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Entretien : «Le Maroc ne fera pas l’exception, mais…»
Publié dans Finances news le 29 - 01 - 2009

l À l’instar d’autres pays, le Maroc subira, lui aussi, les contrecoups de la crise.
* Mais le schéma sera inverse puisque c’est le système économique qui posera des problèmes au secteur financier.
* Le système bancaire est sain puisqu’il n’a pas importé de produits dérivés, mais sa prudence est une arme à double tranchant.
* La reprise est attendue à la mi-2010.
* Finances News Hebdo : On ne cesse de nous répéter que le Maroc ne sera pas impacté par la crise financière mondiale. Partagez-vous cet avis qui fait du Maroc une exception ?
* Mohamed Berrada : Je ne pense pas qu’on fasse l’exception. Il serait présomptueux de le dire. Je crois que le gouvernement est parfaitement conscient que, de par le processus d’ouverture qui a lieu depuis une vingtaine d’années, notre économie subira les contrecoups de la crise internationale. Le problème n’est pas d’en être conscient mais d’anticiper ses effets et d’être réactif. Gérer, c’est prévoir. Du coup, il ne suffit pas de dire que la tempête arrive; il faut réfléchir aux moyens d’en réduire les soubresauts, la profondeur et la gravité.
Et je ne vois pas les choses bouger sur ce plan-là, et c’est ce qui me perturbe. Il y a probablement des réunions ministérielles qui se tiennent sur ce sujet, mais très peu de communication ou d’explications ! Vous le savez, les opérateurs économiques ou le public ont besoin d’éclairage pour avancer, et c’est une mission qui revient à l’Etat. Il est regrettable que nous n’ayons pas investi dans une institution d’intelligence économique centralisée avec une mission de veille stratégique susceptible d’analyser les mouvements qui concernent l’environnement international et qui permettent de conduire à l’action et de saisir les opportunités. Malheureusement, nos entreprises n’ont pas les moyens matériels et humains pour investir seules dans ce type de projet et se trouvent souvent seules et désarmées face à l’adversité imprévisible. Toute politique nécessite au préalable la collecte d’informations…. et c’est un peu notre faiblesse : on attend la tempête pour réagir et annoncer des plans; et il est souvent trop tard ! Comme pour un malade, la vitesse de réaction est essentielle pour sa guérison…
* F. N. H. : Quels sont les secteurs les plus vulnérables face à cette crise ?
* M. B. : La majorité du secteur industriel aujourd’hui ! D’abord, le secteur textile qui est en train tout simplement de disparaître. Faites la liste des grandes entreprises de textile du Maroc d’il y a quinze ans, et allez voir où elles en sont aujourd’hui. Vous constaterez que la plupart ont mis la clé sous le paillasson, y compris des entreprises d’Etat, comme le complexe textile de Fès qui était un des fleurons de cette industrie au Maroc dans les années 70 avec ses 1.400 employés…Beaucoup d’industriels ont fermé leurs usines, ont indemnisé leur personnel en catimini, et sont devenus importateurs de produits chinois. Ils gagnent plus d’argent et courent moins de risques… Nous assistons lentement à une réduction dangereuse de notre base industrielle au profit des services !
Il en est de même des autres branches : le plastique, la chaussure, la sous-traitance mécanique et électronique… Les commandes venant de nos clients européens sont en train de se réduire. L’industrie automobile européenne est en crise et elle fonctionne en flux tendus. Cette crise s’est répercutée sur les sous-traitants marocains. On assiste à beaucoup d’annulations de commandes mais aussi de, plus en plus, à des accidents de paiement.
* F. N. H. : Pourquoi cette situation ?
* M. B. : Notre industrie n’est pas soutenue : regardez l’état des routes des quartiers industriels et des systèmes d’assainissement! Demandez ce que sont devenues les entreprises englouties sous les inondations à Tanger et le soutien qu’elles ont reçu de l’Etat…des visites officielles et des paroles !
Nos entreprises affrontent une concurrence déloyale (en l’occurrence asiatique) avec des armes disproportionnées… Aussi bien sur notre propre territoire qu’en Europe, notre partenaire traditionnel. Notre artisanat est lui-même attaqué, puisque vous trouvez nos produits traditionnels comme les babouches importés de Chine, sans aucun scrupule ! On enlève ainsi peu à peu le travail aux ouvriers marocains pour le donner à des ouvriers chinois… Au nom du principe du libre-échange, alors que les Chinois refusent de consommer nos produits. Je déplore que certaines de nos valeurs aient un peu disparu, en particulier la fibre patriotique : dans d’autres pays, on ne laisse pas des entreprises étrangères mettre en péril leur tissu productif : on réagit. Ici : on assiste à la scène en tant que spectateur.
La libéralisation des échanges c’est bien : elle a permis de faire baisser les prix au profit des consommateurs, d’améliorer les performances de nos entreprises. Mais elle doit être menée dans le cadre d’une vision systémique en fonction du degré d’avancement de tous les secteurs et de la mise à niveau du secteur industriel dans le respect par tous du principe de concurrence loyale. Et ce n’est pas le cas ! Si on veut à tout prix donner la priorité au consommateur, il faut bien à un moment donné lui trouver le revenu nécessaire pour lui permettre de continuer à consommer, s’il n’a plus de travail.
* F. N. H. : Comment voyez-vous le rôle de l’Etat entre interventionnisme et libre jeu du marché ?
* M. B. : Je l’ai dit, la concurrence est le nerf de la croissance ! Elle stimule la créativité, la productivité et, à terme, crée de l’emploi et contribue au développement de la communauté. C’est elle qui explique la croissance économique fulgurante qui a marqué l’économie mondiale des 20 dernières années. Mais l’Etat, de son coté, doit veiller au respect des règles transparentes de la concurrence. Et je suis content, qu’à la tête du Conseil de la Concurrence, ait été nommée une personnalité qui connaît le terrain et qui saurait apprécier et faire respecter ces règles, y compris sur le plan international… Car la concurrence n’est pas seulement nationale, elle est surtout internationale, et c’est elle qui pourrait faire plus mal, lorsqu’il s’agira de se battre à armes inégales.
Maintenant, si vous parlez du rôle de l’Etat dans l’économie, nous avons besoin au Maroc d’un débat public profond sur ce thème. Il aurait pu être alimenté par les politiques, les députés, les partis politiques ! Mais je ne vois pas de signal dans ce sens. C’est dommage. La mise en œuvre d’une politique libérale dans les années 70 et 80 était une nécessité pour permettre l’émergence d’un secteur privé et d’entrepreneurs qui participeraient au développement du pays. Des réformes structurelles ont accompagné cette politique : réforme fiscale, réforme du système financier, libéralisation du commerce extérieur, privatisation, etc…Cette politique était valable à une époque dans un contexte déterminé. Aujourd’hui, l’Etat doit reprendre le flambeau et montrer le chemin. Il doit mettre en place une politique de partenariat secteur public-secteur privé et lancer de grands programmes d’investissements dans des secteurs productifs qu’il considère comme prioritaires, à coté des grands programmes d’infrastructures qu’il réalise.
La crise internationale nous montre de toute façon que la privatisation, le protectionnisme, le libéralisme, ou la politique budgétaire ou monétaire ne sont plus le fruit d’idéologies particulières, mais de simples instruments de politique économique que les socialistes ou les libéraux peuvent utiliser indifféremment au gré des événements, ce qui est source de confusion et d’interrogation des électeurs devant les politiques… Regardez ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis : l’Etat nationalise les banques, dépense à outrance l’argent des contribuables pour sauver des entreprises et d’une manière générale le système capitaliste ! On passe en quelques mois d’une politique ultralibérale à une politique interventionniste de type keynésienne ! Et même la Chine s’y met : elle aide les USA à se redresser, car c’est son premier client et son premier débiteur ! Bel exemple de solidarité internationale…
* F. N. H. : Quelles sont, selon vous, les causes de la crise actuelle ?
* M. B. : Toute crise provient d’excès ! Excès de consommation et excès de crédit ! Les Américains sont un peuple de consommateurs, et pour cela ils n’éprouvent aucune gêne à s’endetter à outrance. C’est la consommation qui a tiré la croissance économique mondiale des 20 dernières années, et cette croissance a été stimulée par l’émergence de nouvelles économies comme celle de la Chine, de l’Inde, du Brésil ou de l’Argentine. La crise actuelle a été d’abord une crise financière, puis économique et de plus en plus sociale avec la montée du chômage. Elle n’est pas née il y a quelques mois, mais déjà au milieu de 2007 avec les subprimes ! Les banques américaines ont accordé énormément de crédits pour l’acquisition de logements moyens, en prenant comme garantie la valeur courante des actifs et non pas la capacité de remboursement des ménages. Plus elles accordaient de crédits, plus les gens achetaient, plus les prix montaient, plus elles accordaient de crédits… jusqu’au jour du remboursement. Les premières défaillances ont montré le caractère artificiel du système, et tout a commencé à s’écrouler ! On a attribué la crise à la déréglementation financière et à la multiplication des produits financiers sophistiqués qui en sont issus ; c’est vrai, mais il ne faut pas oublier que ce sont ces produits qui ont généré la croissance dont on a parlé. Tout est lié.
En fait, cette crise n’est que l’aspect d’un phénomène beaucoup plus global et invisible : une crise de civilisation dans laquelle le monde est en train de glisser depuis l’avènement de l’âge industriel. Nous sommes dans une époque où nos valeurs morales traditionnelles sont en train de s’effriter au profit des valeurs matérielles liées à la production à outrance, à la consommation à outrance, à l’argent à outrance, et où l’homme n’est pas une fin de la croissance mais un moyen pour la croissance ! On pousse l’homme à consommer plus, on le submerge de publicité, de crédit, on pollue la nature, on l’exploite à outrance pour produire et consommer plus, et probablement la nature se révolte à travers certains phénomènes que l’histoire expliquera un jour…
* F. N. H. : Alors que faut-il faire ?
* M. B. : Remettre l’homme au centre de nos préoccupations car, en définitive, son bien-être n’est-il pas la finalité de toutes nos actions et de toute politique de développement ? Je dis «bien-être» et non pas «bien-avoir» ! Et au cœur de tout cela, il y a l’éducation. Mais pas n’importe laquelle ! Il faut une éducation qui permet à l’homme de s’épanouir, de développer sa personnalité, son intuition, son être, ses capacités de mieux appréhender son environnement, ainsi que des valeurs d’amour et de solidarité ! Et non pas l’accumulation seule de connaissances scientifiques et techniques : on ne doit pas former des robots pour servir les modèles de production et de consommation, mais des êtres qui réfléchissent ! Il y a nécessairement un équilibre à définir entre l’être et l’avoir !
* F. N. H. : Ce schéma est-il le même au Maroc ?
* M. B. : Soyons clairs ! Ce qui marque la mondialisation aujourd’hui c’est le développement des systèmes de communication : tous les Marocains regardent la télé et veulent adopter le modèle de consommation occidental. Des enquêtes auprès des jeunes l’ont montré et c’est logique. La naissance et l’élargissement d’une classe moyenne est le facteur et la conséquence de la croissance économique. Mais si cette croissance n’est pas assise sur une base productive, elle sera artificielle. Le crédit peut jouer le rôle de catalyseur, mais il faut qu’il soit relayé par la création de valeur ajoutée. Il faut rechercher une croissance de qualité et non pas de «quantité», une croissance harmonisée, construite sur une diversification équilibrée entre différents secteurs pour qu’elle soit régulière et moins dépendante des facteurs exogènes. C’est pourquoi, à mon sens, il faut rester prudent quant à la politique d’endettement des ménages marocains et éviter les excès ! Il faut que les produits consommés soient le fruit d’une valeur ajoutée marocaine et non pas étrangère, comme a tendance à le montrer le déficit inquiétant actuel de la balance commerciale. Je veux dire par là que nous devons donner priorité à la production et aux entreprises créatrices de valeurs et non pas à la consommation. Quand je parle d’équilibre entre secteurs, il faut éviter d’accélérer notre passage d’un secteur primaire qui, nécessairement, est appelé à diminuer en terme relatif, à un secteur tertiaire de services, sans renforcer au préalable notre secteur secondaire. Nous n’avons pas encore atteint le niveau de développement de la Grande –Bretagne, où le secteur des services, en particulier financier, qui représente 60% de l’économie, a aggravé la crise économique dans ce pays ! Nous devons préparer des emplois à une population de plus en plus nombreuse qui viendra des campagnes et qui est souvent illettrée, et c’est surtout le secteur industriel qui pourra lui donner du travail, particulièrement dans la construction et les branches qui lui sont affiliées.
* F. N. H. : Pensez-vous que le taux de croissance prévu pour cette année est réalisable ?
* M. B. : Un taux de croissance de 4.50% en 2009 est possible. Il est d’un niveau significatif par rapport au taux de croissance mondial attendu de 0,20%.
Mais il faut se mobiliser pour l’atteindre, car il me semble que cette année sera très mouvementée sur le plan international et nous en sentirons les effets. Les prix des phosphates, qui ont sauvé notre balance commerciale en 2007 et 2008, ont commencé à baisser, comme toutes les autres matières premières. Nous aurons beaucoup de difficulté à maintenir nos exportations de produits manufacturés comme je l’ai expliqué au début, en raison de la récession chez nos partenaires. Le secteur touristique a déjà commencé déjà à enregistrer une baisse dans la mesure où les réservations pour le trimestre prochain ont baissé de 25 %. Mais il y a aussi des éléments positifs : les économies qui pourraient être réalisées sur les prix du pétrole et des céréales au niveau des charges de compensation pourraient être réorientées vers des programmes d’investissement en infrastructures pour renforcer les capacités de résistance et de compétitivité exportatrice de notre tissu industriel. Il y a aussi les perspectives d’une bonne récolte dont les revenus irrigueront notre économie au cours du 4ème trimestre de cette année. Enfin, si au niveau du bâtiment de luxe on a atteint une certaine saturation, il me semble qu’au niveau de l’habitat social la demande, avec l’arrivée sur le marché de 100.000 ménages chaque année, restera vive et sera le moteur principal de la croissance en 2009. D’une manière générale, la croissance économique en 2009 sera tirée principalement par la demande interne.
* F. N. H. : Que doit faire l’Etat pour que cette croissance se réalise ?
* M. B. : Apprécier de manière réaliste et concrète la profondeur de la tempête qui va secouer notre économie par des enquêtes sur le terrain. Les études trimestrielles publiées par nos institutions ne reflètent pas toujours la réalité complexe de notre économie : je sais par exemple combien souffre actuellement le secteur informel qui fait travailler tant de monde… Suivre le mouvement, anticiper la tempête qui arrive et préparer la contre-attaque ! Par un plan de relance ou de consolidation si on ne veut pas réutiliser les mêmes termes qu’en Occident : accélérer les programmes d’investissements publics, autoroutes, assainissements des quartiers industriels, aides aux entreprises sinistrées, quitte à ce que les déficits publics dépassent certains seuils ! Les politiques économiques et monétaires s’adaptent avec les circonstances… Si on ralentit les programmes d’investissement, on précipitera l’arrivée de la crise dans notre pays ! Il y a aussi pour notre pays des opportunités : des entreprises en difficulté en Europe qui pourraient être transférées au Maroc à des prix intéressants ! Car en définitive, la crise a fait baisser les prix des actifs à un niveau très bas et c’est aussi le moment d’investir pour ceux qui ont des liquidités ! Il faut imaginer un système par lequel les banques marocaines, avec le soutien de l’Etat, pourraient aider les entreprises marocaines à acquérir des entreprises européennes, dont l’activité est complémentaire. Je pense que beaucoup d’entreprises en Europe seraient intéressées par ce deal dans la mesure où cela améliorait leur coût et leur flexibilité, ce qui les rend plus concurrentielles au moment de la reprise.
Mais l’Etat doit rester aussi vigilant quant à la situation financière des entreprises marocaines exportatrices car, c’est certain, elles sont appelées à souffrir des difficultés de trésorerie de leurs clients.
* F. N. H. : Donc, il y aurait bien des répercussions de la crise sur le système financier marocain ?
* M. B. : Répercussion sur le système financier marocain, probablement, mais pas directement !
Au moment où la crise internationale affecte d’abord les institutions financières et bancaires, l’effet de contagion sur notre système bancaire reste assez limité et cela grâce à la non-libéralisation totale des mouvements de capitaux… L’article 8 des statuts du FMI auquel nous avons adhéré ne concerne que la convertibilité de notre monnaie au niveau des opérations courantes de la balance des paiements. On n’a pas non plus de marché hypothécaire en matière de créances immobilières, ni ces produits financiers qui ont été la cause de tant de dégâts aujourd’hui. Notre système bancaire est relativement sain : très peu de dépôts à l’étranger et pratiquement pas de créances toxiques.
Cependant, il y a quelques indicateurs de dérapage : l’augmentation vertigineuse des crédits à la consommation et au logement à laquelle on assiste ces dernières années, la spéculation immobilière qui en résulte, la spéculation boursière avec une envolée des cours des actions sans relation avec les fondamentaux des entreprises qu’elles représentent. Tout cela montre qu’on assiste à une déconnexion progressive des flux financiers de la sphère réelle. Combinée au ralentissement économique de certains secteurs d’activité et aux difficultés financières qui en résultent, elle pourrait se traduire par des problèmes de trésorerie et des problèmes financiers.
En définitive, chez nous, c’est la crise économique qui pourrait conduire à une crise financière, si on ne prend pas les mesures d’adaptation nécessaires.
* F. N. H. : La refonte du système financier international fera l’objet d’une rencontre du G 20 en mars, à Londres. Quelle est, d’après vous, l’utilité d’une pareille rencontre dans le contexte actuel ?
* M. B. : La crise actuelle est une crise systémique et s’inscrit dans le processus de la mondialisation. Cette mondialisation a renforcé l’interdépendance entre les économies et à l’intérieur d’une même économie, entre les différents secteurs. Je le répète, tout est lié ! Le monde est devenu solidaire : même le pays le plus capitaliste du monde est marié désormais avec le pays le plus communiste du monde ! En conséquence, aucun pays ne peut mener sa politique de manière indépendante : on a besoin de se concerter, d’échanger ses informations, ses expériences et surtout de coordonner ses politiques… Car une politique coordonnée crée des synergies et permet, comme un peuple uni et motivé, de mieux affronter l’ennemi : ici la crise qui touche tous les pays.
En plus, nous sommes dans un monde d’images et de signes : la reprise sera effective quand la confiance reviendra ! Car la crise actuelle est aussi une crise de confiance ! On a vu combien la fraude, le mensonge, la spéculation effrénée ont marqué ces dernières années… Conséquence des changements de valeurs dont j’ai parlé tout à l’heure. Alors, la communauté internationale doit se réunir, montrer sa solidarité, créer un climat de coopération et de volonté pour affronter la crise et créer un climat de confiance. C’est son rôle de lancer des messages aux opérateurs et aux consommateurs !
* F. N. H. : Cette interdépendance des économies ne représente-t-elle pas un risque pour le Maroc ?
* M. B. : Quand on ouvre son économie, on prend un risque, mais on peut aussi bénéficier d’opportunités. Cette interdépendance signifie qu’on se trouve dans un train conduit par une locomotive qui peut nous tirer si on sait y faire… Regardez ce qui s’est passé sur le plan régional au cours des 30 dernières années avec l’Union européenne, l’Asean et l’Alena. Chaque développement s’est effectué sur une base régionale sous l’effet d’une locomotive; t sur le plan global, il y a toujours une région qui joue le rôle de locomotive. Je pense d’ailleurs que le processus de mondialisation est appelé à renforcer les développements régionaux…et, sans cette interdépendance, il n y aura pas de développement !
Cette interdépendance fait aussi que les cycles économiques sont devenus systémiques; les crises se transmettent de pays à pays et c’est pourquoi nous en subirons les effets à notre mesure, en descente et en montée. L’histoire nous enseigne qu’après la crise, il y a toujours la reprise : il faut donc savoir profiter des opportunités de la crise et choisir le bon moment pour investir.
* F. N. H. : Est-ce également le bon moment d’investir, particulièrement en Bourse ?
* M. B. : C’est vrai qu’en matière d’investissement en Bourse, comme dans tout autre investissement, il faut savoir quand il faut entrer et aussi quand il faut sortir. Mais le plus important est d’être très regardant au niveau des fondamentaux des sociétés cotées. Quand on spécule, parce que certaines valeurs augmentent sans rapport avec leur rendement, on doit s’attendre à des surprises. Je n’aime pas la spéculation même si elle peut faire partie du caractère humain. Mais je pense que sur le long terme, on est gagnant si on dresse un équilibre homogène entre les objectifs de rentabilité, de liquidité et de sécurité.
Ceci dit, il faut reconnaître que la Bourse de Casablanca n’a pas subi le désastre des Bourses internationales car elle est relativement fermée. Et en raison des faibles opportunités de placement pour les épargnants, les perspectives pour les valeurs ayant de bons fondamentaux sont, dans la situation actuelle, intéressantes. N’oublions pas que sur le long terme, la rentabilité des placements boursiers est supérieure à celle des placements en trésorerie. On n’a qu’à se rappeler des augmentations des cours en 2006 et 2007.
* F. N. H. : Certains prévoient la reprise de l’économie mondiale à fin 2009, d’autres pour 2010. Qu’en dites-vous ?
* M. B. : Je pense que l’année 2009 sera extrêmement perturbée parce que, pour beaucoup de pays occidentaux, la crise est encore devant eux. La mondialisation a renforcé le climat d’incertitude et personne ne peut dire ce qui va se passer dans les mois à venir… Pour l’instant, on continue de découvrir des trous, alimentés par des scandales en série; on continue de voir les gouvernements patauger pour trouver des issues… On continue d’enregistrer un mouvement de récession et les milliards de dollars qui se dépensent actuellement demandent beaucoup de temps pour produire leurs effets. Ceci se reflète à travers l’effet yoyo des Bourses internationales.
Je pense que cette crise s’annonce plus brutale que les précédentes, mais qu’avec les mesures de restructuration en cours, (car une crise a toujours un effet thérapeutique), avec les investissements en flexibilité qui ont eu lieu au cours des 15 dernières années, avec la réactivité et la coordination des politiques économiques en cours, la reprise pourrait être aussi brutale et imprévisible.
C’est la nature du monde d’aujourd’hui.


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