Dans l'arrondissement d'Aïn Sebaâ, à la lisière nord de Casablanca, une série de dérèglements politiques, administratifs et techniques vient alourdir un climat local déjà grevé par un profond malaise institutionnel. L'inaction du conseil d'arrondissement, la vacance de représentativité, les zones d'ombre entourant la gestion budgétaire, et les carences dans la conduite des projets structurants soulèvent désormais la question de la responsabilité directe du wali de la région Casablanca-Settat, Mohamed Mhidia, également gouverneur de la préfecture de Casablanca. Une gestion erratique sous l'œil du wali Si l'état de paralysie du conseil d'arrondissement ne fait plus débat, c'est désormais l'autorité de tutelle elle-même qui se trouve interpellée. Plusieurs voix s'étonnent de l'absence de suites concrètes données aux constats dressés par l'inspection générale de l'administration territoriale (IGAT), laquelle a séjourné dans l'arrondissement pendant plus de quatre mois. Entre 2022 et 2025, Aïn Sebaâ a bénéficié de plus de 100 millions de dirhams sans qu'un seul projet d'envergure n'ait vu le jour, à l'exception d'un bassin d'eau non autorisé, abusivement désigné comme «piscine municipale» et dont l'usage expose des enfants à des risques sanitaires manifestes. Quant aux terrains de proximité, réalisés sans autorisation préalable, ils demeurent fermés, à l'image d'un appareil administratif réduit à quelques conseillers, sans légitimité effective. La dernière visite de Mohamed Mhidia, accompagné du gouverneur de l'arrondissement, Mohamed Taous, et de la présidente du conseil communal, Nabila Rmili, sur le chantier du nouveau front de mer d'Aïn Sebaâ, n'a fait qu'amplifier le malaise. Selon des sources proches du dossier, cette mission de terrain a révélé de «graves irrégularités techniques» dans l'exécution des travaux, à tel point que les autorités ont officiellement refusé de réceptionner le projet, en dépit d'un taux d'achèvement déclaré de 95 %. Les remarques formulées portent notamment sur la faiblesse des finitions, l'absence de dispositifs de sécurité et de surveillance, et l'incohérence du tracé du terrain de football. Le tout pour un investissement évalué à près de 70 millions de dirhams. «La médiocrité des résultats ne reflète ni les sommes engagées ni les promesses formulées à l'endroit de la population», résume un élu de la majorité régionale. La société publique Casablanca Aménagement, maître d'ouvrage délégué, se trouve au centre d'une vive controverse, relayée par des milliers de publications sur les réseaux sociaux, où le projet est unanimement qualifié de «corniche falsifiée». Une accumulation de retards et d'alertes ignorées Dans le même esprit, le projet de parc zoologique d'Aïn Sebaâ, pourtant annoncé il y a plus d'une décennie, demeure à l'état de chantier inabouti. Présenté naguère comme un pôle écologique et touristique de référence, il peine à dépasser le stade des intentions. Une récente visite de la commission technique du conseil communal a mis en lumière une série de manquements : absence d'espaces familiaux, équipements d'accueil sommaires, et déficiences relatives au bien-être animal. Un avertissement officiel a été adressé à l'entreprise Dream Village, en charge des travaux. Et bien que l'acheminement des animaux soit réalisé à hauteur de 80 %, en vue de la phase de quarantaine vétérinaire, aucune date précise n'a pu être fixée pour l'ouverture effective du site. «Le calendrier d'achèvement reste suspendu à des variables indéterminées, dans une atmosphère d'incertitude prolongée», indique une source municipale à Barlamane.com. Pour nombre d'observateurs, la situation d'Aïn Sebaâ cristallise un double échec : celui du système de gouvernance de la ville unifiée, mais aussi celui, plus fondamental, de l'Etat à assurer une continuité de service public dans un arrondissement stratégique, au cœur de la dynamique économique de la capitale. Dans son discours du 13 octobre 2023, le roi Mohammed VI avait pointé, sans détour, les «graves carences dans la gestion de Casablanca». C'est dans cette lecture que s'inscrit aujourd'hui l'implosion silencieuse d'Aïn Sebaâ, test grandeur nature de l'autorité publique face aux inerties cumulées.