Alors que les rapports d'audit se multiplient, les services compétents du ministère de l'Intérieur déclenchent une vaste opération contre les crimes financiers. Les premières arrestations confirment l'ampleur du malaise. La Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT), relevant du ministère de l'Intérieur, a récemment lancé une opération de grande envergure visant à collecter des données actualisées sur la situation juridique de nombreux fonctionnaires territoriaux impliqués dans des affaires de corruption et de mauvaise gestion des deniers publics. Cette démarche, selon des sources bien informées de Hespress, s'inscrit dans un effort global de l'administration centrale pour améliorer la performance des services publics et renforcer la responsabilité des agents chargés de missions sensibles, notamment dans les domaines fiscal, commercial, industriel et professionnel. Selon les mêmes sources, cette enquête s'appuie sur des rapports détaillés émanant de différentes institutions de contrôle, faisant état d'une multiplication des poursuites judiciaires à l'encontre de cadres et d'agents des collectivités, qu'ils soient rattachés aux budgets communal, provincial, régional ou encore au budget général de l'Etat. Ces affaires concernent principalement des dysfonctionnements dans la gestion administrative et la passation de marchés publics. Parmi les cas cités dans ces rapports figure celui d'un ingénieur à la retraite et d'un président de commune dans la province de Benslimane, tous deux placés en détention provisoire dans une affaire relative à la gestion du secteur de la propreté. Ce dossier prouve, selon les enquêteurs, les conséquences directes de l'absence de contrôle et de la concentration de responsabilités dans les mains de certains élus et fonctionnaires. Autre dossier retentissant, celui de l'ex-député istiqlalien Zine El Abidine Houass, ancien président de la commune de Had Soualem, plus connu sous le sobriquet de « Moul 17 milliards », condamné en novembre 2019 pour chantage, corruption, falsification, faux et usage de faux. Une somme de 170 millions de dirhams aurait été saisie chez lui par les enquêteurs de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Un technicien de l'urbanisme relevant d'une préfecture et rattaché au budget général est également impliqué. L'affaire a été renvoyée, après cassation, devant la Cour d'appel de Casablanca. A Berrechid, un receveur de recettes d'une commune urbaine a déjà été condamné à une peine de prison ferme pour détournement de fonds publics. Bien qu'il ait remis aux citoyens des reçus officiels, il ne versait pas les montants collectés au Trésor public. La recrudescence des poursuites trouve écho dans les nombreux rapports émis par l'Inspection Générale de l'Administration Territoriale et les Cours régionales des comptes. Ces rapports pointent du doigt une responsabilité partagée entre cadres toujours en poste et retraités, souvent laissés hors d'atteinte par les mécanismes traditionnels de contrôle. Parallèlement, la DGCT alerte depuis plusieurs années sur un déficit alarmant de ressources humaines au sein des collectivités locales, aggravé par la réaffectation massive de fonctionnaires vers d'autres administrations telles que la Trésorerie générale ou la Direction des impôts. Ce manque a poussé certaines communes à confier des services cruciaux à des agents peu qualifiés. D'autres affaires sont toujours en examen, dont celle d'un fonctionnaire communal qui s'apprête à prendre sa retraite, arrêté dans un café après une condamnation par contumace dans un dossier lié au marché de gros à Casablanca. Plus complexe encore, un dossier vieux de dix ans refait surface, impliquant plusieurs chefs de service et un ancien président de commune de la province de Berrechid, tous poursuivis en liberté provisoire devant la chambre des crimes financiers de la Cour d'appel de Casablanca.