Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a présenté devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme de la Chambre des représentants le projet de loi n°70.24, portant sur l'indemnisation des victimes d'accidents causés par des véhicules terrestres à moteur. Cette réforme, la première depuis plus de quarante ans, intervient face à l'augmentation du nombre d'accidents et aux indemnisations jugées insuffisantes pour les victimes et leurs familles. Le projet vise à assurer un équilibre entre la garantie des droits des victimes à une indemnisation juste et équitable, proportionnelle aux dommages subis, et la préservation du dynamisme du secteur des assurances, a souligné le ministre. Il comprend plusieurs amendements au Dahir de 1984, notamment l'établissement de définitions précises pour les termes tels que « salaires » et « gains professionnels ». Ces précisions permettront de mieux calculer les indemnisations, en particulier pour les personnes ayant travaillé moins de 12 mois ou ayant perçu une augmentation ou un gain professionnel au cours des douze mois précédant l'accident, en considérant le salaire net d'impôt. Parmi les mesures phares, le texte élargit la base des bénéficiaires : les enfants sous Kafala, les parents kafils en cas de douleur liée au décès, le conjoint invalide à la charge de l'épouse décédée, ainsi que les étudiants et stagiaires sans revenu fixe. Cette mesure reflète l'évolution sociale et économique du Maroc et garantit que les indemnités soient proportionnelles aux moyens des bénéficiaires. Le projet prévoit également une revalorisation substantielle des indemnités : le seuil minimal passera progressivement de 9.270 dirhams à 14.270 dirhams, soit une hausse de 54 % sur cinq étapes successives. Les seuils minimal et maximal du salaire pris en compte pour le calcul des indemnités seront désormais dissociés du système de la fonction publique (150 points), et un mécanisme dynamique permettra de les réviser tous les cinq ans par voie réglementaire pour les adapter à la réalité économique. Le texte uniformise le délai de prescription à cinq ans pour les demandes de règlement à l'amiable et de révision en cas d'aggravation du préjudice, avec des règles précises pour la suspension, l'interruption et le démarrage du délai, afin de protéger les droits des victimes. D'autres nouveautés concernent les frais et dépenses remboursables : réparation ou remplacement d'appareils imposés par un handicap antérieur et devenus inutilisables à cause de l'accident, ainsi que les coûts des analyses médicales liées aux blessures. La réforme simplifie les procédures et encourage le règlement à l'amiable, avec des certificats médicaux normalisés, des délais raccourcis et la possibilité d'une expertise conjointe entre le médecin traitant et celui de l'assurance. Les victimes peuvent également prouver leur revenu réel pour garantir une indemnisation juste. Enfin, le projet de loi prévoit des dispositions pour les décès liés à l'aggravation des blessures, assurant le droit des ayants droit à percevoir une indemnisation même si la victime avait déjà reçu une compensation, ainsi que des précisions sur l'entretien des enfants, notamment des filles, jusqu'à ce qu'elles disposent d'un revenu ou que leur conjoint soit légalement tenu de subvenir à leurs besoins. Abdellatif Ouahbi a insisté sur le fait que la réforme n'entraînera aucune hausse des primes d'assurance, grâce à une concertation étroite avec les compagnies supervisée par le ministère des Finances. Pour le ministre, ce projet constitue un équilibre entre justice sociale et viabilité économique, modernisant un cadre juridique obsolète et offrant aux victimes d'accidents un mécanisme d'indemnisation plus juste, clair et transparent.