Née en Australie d'un père marocain et d'une mère chilienne, Karisma a ressenti une double joie en regardant le Maroc remporter le Mondial U20 au Chili. Entre quatre cultures et quatre langues, elle célèbre son identité, partageant en ligne son amour pour le Maroc, le Chili, la France et l'Australie. La semaine dernière à Santiago (Chili), l'équipe du Maroc des moins de vingt ans a marqué l'histoire en remportant la Coupe du monde U20, le tout premier titre mondial du pays. La victoire a déclenché une explosion de joie à travers le royaume, où les rues ont été envahies de fans célébrant le triomphe des Lionceaux de l'Atlas bien après minuit. À des milliers de kilomètres de là, à Melbourne (Australie), Karisma Rashard a célébré doublement cette consécration historique. Née en Australie d'un père marocain et d'une mère chilienne, elle est conquise à l'idée que le football devienne le pont entre ses deux héritages. «Quand j'ai appris que la Coupe du monde U20 se déroulait au Chili, j'étais tellement heureuse ! Je ne le savais même pas au départ, je l'ai découvert juste avant le match contre la France», a-t-elle confié à Yabiladi, son excitation encore palpable quelques jours après la victoire du Maroc. Voir la solide performance du Onze national en demi-finale a ravivé des souvenirs du Mondial 2022, lorsque l'équipe A s'est hissée au carré d'or mais sans atteindre la finale. «Voir le Maroc battre la France cette fois-ci était incroyable», a-t-elle dit. Mais pour elle, le véritable moment émotionnel est venu plus tard. «Battre l'Argentine au Chili a rendu cela encore plus spécial pour moi, en tant que marocaine et chilienne», confie-t-elle. Grandir entre quatre mondes Pour Karisma, cette Coupe du monde U20 est plus qu'une victoire de football. C'est un moment d'unité, qui lui a permis de se sentir encore plus liée à sa double identité. Née en Australie, elle n'a jamais vraiment eu la chance de découvrir ses racines chiliennes. Ses parents se sont rencontrés là-bas quand son père est venu pour ses études. «Il était probablement l'un des seuls Marocains en Australie à l'époque», plaisante-t-elle. Sa mère, quant à elle, a vécu dans le pays depuis l'âge de cinq ans, après que sa famille a migré du Chili dans les années 1970. Lorsque ses parents se sont séparés, Karisma a déménagé en France avec son père, où elle a grandi entourée entièrement par la culture marocaine. «Mon père a ensuite épousé une autre femme marocaine, donc j'ai été élevée dans un environnement marocain. J'ai même vécu deux ans de mon enfance au Maroc», se souvient-elle. Ces années lui ont permis une maîtrise du darija et une profonde connexion avec le pays. Après avoir ses études en tourisme en France, la jeune femme de 34 ans est retournée en Australie en 2012 pour vivre avec sa mère et décrovher un diplôme en commerce, spécialisé en gestion du tourisme international. Le retour, cependant, n'a pas été sans défis. «L'anglais n'était pas ma première langue, donc c'était un peu difficile», admet-elle. «C'est drôle parce que je suis née ici et je suis australienne, mais j'ai vécu la même expérience que quelqu'un qui déménage dans un pays complètement nouveau». Après son diplôme, elle a travaillé dans l'industrie aérienne, avant de rejoindre le réseau de tramways de Melbourne. Aujourd'hui, elle aime se décrire comme une «Marocaine-Australienne, Chilienne d'adoption». Le football comme pont culturel Se reconnecter à ses racines l'a inspirée à partager son histoire en ligne. En juin 2025, elle a créé un compte Instagram, Just Zmagryia, où elle a mis en avant son côté marocain. «J'ai fait trois vidéos brutes, non éditées, en pyjama, et l'une d'elles est devenue virale du jour au lendemain ! Quand je me suis réveillée, mon téléphone était plein de notifications. Je n'avais aucune idée de ce qui se passait», dit-elle, encore amusée par le souvenir. Cette viralité soudaine l'a encouragée à continuer, et cinq mois plus tard, son audience s'étend aux Marocains du pays, aux Marocains de l'étranger, et même aux Chiliens curieux de son histoire. «Je ne connais pas beaucoup de Chiliens marocains, alors j'ai pensé que ce serait bien de partager un peu de diversité et de positivité», explique-t-elle. «J'ai créé ma page par amour pour le Maroc. Je voulais me connecter avec d'autres Marocains et ressentir ce sentiment de communauté. Quand j'ouvre mes réseaux sociaux, c'est comme si j'avais le Maroc dans ma poche, même si je suis à des milliers de kilomètres.» Ce sentiment d'appartenance n'a fait que se renforcer grâce au football. «Dans l'une de mes vidéos, j'ai demandé à mes collègues australiens ce qu'ils savent du Maroc, la plupart ont répondu, 'Votre équipe de foot !'», dit-elle. Grâce au triomphe des Lionceaux de l'Atlas, Karisma prévoit de se rendre bientôt au Chili, une occasion attendue depuis longtemps pour se reconnecter avec le pays natal de sa mère. «Au Maroc, j'aime notre nachat, notre esprit joyeux et spontané. Au Chili, ce seraient les empanadas ! J'adore ces encas farcis de viande ou de fromage. Et j'aime la cumbia, la danse chilienne», dit-elle. En France, la nourriture lui manque, «le fromage, les pâtisseries, le pain». En Australie, elle aime «la façon dont les gens sont ouverts d'esprit : ils vous acceptent comme vous êtes». Pour elle, le Maroc et le Chili ne sont pas aussi éloignés. «Il y a en fait beaucoup de similitudes entre les deux cultures», souligne-t-elle, considérant que «les deux sont très axées sur la famille».