Le Bureau central de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) a présenté son rapport ce mercredi 11 novembre sur l'évolution de la situation des droits humains dans notre pays durant l'année 2019, et les violations ayant atteint tous les domaines et toutes les générations des droits humains universellement reconnus constatées par leur association. Avant de se pencher sur le contenu du rapport, l'AMDH a tout d'abord souligné que la situation des droits humains au Maroc en 2019 telle que décrite dans son rapport, est fondée sur les informations et les questions traitées par les sections de l'AMDH et par son bureau central selon les plaintes qui nous ont été adressées, ou sur la base des violations observées directement dans les différentes villes et régions (91 sections et commissions préparatoires pour la création de nouvelles sections, 10 sections régionales dont trois à l'étranger), ou à travers ce qui a été observé et diffusé par les médias en général. « Nous ne prétendons pas que les violations, les atteintes et les questions qui ont été traitées et rassemblées couvrent toutes les violations portant atteinte aux droits humains enregistrées dans notre pays, mais nous considérons qu'elles reflètent en grande partie l'image générale des pratiques des différentes autorités et appareils de l'Etat dans le domaine des droits humains, et représentent à quel point l'Etat respecte les droits et libertés auxquels il s'est engagé au niveau national et international » explique l'association présidée par Aziz Ghali. Le rapport présenté par l'AMDH comprend un nombre important de tableaux, de données, de chiffres et d'indicateurs des cas de violations observées dans les différents domaines des droits humains au Maroc au cours de l'année écoulée 2019 et est répartit deux principaux thèmes. Il y a les droits civils et politiques qui englobent les libertés publiques dont la liberté d'opinion, d'expression, d'organisation et de manifestation pacifique, la liberté de la presse, d'information et d'Internet, les actes de torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, les défenseur(e)s des droits humains, le droit à la vie, la situation des prisons et des prisonniers(ères), la liberté de croyance, les libertés individuelles. Et il y a les droits économiques, sociaux et culturels dont le droit au travail, la protection sociale, le droit à l'éducation, le droit à l'enseignement supérieur, le niveau de vie et l'état de pauvreté, la situation des droits culturels et linguistiques, le droit à la santé mais aussi les droits de la femme, les droits de l'enfant, les droits des personnes en situation de handicap, les questions relatives à la migration et l'asile et enfin le droit à un environnement sain. L'association fait observer ainsi à travers les différents axes, données et les indices révélateurs de son rapport que la situation des droits humains au Maroc « ne cesse de se détériorer et se dégrader à cause des pratiques des appareils et des autorités de l'Etat, de ses politiques publiques adoptées et de sa soustraction à ses engagements internationaux en matière de protection et de promotion des droits humains ». Dans l'axe des droits civils et politiques, le rapport de l'AMDH enregistré que le droit à la vie est fréquemment violé au Maroc par de multiples effets et causes, dont sont victimes des citoyen(ne)s en raison de la négligence et du manque de soins médicaux nécessaires, du non-respect des règles et des normes de sécurité, de l'absence de reddition de comptes et de la prévalence de l'impunité. Ainsi, le rapport indique qu'au cours de l'année, 15 condamnations à mort ont été prononcées et l'AMDH a enregistré 23 décès dans les centres de détention, 32 dans les hôpitaux et les centres de santé et sociaux dus à la négligence ou aux erreurs médicales, 36 sur les lieux de travail ou à cause d'accidents de travail ou dans les moyens de transport collectifs vers les lieux de travail ou en raison de l'absence de conditions de sécurité au travail, 19 cas suite à des piqûres de scorpion, des morsures de serpents et à la rage et 13 décès dus à l'inhalation du monoxyde de carbone. Quant aux décès de femmes enceintes et de nourrissons, le rapport précise qu'ils continuent d'enregistrer des nombres élevés se référant ainsi au rapport publié par l'OMS sur la santé maternelle et infantile en 2019 qui indique que le nombre de décès d'enfants de moins de cinq ans au Maroc reste encore élevé, atteignant 22 décès pour 1.000 naissances vivantes en 2018. La même source revient sur le rapport publié en 2016 par l'OMS qui avait enregistré que « le nombre de décès par suicide au Maroc avait atteint 1.013, soit un taux de 2,5 cas pour 100.000 habitants. Les chiffres utilisés dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima indiquent que le nombre de décès par suicide dans la région a atteint environ 120 en 2019, ce que les spécialistes attribuent à des crises psychologiques telles que la dépression, le trouble bipolaire ou tous les cas de psychose, ou à cause d'une crise économique ou sociale, en plus du fait que les hôpitaux psychiatriques au Maroc ne remplissent aucunement les conditions humanitaires minimales d'hospitalisation et de traitement, et souffrent d'une grave pénurie de structures d'accueil telles que des centres de santé préventifs ou des services spéciaux de soutien psychologique dans les hôpitaux publics ». Photo Mounir Mehimdate En ce qui concerne la détention politique, le rapport de l'association a limité le nombre de détenus politiques en 2019 à 311, dont la plupart ont été détenus dans le cadre des mouvements de contestation (Hirak) du Rif soit 172 détenus, suivis de 83 détenus dans le cadre des mouvements de contestation de Jerada, puis 34 détenus sahraouis, et les 08 cas restant parmi le groupe Belliraj. De plus, l'AMDH évoque l'activiste des droits humains, Amina Jabbar, l'acteur associatif, Hassan Oufrid, et 12 détenus en raison de l'opinion et l'expression. Quant à ceux qui sont poursuivis en état de liberté, leur nombre s'élève à 44, précise le rapport, parmi lesquels certains sont poursuivis dans le cadre de protestations dans la région du Rif, 20 cas, et des activistes du mouvement du 20 février de la région de Fam El-Hisn de la province de Tata, poursuivis depuis 2012, et qui ont été innocentés, en janvier 2019, par la cour d'appel d'Agadir. Mais pas que ! L'association cite également six activistes poursuivis depuis des années dans le cadre de ce qu'il est désormais convenu d'appeler le dossier Maati Monjib. En outre, au moins huit activistes des droits humains et des blogueurs sont poursuivis pour certains de leurs posts publiés sur des plateformes et des sites de réseaux sociaux, que le mouvement des droits humains et démocratique considère comme des victimes de la liberté d'opinion et d'expression, poursuit le rapport. En dépit de l'amnistie et la libération, le 4 juin 2019, à l'occasion de l'Aïd al-Fitr, des détenus restants de Jerada et d'une soixantaine de détenus politiques parmi les détenus du Rif, et la libération d'un nombre important de détenus du Rif à l'occasion de l'amnistie du 30 juillet 2019, de nouvelles arrestations et poursuites ont eu lieu tant parmi les activistes des mouvements de contestation du Rif que parmi les activistes des droits humains, et particulièrement ceux qui ont été arrêtés en raison de leur expression d'opinion sur les réseaux sociaux, explique le rapport. De manière générale, l'AMDH a enregistré dans son rapport, et sur la base des données dont elle dispose à la fin de 2019, la présence de 110 détenus politiques répartis dans de nombreuses prisons, et la plupart d'entre eux purgent leur peine dans des prisons éloignées des lieux de résidence de leurs familles, qui souffrent énormément et rencontrent des difficultés pour leur rendre visite. Ainsi, l'AMDH saisit l'occasion de la publication de ce rapport pour renouveler sa demande aux autorités publiques de libérer tous les détenus politiques, d'arrêter les poursuites, de respecter le droit de protestation pacifique, de manifestation et de rassemblement, et la liberté de presse, d'opinion et d'expression. Quant au domaine des libertés publiques au Maroc, l'année 2019 a été caractérisée par « la continuité des violations de la liberté de la presse, des poursuites, des arrestations, des procès abusifs, malveillants et inéquitables, la surveillance du réseau Internet, l'espionnage de journalistes et blogueurs, et l'interception de communications », dénonce le rapport. « C'est ce qui a été confirmé par le classement du Maroc par l'organisation Reporters sans frontières dans son rapport annuel de 2019 selon l'indice mondial de la presse, en gardant la même position qu'en 2018, le 135e sur 180 pays. L'Etat continue d'attaquer tous les droits et les libertés fondamentaux des citoyen(ne)s et de restreindre de façon croissante le droit de s'organiser, de rassemblement et de protestation pacifique et le droit à la liberté d'opinion et d'expression, et d'adopter une approche sécuritaire et répressive à l'encontre des différents mouvements de protestation de citoyen(ne)s revendiquant des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux », explique l'AMDH. L'association fait savoir dans son rapport que le mouvement des droits humains en général, et l'AMDH en particulier, dont un grand nombre de ses membres ont été l'objet de poursuites judiciaires, d'arrestations et d'agressions physiques de la part des forces publiques, et de diffamation dans les médias progouvernementaux – a souffert de la poursuite du blocus et de restrictions, qui ont touché trois aspects principaux. Ces aspects sont la privation intentionnelle, arbitraire et illégale des espaces publics. Cela a influé éminemment sur la capacité du mouvement sérieux des droits humains, en général, et sur l'AMDH, en particulier, à poursuivre ses efforts pionniers pour la promotion de la culture des droits humains. Le refus de délivrance des récépissés de dépôt de dossiers légaux: bien que la plupart des organisations qui déposent leurs dossiers juridiques auprès de l'autorité n'obtiennent pas le récépissé de dépôt temporaire dans les délais requis par cette loi. Dans le volet concernant la liberté des médias, de la presse et d'Internet, ce rapport conclut que l'Etat marocain continue de poursuivre sa politique régressive en matière de la liberté des médias, de la presse et d'Internet, ce qui a été confirmé dans les rapports d'un certain nombre d'organisations internationales. Cela lui a permis de classer le Maroc au 135e rang sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse. Le procès du journaliste et historien Maati Monjib et des six activistes est toujours en cours : Samad Ayach, Hicham Khribchi, Hicham Mansouri, Mohamed El Sbar, Maria Moukrim, Rachid Tarik, sont poursuit pour avoir reçu des fonds étrangers sans en informer le Secrétariat général du gouvernement et pour atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat, rappelle l'AMDH. Dans son rapport, l'AMDH se penche aussi sur le « phénomène du journalisme de dénigrement dirigé contre les activistes de la société civile, les journalistes, les académiciens et l'opposition indépendante de l'autorité politique qui a continué de se propager d'une manière sans précédent en 2019, à travers la falsification des faits, la fabrication et la modification des informations et des événements, ce qui contribue à violer la vie privée de la population cible, et à ternir sa réputation en créant des événements, des situations et des histoires qui n'ont rien à voir avec la réalité. Un groupe de défenseurs des droits humains et d'opposants marocains a été visé par les logiciels espions produits et commercialisés par la société israélienne NSO ».