventuels, dans les comptes de l'entreprise consolidante les éléments des comptes des entreprises consolidées (actifs, passifs et autres comptes de produits et charges) ; • répartir les capitaux propres et le résultat entre les intérêts de l'entreprise consolidante et les intérêts des autres actionnaires ou associés dits «intérêts minoritaires» ; • éliminer les opérations et comptes réciproques concernant les sociétés du groupe. b) L'intégration proportionnelle en cas de contrôle conjoint ; Le contrôle conjoint existe généralement lorsque les deux conditions sont respectées : • l'existence d'un nombre limité d'actionnaires partageant le contrôle ; • un accord contractuel sur les conditions de contrôle. Consolider par l'utilisation de la méthode de l''intégration proportionnelle consistera à : • intégrer, après retraitements éventuels, dans les comptes de l'entreprise consolidante la quote-part représentative des intérêts de l'entreprise détentrice des titres dans les comptes de l'entreprise consolidée. Ainsi, aucun intérêt minoritaire n'est donc comptabilisé; • éliminer la fraction représentative des intérêts de l'entreprise consolidante dans les opérations et comptes les concernant réciproquement. c) La mise en équivalence en cas d'influence notable. L'influence notable est définie comme étant le pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d'une entreprise sans en détenir le contrôle. La consolidation par mise en équivalence consiste à remplacer la valeur comptable des titres détenus par la quote-part des capitaux propres, y compris le résultat de l'exercice déterminé d'après les règles de consolidation. - F. N. H. : En quoi consiste la différence entre la consolidation des sociétés privées et les entreprises publiques ? - M. B. : Au Maroc, l'obligation de consolider les comptes se retrouve éparpillée actuellement dans différents textes indépendants et principalement : • loi 52-01 modifiant et complétant le dahir portant loi 1-93-211 du 21 septembre 1993 relatif à la Bourse des valeurs de Casablanca ; • le Dahir No 1-05-178 du 15 moharrem 1427 (14 février 2006) portant promulgation de la loi No 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés ; • loi 38-05 relative aux comptes consolidés des établissements et entreprises publics publiée le 16 mars 2006. Ces secteurs (sociétés faisant appel public à l'épargne, établissements de crédit, et entreprises publiques) se caractérisent notamment par le caractère d'«intérêt public» vis-à-vis de l'économie et de la société qui accroît considérablement l'importance de la communication financière à travers les comptes consolidés. Signalons qu'il y a actuellement un projet de loi qui vise à unifier l'obligation de présentation des comptes consolidés faite à ces groupes et à d'autres dont les comptes revêtiraient un intérêt public. Rappelons que la loi 38/05 précitée définit les groupes publics soumis à l'obligation de consolidation comme étant «les établissements publics ainsi que les sociétés d'Etat, filiales publiques et entreprises concessionnaires, visées à l'article premier de la loi No 69-00 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques et autres organismes, possédant ou contrôlant des filiales et des participations au sens des articles 143 et 144 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes». Le référentiel comptable de la consolidation au Maroc ne mentionne pas, à proprement parler, de différences entre sociétés privées et entreprises publiques au niveau des méthodes de consolidation à appliquer. Cependant, l'analyse de la notion de «contrôle» présente une spécificité étant donné que les entreprises publiques relèvent toutes, avec quelques différences, du contrôle de l'Etat (contrôle financier et contrôle technique). En effet, de la prise de participation ainsi que la cession d'entreprises publiques sont, de par la loi, soumises à approbation des organes de contrôle de l'Etat. Aussi, si certaines décisions de filialisation ou de participation peuvent être prises sur proposition des organes de gestion des entreprises publiques, d'autres peuvent découler directement des orientations plus générales de l'Etat en tant qu'actionnaire dans le cadre d'une politique de développement socio-déterminée. En conclusion, la consolidation des comptes des groupes publics apparaît comme une étape intermédiaire fondamentale (des paliers de consolidation) vers l'établissement des comptes consolidés de l'Etat. - F. N. H. : Quels sont les enjeux macro-économiques et stratégiques de la consolidation des comptes des groupes publics ? - M. B. : La consolidation est une technique comptable qui vise à donner une information financière et comptable sur le poids économique d'un groupe (qu'il soit privé ou public) ainsi que sa situation et sa performance financière. Ainsi, pour le groupe public, la consolidation contribuera-t-elle à : • donner une image plus fidèle de sa situation économique et financière, de son patrimoine, de ses résultats économiques et financiers et, globalement, de sa performance économique et financière ; • permettre un meilleur accès à l'information consolidée et une plus grande lisibilité pour les dirigeants publics (majorité et opposition), pour les analyses ainsi qu'en général pour le public des comptes publics, • encourager une plus grande visibilité des groupes publics étant donné que les comptes consolidés ne sont pas présentés pour l'administration fiscale mais pour des fins de communication financière ; • apporter une méthode harmonisée et plus globale de la communication des groupes publics avec les bailleurs de fonds aussi bien nationaux qu'internationaux. - F. N. H. : Quels sont les coûts et les risques spécifiques à la non consolidation des comptes du secteur public marocain ? - M. B. : Les coûts et risques pour le les grands groupes marocains s'expliquent notamment par : • une communication financière non adaptée au langage utilisé actuellement dans le monde de la finance (aussi bien national qu'international); • une mauvaise appréhension de la situation financière d'un groupe qui peut requérir des décisions devant tenir compte d'un raisonnement au niveau des comptes consolidés du groupe non pas au niveau uniquement de certaines de ses filiales ou de ses participations. En général, l'information financière et comptable vise à permettre une prise de décision avisée et efficace en permettant une analyse plus globale. Aussi, le principal risque de l'absence d'une consolidation pour l'Etat est de conduire à des décisions qui ne tiennent pas compte de la réalité consolidée de toutes les filiales et participations des groupes publics. - F. N. H. : Quel est le rôle de la consolidation des comptes publics dans la logique de la bonne gouvernance des finances publiques ? - M. B. : Le rôle de la consolidation dans l'esprit de la bonne gouvernance consiste notamment à : • donner une vision plus précise de la richesse économique créée par les groupes publics marocains. Certains sont devenus aujourd'hui de véritables multinationales ; • attirer l'attention sur l'ensemble du périmètre d'action des groupes publics et non plus se focaliser uniquement sur l'entité principale ; • harmoniser la communication financière ; • permettre d'analyser et de suivre l'impact économique et financier entre les entités du groupe …