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Anfgou : Un douar enterré vivant !
Publié dans Jeunes du Maroc le 17 - 01 - 2007

À cause d'une « maladie mystérieuse », plus d'une vingtaine de bébés et deux adultes sont morts à Anfgou. Dans ce douar « enterré vivant », les enterrements se succèdent et se ressemblent (Voir la vidéo en bas).
Anfgou : La mort continue de frapper sur le toit du Maroc ANFGOU Aït Âmmar Ahemmi. Cette appellationdésigne un douar de la province de Khenifra exilé au milieu desmontages du Haut Atlas oriental. C'est ici, à 1.600 mètres d'altitude,que la mort noire frappe en silence depuis près de deux mois. Elle afait jusqu'au dimanche 7 janvier au soir, 26 victimes : 24 enfants de 3à 14 mois et deux mamans de 16 et 17 ans. Le dernier décès a étéenregistré le vendredi 5 janvier. Ce jour-là, un bébé de quatre mois,Mohamed Bouazza, est mort.
Le petit Mohamed et les autres sont décédés après avoirvu leur état de santé se dégrader rapidement à cause d'unrefroidissement. Pour la plupart, ils sont partis sans avoir pris demédicaments ni consulté de médecin de toute leur vie. Pour la plupart,ils n'ont jamais été vaccinés. Pour la plupart, ils ne savent pas àquoi ressemble un vaccin, un médecin, un hôpital, une vraie vie...
Un exil nommé Anfgou
À Anfgou, pour 1500 habitants, il n'y a ni hôpital niCentre de santé, ni médecin, ni infirmier. Il n'y a ni ambulance nisapeurs-pompiers. Il n'y a ni téléphone fixe ni réseau pour letéléphone mobile. Il n'y a pas de gendarme non plus. Le seulreprésentant de l'autorité de Rabat sur la localité est le gardeforestier.
L'eau est ici rare et l'électricité inexistante parceque trop coûteuse pour une population qui vit, avec dignité, dansl'indigence la plus absolue.
Ce qu'il y a par contre dans cette région : de nombreuxpolygames, une progéniture abondante, une cédraie à perte de vue, lechêne vert par endroits, des mules surexploitées, des mouflons quepersonne n'a le droit de chasser, des sangliers mangeurs de pommes deterre, une classe délabrée qui sert d'école primaire et un cimetière« artisanal » qui s'étend de jour en jour à l'orée de masures couleurde terre. Cet endroit macabre est le plus fréquenté ces jours-ci.
« La maladie mystérieuse emporte les nôtres comme levent fort emporte les brindilles du cèdre », explique, ému, MoujjaneRahou Mimoune (60 ans environ). Son frère aîné a un enfant malade quis'appelle Mohamed et est âgé de sept mois. Ce bébé est mourant depuisune semaine. Comme le faisaient au crépuscule de leur vie ceux quiviennent de mourir, il tousse, vomit le peu de lait et d'eau que samaman l'oblige à ingurgiter, souffre de diarrhées, est fiévreux et nepeut plus relever la tête de jour comme de nuit. Le vieil oncle craintpour les jours de son jeune neveu. Dans le voisinage, d'autres enfantsprésentent les mêmes symptômes. Ils n'ont le plus souvent comme remèdesque quelques herbes et beaucoup de vaines prières.
« Allah, pitié ! »
« Ces derniers temps, l'hiver est particulièrementfroid », confie Rahou Mimoune avec amertume. De ses mains ridées ettremblantes, il désigne la montagne en face pour la prendre en témoin.Au loin, l'horizon tout blanc confirme que la neige dense et éclatantes'étend encore partout. Elle dégage un froid de loup.
D'une voix grave qui couvre le sifflement du vent, lesexagénaire se rappelle un autre hiver tout aussi glacial. En pliantses doigts l'un après l'autre pour décompter les ans, il se rappelle,les yeux mouillés : « Il y a une vingtaine d'années, « attalja » (laneige) avait tué dans notre région femmes, hommes et enfants ». En1980, près de 80 personnes ont trouvé la mort dans l'hiver sibérienqu'a connu alors Aghedou, suite à une brusque baisse des températuresbien en dessous de zéro.
Pour implorer la pitié divine, Raha Mimoune lève lesyeux au ciel éclairé qui semble si proche de sa tête enturbannée etsoupire. Au bout d'un long moment de recueillement, il murmure avant departir dans le froid réchauffer le cœur de son frère : « Amen ! »
Au chevet de Mohamed
Mohamed est parmi une centaine d'enfants qui viennent d'être auscultés par un médecin généraliste (certains disent que ce n'estqu'un infirmier) ayant été dépêché sur les lieux de Tounfit (petitvillage à 75 km d'Anfgou). Cette mesure a été prise le 29 décembre parle ministre de la Santé. Mais, après la constatation d'une dizaine decas de décès successifs et semblables.
Les consultations ont été rapides. Elles n'étaientappuyées ni par une quelconque radiologie, ni par aucune analyse. Desimples questions ont suffi au soignant pour qu'il remette aux patientsdes antibiotiques, des sirops et des comprimés. Cette médecine n'a rienchangé à l'état de santé de Mohamed ni à celui des autres enfantsmalades.
Faux diagnostic ?
Sur la base des observations effectuées à la sauvette àAnfgou, le ministre de la Santé a incriminé une pneumopathie causée etaggravée par le froid. Il a rejeté d'une manière formelle l'existenced'une épidémie.
De l'avis de la population locale, ni le ministre niles représentants de son département à Tounfit n'ont été convaincants.« Leur bilan relève de la magie noire officielle. Parce qu'on ne peutpas expliquer autrement le fait d'établir un diagnostic sans prise desang ni analyses et sans même le recours à la radiologie », s'insurgeun militant de la section de l'AMDH à Tounfit.
Sur le même ton, la section de l'AMDH dans la ville deKhénifra a publié un communiqué qui réclame l'ouverture d'une enquêtesur les nombreux décès déplorés à Anfgou.
« Il faut une véritable enquête surcette grippe aiguë et, pourquoi pas, des autopsies pour définirexactement l'origine de ce mal qui emporte essentiellement les enfantsen bas âge », martèle Aziz Akkaoui, secrétaire local de l'AMDH àKhénifra. L'ONG s'active pour que les personnes toujours malades àAnfgou et ailleurs soient sauvées avant qu'il ne soit trop tard. Elleexige une véritable implication des autorités sanitaires dans cetterégion enclavée où vivent des populations parmi les plus démunies dupays. Pour les défenseurs des Droits de l'Homme de Tounfit et deKhénifra : « plus que le froid, ce qui tue dans toutl'arrière-pays de Khénifra, c'est la marginalisation d'une populationqui semble considéré par l'Etat comme inutile. »
En demandant réparation pour les « damnés de l'arrière-pays »,la plupart des militants comme certains habitants des zones oubliées dela province de Khénifra rappellent que la cédraie permet à certainescommunes rurales de dégager des excédents annuels dépassant souvent unmilliard de centimes. Mais cette manne n'a jamais été utilisée pourdésenclaver Tounfit et ses régions.
Les camions de l'espoir
Seuls quelques rares camions de 8 tonnes peuvent encorerelier Anfgou et les douars voisins (Tirguist, Aghdou, Anmzi etTighidiouine) au petit bout du monde qu'est la bourgade de Tounfit.
Sur une distance de 75 kilomètres, une quarantaine depassagers traverse durant cinq heures des ornières escarpées sur unvéhicule suranné. Ils voyagent entassés les uns sur les autres pouraller acheter leurs provisions de la semaine. Ce parcours périlleuxn'est possible que quand la clémence du temps le permet. Quand la routeest coupée par la neige ou par l'oued Tougha, la population ne doit sasurvie qu'à son esprit exemplaire de solidarité. « Quand nous nous trouvons coupés dumonde pendant des mois, nous nous partageons pommes de terre, pain desucre, thé, pain... Nous nous partageons tout, même quelques fousespoirs et beaucoup de blagues. Nous procréons aussi beaucoup à cemoment-là », souligne Hammou, un trentenaire qui sait si bien tourner tout et tout le monde en dérision.
La mort frappe à la porte d'Anmzi
Le mardi 9 janvier, un homme dans la cinquantaine estdécédé à Anmzi, une localité voisine d'Anfgou (à une vingtaine dekilomètres environ). Le défunt a pris froid il y a peu de temps et sonétat s'est vite aggravé, selon sa famille.
Ce cas montre que la « maladie mystérieuse » semble sepropager. Au vu de son évolution, des médecins contactés à Casablancan'excluent pas l'hypothèse de l'épidémie.
Télévision : « La Une et la deux, zéro »
« Zéro ! », crient en chœur lesjeunes d'Anfgou et de Tounfit pour interpréter le traitement télévisuelque les deux chaînes nationales ont réservé aux décès en série qu'aconnus leur région.
À l'arrivée de la caméra de 2M à Anfgou, la populationlocale a allumé des bougies pour protester en silence sur sa situationlamentable. Mais, cette manifestation spontanée n'a pas été filmée.
Après 2M, un cameraman de la TVM s'est obstiné àrapporter des chiffres faussant la réalité. Pour lui, les décès n'ontguère dépassé onze. Pourtant, à la veille de son arrivée, une familleendeuillée enterrait le petit Mohamed. Il était le 26ème mort.
« Quand je les ai vus arriver à bord duvéhicule de la commune de Tounfit, je me suis dit qu'ils ne pouvaientpas dire grand chose sur notre deuil et sur notre misère », regrette, ironique, le père d'une petite fille décédée.
Rébellion à Anfgou
Pour défendre la cédraie qui s'amenuisait à cause del'exploitation excessive, les habitants d'Anfgou défendent de forceleur forêt. Laquelle est déclarée patrimoine national.
Dès qu'il y a un coupeur de bois qui s'approche de cequ'ils considèrent l'or de la région, ils le chassent à coup depierres. Leur résistance dure depuis trois ans. Cette « révolte » leura valu, pour la première fois de leur vie, une rencontre avec de hautscommis de l'Etat. « Même si nous avons reçu des tonnes de promesses,notre ferme position n'a pas changé et ne changera pas », insistentavec le sourire quelques vieux d'Anfgou.
Anmzi : une commune rurale maudite
Ces faits avérés circulent comme des blagues dans toutela province de Khénifra. Ils concernent la présidence de la communerurale d'Anmzi. Un premier président de cette commune est décédé d'uncancer. Celui qui a été pressenti pour lui succéder a été partiellementparalysé et ne pouvait assurer la fonction qu'il convoitait. Un autreremplaçant est actuellement en prison après avoir délivré des chèquessans provision. Auparavant, il a été surpris dans une ambulance faisantla fête avec des « chikhates ». La présidence de la commune est tombéeactuellement comme le gros lot d'une loterie dans d'autres mains dontpersonne ne dit du bien.
D'un bout à l'autre, Khénifra bouillonne
Derrière Tounfit, Anfgou et son voisinage vit dans lamisère absolue. Les habitants commencent à exprimer de plus en plusouvertement leur colère. Devant Tounfit, la situation n'est pasmeilleure. À Aghbalou, les habitants n'ont plus d'eau depuis l'aïd elKébir, révèle un jeune de la région. La seule pompe qui servait à toutle monde pour s'approvisionner en eau est tombée en panne. Depuis, unerévolte pour l'eau devient de plus en plus imminente. « Si lespromesses données ne sont pas tenues bientôt, ce sera la catastrophe »,confie le jeune homme, dépité.
Mohamed Zainabi


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