La cigarette est nocive pour la santé. C'est un constat reconnu mondialement par les fumeurs et les non-fumeurs. Pour les sociétés de tabac, il faut donc réagir pour garder les clients, tout en leur proposant une alternative de « moindre dangerosité ». Cela consisterait à changer les produits actuels, la cigarette normale sur le marché depuis des décennies, par d'autres moins nocifs, contenant beaucoup moins de substances toxiques et cancérigènes. C'est l'approche qu'a adoptée la multinationale américaine Philip Morris, qui compte 150 millions de clients parmi 1 milliard de fumeurs dans le monde. Passer de la cigarette normale à un nouveau produit qui est le tabac chauffé, est son nouveau challenge. Hespress Fr a rencontré Nuno Fazenda, porte-parole scientifique de la multinationale, qui a d'emblée expliqué que PM a « une nouvelle mission et une nouvelle vision ». « Ce qu'on veut faire, c'est à terme, sortir de la cigarette normale et produire uniquement des produits sans fumée, à savoir du tabac chauffé » commercialisé aujourd'hui dans 50 pays, mais pas encore au Maroc nous explique notre interlocuteur. Ainsi, PM envisage de remplacer la cigarette normale par des produits qui ont scientifiquement démontré qu'ils étaient moins nocifs que la cigarette, mais qui sont aussi des produits acceptables et que les fumeurs vont aimer. Parce que finalement, pour PM, « si un produit est moins nocif mais que les gens ne l'aiment pas, le passage ne se fera pas». « C'est vraiment la nouvelle direction de la société », insiste-t-il. Et d'ajouter: « On sait qu'aujoud'hui le problème dans une cigarette ce n'est pas la nicotine, ce n'est pas le tabac, c'est le fait de brûler le tabac. Lorsque vous prenez une cigarette et que vous l'allumez, il y a un processus de combustion qui a lieu et à la suite de ce processus, il y a une fumée qui est générée et cette fumée contient beaucoup de substances toxiques et cancérigènes qui sont créées à cause de la combustion ». « Donc, détaille notre interlocuteur, le principe du tabac chauffé ce n'est pas de brûler le tabac, mais le chauffer de façon contrôlée pour libérer la nicotine et les arômes que les fumeurs recherchent, mais en minimisant le nombre de composants toxiques et cancérigènes qui viennent avec la nicotine et les arômes ». Réduction de plus de 90% des substances toxiques Le nouveau processus, souligne le porte-parole scientifique de PM, « élimine la combustion, puisque c'est un chauffage et vu que vous chauffez sans brûler, vous générez de la vapeur au lieu de la fumée. Cette vapeur signifie une réduction de plus de 90% des substances toxiques et cancérigènes par rapport à ce que vous pouvez trouver dans la cigarette normale ». Cependant, pour les fumeurs, il ne s'agit pas uniquement de fumer et avoir sa dose de nicotine, mais il s'agit de tout un rituel qui comporte aussi la fumée que dégage la cigarette. Interrogé sur ce point notre interlocuteur avance qu'en effet « c'est assez complexe ». « Il y a l'aspect évidemment de la nicotine et comment elle est livrée, il y a l'arôme, il y a le rituel. Donc il y a beaucoup de choses qui sont présentes, et c'est un produit qu'on a développé depuis un certain nombre d'années qui est le résultat de plusieurs itérations, mais surtout le résultat d'un programme d'évaluation scientifique qui est très poussé, donc on fait beaucoup d'études dans notre centre de recherche en CUBE à Neuchâtel, qui portaient typiquement sur la composition chimique de la vapeur qui est produite. On a aussi fait des études toxicologiques qui ont montré des niveaux de toxicité très faibles, une réduction du même ordre de grandeur de 90% de la toxicité par rapport à la fumée de cigarette », explique-t-il. De même, des études cliniques ont été menées sur des fumeurs qui sont passés de la cigarette normale au tabac chauffé, permettant d'analyser l'évolution d'un certain nombre de marqueurs de risque. En parlant de risque, le porte-parole de PM souligne que la multinationale est consciente qu'il y a des maladies liées à la fumée de cigarette qui se développement, toutefois « elles prennent du temps à se développer, et se développent généralement sur 20 à 30 ans ». « Par contre, on sait qu'avant que ces maladies ne se développent, il y a tout un ensemble de changements biologiques au niveau de certains mécanismes, et qui vont éventuellement aboutir à la maladie. Donc il y a des processus d'inflammation, le stress oxydatif, le cholestérol, la capacité pulmonaire. Tous ces marqueurs qui sont liées à ces différents mécanismes, ont été suivis. Il en ressorti que si les fumeurs passent de la cigarette normale au tabac chauffé, après 6 mois, ces différents marqueurs vont dans la même direction que si les gens arrêtent de fumer », fait-il savoir. Au Maroc, la réglementation fait défaut Pour ce qui est du Maroc, le porte-parole de PM explique qu'« avant de commercialiser un produit dans un pays donné, il faut qu'il y ait un cadre réglementaire approprié. Parce que ces produits ne sont pas à proprement parlé des cigarettes, et par conséquent, doivent être traités d'un point de vue réglementaire de façon différentielle. Donc, pour nous il fait avoir des prérequis pour commercialiser le produit, à savoir une réglementation différentielle par rapport à la cigarette». Et qui dit prérequis, dit aussi le message qui accompagne ce type de produit puisque, selon PM, c'est un produit qui contient moins de 90% de risque que la cigarette normale, et que le message inscrit dans la boite fait partie aussi de la réglementation. «Les messages qui accompagnent ce produit-là, vu que ce n'est pas une cigarette, doivent être en accord avec la nature du produit. Si on a démontré scientifiquement qu'il est moins nocif que la cigarette, eh bien finalement, on ne peut pas utiliser les mêmes messages. La réglementation doit être proportionnelle au risque. Les produits plus risqués comme les cigarettes doivent contenir des messages et une réglementation, peut-être, plus stricte. Par contre, des produits pour lesquels on a scientifiquement démontré qu'ils sont moins nocifs que la cigarette, vous ne pouvez pas utiliser les mêmes messages. C'est pour nous un prérequis aussi bien que la réglementation, y compris les avertissements sanitaires qui doivent être en ligne avec le produit», met-il en avant. Pas de risque Zéro Toutefois, même si le tabac chauffé est « apparemment » mois risqué que la cigarette, cela n'en fait pas un produit sans risque, souligne notre interlocuteur. Par contre, poursuit-il, « quand vous commencez à comparer la nocivité par rapport à la cigarette, il y a une énorme différence. Donc ces produits-là sont destinés aux fumeurs qui autrement vont continuer à fumer des cigarettes et au lieu de les exposer à de grandes quantités de substances toxiques et cancérigènes, on va finalement, vu qu'il y a pas de combustion, les exposer à beaucoup moins de substances toxiques ». « On parle bien de réduction de risques mais pas d'élimination« , insiste-t-il. La question qui se pose aujourd'hui est, est-ce qu'on verra l'éradication de la cigarette normale avec l'arrivée du tabac chauffé ? Pour Nuno Fazenda, l'objectif de PM c'est, à terme, « d'arrêter la fabrication de cigarettes et de passer uniquement à la production de ces produits à risque réduit ». « Evidemment, nous dit le scientifique, l'arrêt de production de la cigarette dépendra de comment ces produits seront être adoptés par les consommateurs, mais aussi comment les gouvernements dans différents pays vont définir les cadres réglementaires qui encouragent les fumeurs qui n'arrivent à arrêter de fumer, à passer au tabac chauffé». Et d'ajouter :«cette vision portant sur l'arrêt de fabrication des cigarettes, ne dépend pas uniquement que de nous. Il y a beaucoup de paramètres, de nombreux acteurs qui ont un rôle à jouer dans la matérialisation de cet objectif. Néanmoins, PM est en train de faire tout ce qui est dans son pouvoir de façon à développer ces produits, communiquer dessus et transformer ses usines. On a déjà adapté 7 usines pour ce type de produits en Suisse, Italie, Roumanie, Corée, Russie, Grèce et Pologne». Quel impact sur le marché? Autre objectif de PM, est également de mesurer son progrès dans cette nouvelle vision. «Aujourd'hui, il y a environ un milliard de fumeurs dans le monde. Dans ce milliard de fumeurs, environ 150 millions de fumeurs utilisent des produits PM. On en a plus de 12 millions qui utilisent des produits de tabac chauffé, notre objectif c'est qu'en 2025 on ait 40 millions parmi ces 150 millions qui passent au tabac chauffé. Alors évidemment, si on a un cadre réglementaire qui encourage cette transition, on aimerait faire plus vite et aller plus vite que cela. Mais ça ne dépend pas que de nous. Il y a ce cadre réglementaire qui doit être mis en place. Parce que finalement, si on ne peut pas parler de ces produits aux fumeurs, de leur dire qu'il y a des produits à disposition, si ces produits ne peuvent pas être utilisés et que les gens ne peuvent pas les adopter, évidemment que cette vision, on ne va pas pouvoir la matérialiser», avance le scientifique. Concernant les maladies pouvant éventuellement être développées à l'utilisation du tabac chauffé, Nuno Fazenda indique qu'aujourd'hui, PM «n'est pas en mesure, pour ce produit de tabac chauffé, de quantifier la réduction du risque par rapport à la cigarette. Pourquoi ? Parce que seule l'utilisation du produit pendant 20 ans ou 30 ans par des millions de consommateurs va pouvoir nous donner une réponse par rapport à cela. Parc contre, ce qu'on sait, c'est qu'on peut faire des études scientifiques pour, d'un côté observer la quantité de composants toxiques et cancérigène présents dans le tabac chauffé par rapport à la cigarette. On peut faire des études toxicologiques aussi pour avoir une idée de la toxicité. Tout cela, on l'a fait, et on voit qu'on a une réduction non négligeable de la toxicité. Et on peut faire des études cliniques pour essayer de voir ce qui est en train de se passer, comment évoluent les marqueurs de risque». Et de conclure : «On peut faire des études dans différents domaines, pour essayer d'avoir des indications sur le profil de risque du produit. Toutes les indications que nous avons pour le tabac chauffé disent que ce profil de risque est vrai semblablement très très réduit par rapport à ce que vous avez pour une cigarette. Mais on ne peut pas, à ce jour, donner un chiffre parce que seules des données à long terme vont permettre de quantifier avec exactitude cette réduction de risque».