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Entretien : Le ras-le-bol de Belahrach
Publié dans Finances news le 29 - 05 - 2014

Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relations sociales au sein de la CGEM, n'est pas réputé pour manier la langue de bois. Et il le prouve dans cet entretien à bâtons rompus où il revient sur la brûlante actualité sociale. Hausse du SMIG, dialogue social, droit de grève, chômage des jeunes, relation avec le gouvernement : il explicite la position de la CGEM sur tous ces sujets. Il réitère la nécessité de la tenue d'un sommet social, rappelant avec force, parfois avec passion, son seul et unique crédo : tout pour l'emploi.
Finances News Hebdo : La CGEM juge la dernière hausse du SMIG préjudiciable à l'emploi et à la compétitivité des entreprises, quel est votre point de vue ?
Jamal Belahrach : Il faut rappeler d'abord une chose très importante : à aucun moment la CGEM n'a dit qu'elle était contre la hausse du SMIG. La CGEM a voulu positionner le débat à un certain niveau stratégique qui consiste à dire qu'aujourd'hui, la difficulté de fond pour la problématique de l'emploi, c'est d'abord l'absence de croissance et le coût du travail qui est très élevé. Il s'agit donc de profiter de cette occasion pour réfléchir à la manière de réduire le coût du travail et essayer d'augmenter les revenus des salariés. Le problème est que le débat qui n'a pas eu lieu au Maroc est celui de la différence entre SMIG et revenu. Tout le monde sait pertinemment que personne aujourd'hui ne peut vivre avec 2.300 dirhams par mois. La question de fond est les revenus, et c'est là où on intervient pour dire comment on met en place de nouveaux éléments de revenus pour le salarié.
F.N.H. : Avez-vous des propositions dans ce sens ?
J. B. : Nous voulons proposer une réflexion sur la hausse des revenus et voir comment, dans le cadre de la décompensation, trouver le moyen d'allouer des ressources nouvelles aux salariés qui ont des revenus bas. D'abord, si on baisse le coût du travail, on pourra répartir cette baisse aussi bien sur l'entreprise que sur le salarié. Une des idées fortes est de dire «le zéro charge» pour les salaires inférieurs à 3.000 dirhams. Mais il faut se réunir autour d'une table, et discuter de tous ces points importants, car on ne peut pas décréter la hausse des salaires contre l'entreprise.
F.N.H. : Justement, c'était une promesse électorale. On est dans le champ politique. Que n'aurait-on entendu si le Chef du gouvernement n'avait pas tenu ses engagements ?
J. B. : Nous ne remettons pas en cause les prérogatives du Chef du gouvernement. Il est dans son rôle. Et la CGEM est dans le sien qui est de défendre l'intérêt des entreprises. Je veux rappeler avec force que ce sont les entreprises seules qui créent de la richesse et donc de l'emploi. Ce n'est pas l'Etat. Donc, si aujourd'hui on veut asphyxier les entreprises, alors continuons à travailler de cette manière. Sauf que la CGEM a fait un autre choix, celui de dire qu'on veut travailler dans la concertation pour construire un vrai modèle social marocain. Aujourd'hui, la seule chose qui vaille est que l'intérêt général prime, et l'intérêt général, selon nous, est de favoriser les conditions pour que les entreprises créent plus de richesses et plus d'emplois, mais aussi que les salariés gagnent plus d'argent pour mieux vivre, mieux consommer etc... C'est un cercle vertueux. Or, on est toujours en train de travailler de manière ponctuelle.
F.N.H. : Selon-vous, l'IPE, l'AMO couvrant les soins dentaires, la hausse du SMIG, ne rentrent pas dans une vision et une stratégie claire ?
J. B. : Il faut d'abord rappeler plusieurs choses : l'indemnité pour perte d'emploi (IPE), c'est le patronat qui en est l'instigateur. A notre crédit, nous avons prouvé que nous étions dans une démarche sociale avant que le gouvernement ne l'impose, puisque nous sommes convaincus que si demain nous voulons avoir plus de flexibilité, il faut aussi que les salariés puissent s'y retrouver. Quelqu'un qui se retrouve au chômage doit au moins avoir un minimum de revenus pendant un certain temps, qu'il ait une formation complémentaire pour améliorer son employabilité. Nous sommes des managers responsables au niveau du patronat marocain, nous ne sommes pas des cow-boys. Ce temps-là est révolu. Aujourd'hui, il est impératif que ce sommet social voit le jour parce que c'est le moment où on doit tous prendre nos responsabilités pour créer un modèle social marocain. Dans la négative, on ne s'en sortira pas. On vient de grever les charges patronales d'un point entre l'extension aux soins dentaires de l'AMO, l'IPE, etc... ce qui est déjà important. Si le gouvernement décide d'augmenter le SMIG, nous disons amen. Encore faut-il essayer de voir comment réduire le coût du travail qui reste élevé.
F.N.H. : Pourquoi est-il élevé, selon vous ?
J. B. : Parce que c'est l'informel qui prédomine dans notre pays. Ce n'est pas le formel. Il n'y a que 1,2 million de salariés qui sont déclarés à la CNSS sur 12 mois consécutifs. C'est pour cela qu'il est urgent, et il est du devoir du Chef du gouvernement de donner un tempo pour un sommet social et de convoquer toutes les parties prenantes autour d'une même table afin de décider de l'avenir de notre pays en termes social et économique.
F.N.H. : Cela fait un bon moment que vous appelez à ce sommet social...
J. B. : Cela fait 4 ans. J'en ai ras-le-bol d'avoir raison trop tôt, aussi bien sur l'IPE que sur le reste. Le sommet social, c'est maintenant ou jamais. Parce que les Marocains sont en train de dire aux élites économiques et politiques si vous ne vous occupez pas de nous, c'est nous qui allons le faire. Or, j'ai envie de m'occuper des gens parce que je sais qu'on peut le faire, on a les moyens. Ce n'est pas qu'une affaire d'argent, c'est aussi celle de leadership, et de capacité à pouvoir discuter dans le compromis et dans le consensus. Et si le compromis n'aboutit pas aux résultats escomptés à ce moment-là, le politique doit assumer ses responsabilités.
F.N.H. : Beaucoup d'économistes jugent que les principaux leviers de compétitivité sont l'innovation, la formation et la recherche, entre autres, et que la hausse des bas salaires n'est pas forcément un facteur qui grève la compétitivité. Que répondez-vous à ce genre d'argument ?
J. B. : Je réponds oui dans un pays où l'ensemble des mécanismes fonctionne normalement. Je m'explique : lorsque nous avons dit qu'il y a un problème de compétitivité, définissons la compétitivité. La compétitivité, ce sont trois choses : le coût des facteurs, le capital humain et le dialogue social. Au Maroc, aucun de ces paramètres ne fonctionne. Le coût des facteurs ce n'est pas que le coût du travail, c'est tout le reste. Or le coût du travail est un élément important, surtout pour les industries manufacturières, notamment textiles et agroalimentaires. Je parle ici des entreprises qui sont sérieuses, responsables, qui déclarent. Ce sont elles qui seront touchées. Tous ceux qui travaillent dans l'informel ne seront pas visés et vont continuer à vivre. La CGEM n'a aucun problème avec la hausse des revenus. Le sujet, c'est que notre pays ne s'est jamais donné les moyens de réfléchir à un modèle social cohérent. C'est l'absence de vision globale sur ces questions-là qui fait défaut. Quid du coût du capital humain qui n'est pas formé, qui n'est pas employable ? Nous comptabilisons 1,2 million de chômeurs, dont 60% ont entre 15 et 29 ans. C'est une génération sacrifiée ! Que fait-on ? Le SMIG est passé, on va attendre tranquillement la Loi de Finances, après le 1er mai 2015, etc ... Où sont les responsables ?
F.N.H. : Certains observateurs voient dans vos dernières sorties une manoeuvre tactique, avec comme dessein de faire pression, aux échéances futures, en vue de mettre en place des mesures favorables au patronat.
J. B. : Le problème dans ce pays, c'est que tout le monde voit de la tactique partout. A force de voir la tactique partout, plus personne ne voit l'urgence. Que cherche-t-on ? De la croissance. Quand c'est Christine Lagarde qui le dit et qu'elle en fait un show tout le monde applaudit ! Quand c'est la CGEM qui l'affirme, c'est de la tactique. Il faut arrêter ce complexe. Il faut être responsable : la croissance, c'est l'entreprise qui la crée. L'entreprise a besoin d'un climat favorable pour travailler. Les investisseurs étrangers qu'on lorgne ont besoin d'avoir de la visibilité. De la visibilité sur un texte sur la grève, sur le coût du travail, sur les lois financières, pour conclure que le Maroc est un pays idéal pour investir. On a besoin de tout cela, des investisseurs, d'entreprises prospères pour donner de l'emploi à une génération sacrifiée de chômeurs dont personne ne parle, même pas la presse spécialisée. Aucun débat sur le chômage n'a été lancé dans les journaux, alors que chaque année il y a 400.000 jeunes qui sortent du système scolaire, et 200.000 jeunes-diplômés qui arrivent sur le marché du travail. Comment va-t-on procéder pour faire travailler tous ces jeunes ? Avec une croissance à 3% ? Il faudrait 8% sur 10 ans ! Qui parle de tout cela ? Ce pays fonctionne comme si de rien n'était, comme si tout allait bien, alors que les indicateurs sont au rouge. Arrêtons de faire du déni de réalité. La réalité, c'est que les entreprises souffrent, l'économie souffre, il y a beaucoup de chômeurs. Les leaders politiques, économiques, les partenaires sociaux doivent se mettre autour d'une table pour élaborer ensemble une stratégie salvatrice dans l'intérêt du pays. Il n'y a que ça qui vaille.
F.N.H. : Le gouvernement ne semble pas prêt, pour l'instant, à écouter vos doléances. Pourquoi ça bloque avec ce gouvernement ?
J. B. : Avec le gouvernement, ça ne bloque pas. La preuve, il y a une plateforme, il y a un groupe de travail, il y a des propositions qui sont en train d'être étudiées sur l'emploi et la législation. On a proposé des amendements sur le Code du travail. On verra ce qui va se passer au mois de juin au niveau du bilan du Code du travail. La CGEM n'a pas de souci avec le gouvernement. On a un problème avec la vitesse et l'absence de vision globale. Ce qui s'est passé aujourd'hui, c'est qu'un point d'inflexion a eu lieu à ce rendez-vous du 1er mai où il y a eu une décision unilatérale qui nous a tous surpris, parce que cela n'était pas dans les habitudes. Maintenant chacun a son agenda. A la CGEM, nôtre seul agenda c'est la croissance des entreprises pour qu'elles créent des emplois. On ne peut se permettre le luxe d'être en guerre contre le gouvernement. Au contraire, nous lui disons que nous sommes à votre disposition pour faire beaucoup de choses. Mais que chacun sache où sont les priorités du Maroc. La seule priorité c'est l'emploi, des jeunes notamment. Si le gouvernement, les partis politiques, les opérateurs économiques ne se mobilisent pas, on va le payer très cher. A quoi sert de faire étudier ces jeunes si demain on leur annonce qu'il n'y a pas de travail ? Notre jeunesse a besoin de visibilité pour son avenir. C'est notre seule richesse. Et je le répète une énième fois, la seule priorité qui vaille, c'est celle de l'emploi. Le dialogue social que l'on a initié avec les syndicats était pour installer la confiance. Cette confiance est désormais retrouvée, profitons-en pour bien discuter de projets.
F.N.H. : Le texte sur le droit de grève attend toujours. Qu'elle est votre position à ce sujet ?
J. B. : Il y a une Constitution qui énonce le droit de grève comme constitutionnel, et un texte doit venir organiser son fonctionnement. C'est ce que nous voulons pour ne pas être l'otage d'un quelconque syndicat. Il y a 35 syndicats au Maroc, c'est une fragmentation qui est dangereuse. Nous demandons un texte parce qu'on veut que les centrales représentatives (au nombre de 5) soient encore mieux représentées dans nos entreprises et que l'on puisse avoir un interlocuteur. Avez-vous déjà entendu le patronat dire cela ? C'est la première fois dans l'histoire qu'on déclare vouloir un syndicat fort. C'est le sens de l'histoire, on ne peut pas comploter contre les syndicats. On travaille avec les syndicats. Et quand les syndicats et le patronat n'arrivent pas à se mettre d'accord, c'est au gouvernement d'arbitrer. D'ailleurs, le Chef du gouvernement est tout à fait d'accord avec cette démarche.
F.N.H. : Vous n'ignorez pas que le patronat marocain souffre d'un problème de perception auprès des citoyens. Pourquoi à votre avis ? Et que faire pour changer cette image ?
J. B. : Vous avez raison. Il faut que l'image du patron change. C'est une réalité. Lorsque nous avons fait le rapprochement avec les syndicats, beaucoup de managers étaient très réticents pour discuter avec eux. Personne n'y croyait vraiment. Mais on l'a fait quand même. Les syndicats commencent à avoir une autre image du patron. Et vice-versa. Nous avons à faire un travail d'image important auprès du grand public qui est encore dans l'icone d'antan du patron voyou, exploiteur. Et ce discours est relayé par certains politiques qui font du populisme. On ne peut rien faire contre le populisme, par contre notre déficit d'image on doit le travailler avec la jeunesse, les étudiants, en prenant plus de stagiaires, etc... Le message que je souhaite faire passer, c'est que le monde a changé, les entreprises aussi pour la majorité d'entre elles. Les entreprises socialement responsables n'ont rien à voir avec celles d'hier. Il faut donner du crédit à ces dernières qui ont changé pour essayer de tirer tout le tissu économique vers le haut. Notre déficit d'image est à combler par nos actions et notre discours doit être relayé dans ses termes et non dans son interprétation, comme cela se fait dans les médias.
Pour conclure, je dirais que les parties prenantes que sont les syndicats et les patrons doivent accélérer et renforcer le partenariat social direct pour faire en sorte que demain on ne soit pas surpris. Surtout, le 1er mai ne doit plus être un marqueur ou un curseur. Toute décision sociale doit être prise longtemps à l'avance dans le cadre d'un dialogue social pacifié avec le gouvernement et avec les syndicats. Et le Premier mai, comme je l'ai dit, c'est la fête du travail et non celle des annonces.


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