Le gouvernement Othmani II promet de nouveaux changements pour les ménages marocains. Lutte contre les disparités socio-économiques, réduction du chômage, amélioration de l'éducation, etc., tant de challenges à relever pour le gouvernement « fraichement » nommé, mais est-ce que celui-ci saura réussir où son prédécesseur a « failli » ? Le gouvernement Othmani II, nommé officiellement le 9 octobre, a pour mission de redorer le blason de la société et de l'économie nationale. S'il est vrai que certains visages sont restés, ceux-ci ont toutefois la même responsabilité que les nouveaux entrants pour changer les choses, une tâche qui s'avère difficile, mais pas « impossible ». S'il est vrai que tout laisse à penser que les choses changeront de façon positive à l'horizon 2020, année de relance selon les prévisions de Bank Al-Maghrib et du ministère de l'Economie et des Finances, de l'Education, mais aussi de la nouvelle entité qui reprendra le rôle du ministère des Affaires générales et de la Gouvernance, qui a disparu en compagnie de Lahcen Daoudi. Les ménages peinent toujours à joindre les deux bouts L'année 2019 a été plombée par les performances du secteur agricole, qui se sont répercutées sur le PIB national en général. Cette situation baissière a aussi concerné le pouvoir d'achat des ménages, qui ont vu leurs besoins se maintenir au même niveau, si ce n'est en hausse, sans que le pouvoir d'achat ne suive la tendance haussière. Selon les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP) au 3e trimestre 2019, les ménages marocains sont encore loin du compte pour ce qui est de leur capacité à épargner, ou pour leur niveau de vie en général, notamment pour ce qui est des achats et investissements de biens durables. Les données du HCP indiquent que 43,9 % des ménages nationaux ont connu une dégradation de leur niveau de vie durant les 12 derniers mois, alors que seulement 23,6 % parlent d'une amélioration de leur situation. De plus 26,7 % des ménages s'attendent à une nouvelle dégradation à ce niveau pour l'année à venir. Pour ce qui est des achats de biens durables, 59,3 % des ménages indiquent une absence de volonté d'acquisition, poussée par leur situation financière, mais aussi par les prix du marché actuellement, qui se maintiennent au même niveau, notamment du côté de l'immobilier. L'épargne est en retrait, dans la mesure où les ménages nationaux dépensent la majorité de leur revenu pour subvenir à leurs besoins, ce qui laisse peu, voire 0 part à garder de côté. Cette situation les pousse d'ailleurs à s'endetter, mais pas forcément auprès des banques, qui maintiennent la barre haute vis-à-vis des clients à risques. Par ailleurs, il est à noter que l'entrée au pouvoir du nouveau gouvernement Othmani II a été « bizarrement » accompagnée d'une baisse des prix des carburants dans les différentes stations-services du royaume. Bizarrement dans la mesure où les prix ont toujours été à la hausse avec le gouvernement précédent, malgré la baisse du prix du pétrole au niveau mondial. L'objectif serait peut-être de faire croire à la population que cette baisse serait le précurseur d'un réel changement au niveau de la gouvernance, annonçant par la même occasion la volonté du nouveau gouvernement à mettre en avant, et de façon concrète, les besoins des citoyens, notamment l'amélioration de leur niveau de vie. Cela dit, cette situation devrait connaitre un nouveau changement, du fait que le Maroc suit le cours du pétrole sur le marché mondial, mais que l'on devrait peut-être assister à un changement concret au niveau de la gestion dans ce sens. Cette situation risque d'ailleurs de persister en 2020, puisque 83,4 % des ménages indiquent s'attendre à une hausse des prix des produits alimentaires, ce qui n'est en aucun cas favorable pour épargner. En dehors de la consommation de biens, cette situation se reflète sur la capacité des ménages à garantir un bon niveau d'éducation pour leur progéniture. L'éducation loin d'avoir atteint sa vitesse de croisière Le ministre de l'Education nationale, Said Amzazi, a indiqué, le 14 octobre lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants, que 52.000 élèves, sur un total de 70.000 ont quitté le privé pour se diriger vers les bancs du public pour cette année. Le ministre justifie ce mouvement par une amélioration notable au niveau de la qualité de l'enseignement dans le secteur public, témoignant lui-même d'un « regain » de confiance des familles dans ce système, qui a déçu auparavant. Or, les nombreuses réformes entamées dans le secteur se sont avérées jusqu'à présent peu convaincantes, voire sans résultat positif, reflétant une réelle problématique au niveau de la gestion. En effet, ce mouvement de masse ne veut pas forcément dire que la qualité de l'enseignement public a progressé, mais que les ménages n'ont plus la capacité financière pour garantir une place dans le privé pour leurs enfants. Dans ce sens, Ali Chaabani, sociologue et ancien professeur de sociologie à l'université Mohammed V de Rabat, nous a déclaré qu'au vu de la situation économique des ménages, il n'est que chose normale de voir cette « migration ». « La qualité de l'enseignement public se maintient toujours à la baisse. Que ce pour le surnombre dans les classes, de la situation des enseignants, de l'état déplorables des équipements, etc. Il faut comprendre que l'objectif n'est pas d'améliorer l'état des classes, mais les conditions d'accueil et de travail des élèves et du corps de l'enseignement. Beaucoup d'établissements souffrent toujours d'une absence de l'infrastructure basique qui devrait être en place pour le bon déroulement des cours, et assurer leur bonne gestion », nous a déclaré notre interlocuteur. Pour ce qui est de l'éducation dans le milieu rural, les « réduits » qui font office d'écoles ne devraient plus être considérés comme des solutions viables pour la lutte contre l'analphabétisme dans les zones recluses. Le milieu rural devrait profiter des mêmes opportunités pour la promotion de l'enseignement que dans les villes, notamment en mettant en place de réelles structures, notamment des établissements de tous niveaux, en plus de proposer des conditions de travail avantageuses pour les enseignants dans ce milieu, dont la tâche n'est pas toujours facile, et ne se limite souvent pas à transmettre le savoir. Pour Chaabani, la marginalisation de l'enseignement dans le milieu rural serait voulue, dans la mesure où celui-ci représente une ressource importante de voix à exploiter par certaines parties. « Si le milieu rural prend conscience de son potentiel, cela n'arrangerait en rien les parties qui profitent des élections pour booster leurs chances d'accéder aux postes de pouvoir. Cette situation est d'ailleurs notable même dans les villes, mais pas de la même ampleur », nous a expliqué Chaabani, rajoutant que l'Etat n'a pas forcément envie que les choses changent dans ce milieu, chose qui est exprimée de façon implicite et explicite, « surtout que cela profite à certains secteurs », rajoute-t-il. Entrepreneuriat : réel changement ou promesses vides ? Le roi Mohammed VI a appelé les acteurs du secteur bancaire à faire preuve de plus de faciliter pour ce qui est de l'octroi du financement aux jeunes porteurs de projets. Il faut bien comprendre que l'accès au financement a toujours été là, dans la mesure où ceux qui ne disposent pas des garanties nécessaires ont recours à d'autres moyens pour financer leurs idées. Le roi a appelé Bank Al-Maghrib, le ministère de l'Economie et des Finances ainsi que le Groupement des banques professionnelles du Maroc à mettre en place un nouveau mécanisme d'accompagnement, dont la tâche sera de gérer et de répertorier les projets prometteurs. Cela dit, le royaume n'en est pas à sa première expérience dans ce sens, puisque l'on évoquera le cas de l'initiative « Moukawalati », initiée dans les années 90, et qui n'avait pas abouti à grand-chose. Ce chantier avait vu de nombreux projets faire faillite et un nombre important d'entrepreneurs finir en prison, du fait qu'ils ne disposaient pas des ressources financières nécessaires au remboursement de leurs dettes et emprunts. Cela était un témoignage du manque d'accompagnement à ce niveau, chose que l'on espère combler avec le lancement du nouveau chantier, qui devrait voir le jour en janvier 2020. Toutefois, ne faudrait-il pas se demander si la mise en place d'une telle structure, où l'Etat se porte garant pour les jeunes entrepreneurs, serait chose suffisante à promouvoir le tissu économique auprès des populations à faible revenu ? Dans ce sens, le sociologue nous a indiqué que « les jeunes ont perdu toute confiance dans le système bancaire. Ceux-ci ne voient en lui rien acteur économique qui cherche son profit. Cela est bien compréhensible dans un sens, puisqu'une banque a besoin de récupérer l'argent qu'elle investit, comme n'importe quel investisseur d'ailleurs. Toutefois, il faut bien comprendre qu'un projet a besoin de temps pour devenir rentable, c'est que l'Etat et les banques devraient comprendre ». Notre interlocuteur nous a indiqué, par ailleurs, qu'il s'agirait plus d'un problème « psychologique » pour les jeunes, et que l'Etat devrait prendre en considération cette donnée pour la réalisation de ses futurs mécanismes d'accompagnement. Cela dit, la réussite d'un tel chantier devrait prendre en considération d'autres paramètres, notamment pour ce qui est de la concurrence. Pour simplifier, un porteur de projet qui propose un service de lavage de voitures à domicile dans une ville donnée voit son idée dupliquée par d'autres jeunes, ce qui est considéré comme de la concurrence déloyale. Ainsi, le profit que celui-ci devait générer à la base pourrait se voir divisé par 3 ou 5 fois, si ce n'est plus. L'Etat devrait donc créer un écosystème encourageant pour les porteurs de projets, en prenant en considération ces paramètres, tout en proposant, par exemple, aux acteurs économiques du marché, des avantages fiscaux, dans le cas où ceux-ci soutiennent ces entrepreneurs pendant une période donnée.