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Radioscopie d'un phénomène
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2002

Si la plupart des politologues s'accordent à dire que le boycott des élections est un indice majeur du dysfonctionnement du système démocratique, au Maroc, c'est une réalité patente. Plus qu'un simple comportement politique d'abstention, le boycott des élections recèle souvent une stratégie politique à différentes facettes.
Les comportements politiques désignent une orientation des conduites ou des jugements des acteurs politiques, lorsque ceux-ci présentent une certaine cohérence et une certaine stabilité. C'est donc une variable sous-jacente aux conduites des forces politiques ou à leurs expressions verbales. À titre d'exemple, on dénote plusieurs types de comportement politique, qu'on qualifie tantôt de démocratique ou antidémocratique, tantôt de participation ou d'abstention.
Pratiquement, on mesure souvent un comportement politique par ce qui est commun à un ensemble d'opinions exprimées verbalement ou, plus rarement, un ensemble d'attitudes. À titre d'exemple, le comportement politique de participation exprime un ensemble d'opinions ou d'attitudes qui prônent la participation aux élections pour conquérir le pouvoir en vue de gouverner et dominer. Par contre, un comportement politique d'abstention traduit un ensemble d'opinions ou d'attitudes qui prêchent le boycott des élections, comme étant une forme de protestation ou de rejet de l'ordre politique établi.
Toutefois, si le comportement politique de participation semble, plus ou moins, peu problématique, celui de l ‘abstention demeure indécis et sujet à multiples questions : qu'est-ce qu'on entend par un boycott politique ? Quelles en sont les raisons qui incitent les acteurs politiques à opter pour le boycott des élections et quels sont les objectifs politiques escomptés d'un tel comportement ?
C'est quoi un boycott électoral ?
On appelle boycott électoral tout comportement politique collectif des acteurs politiques qui, jouissant du droit de prendre part au vote, ne participent pas à une consultation électorale (F.Chazel 1988). Cela dit, deux remarques doivent être faites à ce niveau d'analyse : d'un côté, il ne faudrait surtout pas confondre le boycott électoral avec l'abstentionnisme électoral qui désigne un comportement politique individuel du citoyen qui ne participe pas à une consultation électorale, malgré le fait qu'il bénéficie du droit de vote.
De l'autre côté, l'étude du boycott électoral pose des problèmes de mesure, de contenu, d'observation et d'interprétation, notamment dans les systèmes politiques en phase de transition démocratique. Ainsi, si dans les systèmes politiques occidentaux ce comportement politique fait état d'un rarissime patent, vu l'enracinement d'une culture politique de participation chez les acteurs politiques, y compris les plus extrémistes, la situation demeure complètement différente dans les systèmes politiques en voie de transition.
Le Maroc ne déroge pas à la règle puisque les forces politiques n'hésitent pas à brandir la menace du boycott des élections, et parfois à s'abstenir, effectivement, à participer aux consultations électorales. Actuellement, le boycott électoral est porté à la une de l'actualité, surtout à l'approche des échéances électorales du 27 septembre, jugées capitales pour l'avenir politique du pays. En fait, plusieurs acteurs politiques ont préféré s'abstenir de prendre part aux prochaines consultations électorales, exprimant par là leur mécontentement
vis-à-vis des circonstances d'organisation de ces élections ainsi que sur les garanties du bon déroulement des scrutins dans un système politique pseudodémocratique.
Ceci est d'autant plus vrai pour les forces politiques qui ne sont pas reconnues officiellement à l'image des mouvements de protestation et/ou de contestation, tels que certains courants islamistes et Amazighs. Sans compter certains courants politiques de gauche à l'image de “ An-Nehj Ad-Démocrati ” ( la voie démocratique), fondé par d'anciens militants de l'organisation Ila Al Amam.
Plus, même les partis politiques recourent à cette pratique politique surtout lors des grands rendez-vous politiques, notamment lors des échéances électorales. Le parti de l'UNFP et celui du PADS “ l'avant-garde démocratique et socialiste ” en sont une parfaite illustration.
Causes d'un comportement
Le boycott des élections a été longtemps considéré comme un dysfonctionnement du système démocratique. Dans cette logique, il a été interprété comme un indice de dépolitisation, d'insuffisance d'intégration politique, qui serait la conséquence d'une faible insertion sociale.
Au Maroc, cette thèse semble s'appliquer au comportement de boycott des élections par les forces politiques. En effet, les acteurs politiques qui accusent un manque d'intégration politique au sein des institutions politiques et qui souffrent d'une sous-représentativité parmi l'électorat, recourent le plus souvent au boycott électoral. Deux exemples attestent de cet état de fait.
Le premier exemple est celui de l'organisation islamiste Al-adl Wal-Ihssan. En effet, ce mouvement de contestation appelle toujours ses troupes à boycotter les élections arguant, d'une part, qu'il n'est pas représenté officiellement, et d'autre part, que les élections sont truquées et manipulées par le pouvoir central. Verbalement, cette organisation prône un abstentionnisme politique des élections à en croire les propos de son guide spirituel, Abdeslam Yassine. Pourtant, en pratique, il est très difficile de déterminer le comportement électoral de ses militants qui peuvent très bien favoriser la balance électorale au profit d'un parti politique, envers lequel ils affichent une certaine sympathie. Le comportement politique de l'organisation islamiste Al-adl Wal-Ihssan, refusant catégoriquement de prendre part aux élections, jugées téléguidées et manipulées par l'administration, en est une parfaite illustration.
Le deuxième exemple est celui du courant politique de la gauche radicale extra-parlementaire, à savoir notamment le parti de “ l'avant-garde démocratique et socialiste ” (PADS). En fait, ce courant politique, issu d'une scission de l'USFP dans les années 80, avait pris l'habitude de boycotter les échéances électorales jugées, par ses dirigeants comme disproportionnées et non démocratiques. Privés de l'autorisation officielle d'exercer son activité politique légale, ce parti demeure fidèle à son discours politique radical qui prêche pour une réforme politique générale du système politique, privilégiant l'amélioration des conditions socioéconomiques des forces ouvrières et défavorisées. Mais, quoiqu'il dispose d'un legs historique considérable de militantisme, l'apport politique de ce parti s'est vu largement émoussé ces dernières années.
En un mot, les motivations d'un comportement politique anti-participationniste sont principalement politiques. En effet, il paraît que les courants politiques qui boycottent les élections sont ceux qui défendent une politique radicale qui récuse le système politique. C'est pourquoi, ces forces politiques subissent une exclusion politique qui se traduit par le refus systématique du pouvoir central de leur octroyer le statut de parti politique.
Dessous d'une stratégie
La plupart des politologues s'accordent à dire que le comportement politique de la non-participation est une stratégie politique très convoitée par les acteurs politiques surtout les plus marginalisés. À cet égard, le boycott des élections, loin d'influer sur les grandes tendances politiques, peut s'avérer une tactique politique incontournable pour la consolidation de la crédibilité politique de son auteur (Maurice Duverger 1978). Donc, il semble presque certain que l'abstentionnisme des forces politiques, à participer aux consultations électorales, ne soit pas sans signification politique. Au contraire, il peut être considéré comme un indice majeur du dysfonctionnement du système politique qui n'arrive pas à garantir l'intégration politique de toutes les forces politiques. En d'autres termes, l'exclusion politique d'un acteur, quelle que soit sa tendance politique, révèle le fonctionnement non démocratique du système politique.
Plus, le boycott électoral peut nous renseigner sur les fins de la stratégie politique de chaque acteur dans sa quête pour peser de son poids sur le système politique. Premièrement, ce comportement peut s'avérer le seul et unique moyen de pression politique aussi bien sur les partis politiques que sur les autres forces politiques. A titre d'exemple, il paraît que le boycott des élections est une stratégie politique adoptée par certains courants Amazighs, notamment le réseau Amazigh pour la citoyenneté RAPC, qui vise à sanctionner les partis au gouvernement en les privant d'un capital électoral considérable, représenté par les Amazighs .
Deuxièmement, le boycott électoral contribue à la “ crédibilisation ” de l'acteur politique. En effet, en évitant de prendre part aux consultations électorales, les acteurs politiques arrivent à se réconcilier avec leurs militants et à s'attirer la sympathie de l'électorat. Ainsi, en se présentant comme un “ saint politique ”, qui refuse de se profaner par les sortilèges maléfiques des élections, le mouvement islamiste Al-adl Wal-Ihssan préfère, comme d'habitude, de se tenir à l'écart d'un pseudo jeu démocratique basé sur des élections malhonnêtes et non transparentes, à en juger par les déclarations de ses dirigeants.
Troisièmement, le boycott électoral constitue un antidote efficace contre l' “ usure politique ”. En fait, l'abstentionnisme programmé à participer aux élections insuffle un sang nouveau à l'action politique de chaque acteur. Ainsi, en se démarquant du statu quo des autres forces politiques, le boycotteur profite des échéances électorales pour jeter les bases d'une nouvelle dynamique d'action politique. c'est le cas du parti de l'UNFP qui profite du boycott des élections pour retarder son agonie politique.
Quatrièmement, ce comportement politique peut constituer une base arrière idéologique à la disposition des forces politiques. En effet, le boycott électoral peut représenter une opportunité politique pour activer les principes et les croyances politiques de chaque acteur politique. En fait, le refus de participer aux consultations électorales et l'aspiration à des élections démocratiques et équitables peut s'avérer un moyen très efficace pour ébranler les masses, mobiliser les militants et appâter les sympathisants. Ceci est d'autant plus vrai pour les courants politiques extra-parlementaires (les islamistes et les Amazighs) que pour les partis politiques radicaux (la gauche).
Effets d'une attitude
Certes, un degré élevé de participation politique aux élections favoriserait considérablement la représentativité démocratique de la communauté. Pourtant, il ne faudrait surtout pas surestimer ce comportement, qui demeure sans effet majeur sur le déroulement du processus électoral.
Ceci étant dit, le boycott électoral peut générer deux effets politiques principaux: d'un côté, un effet politique «générique» qui n'affecte pas la tendance politique générale des suffrages. Toutefois, cet effet demeure dépendant de l'ampleur du comportement politique d'abstention. En d'autres termes, l'effet du boycott électoral resterait très limité à condition que le nombre de ses auteurs soit restreint.
Et de l'autre, le boycott électoral peut induire un effet politique de « contingence». C'est-à-dire, un effet «boule de neige» qui contamine le comportement de plusieurs acteurs politiques. D'où l'éventualité d'assister à une véritable désertion politique, qui va se traduire automatiquement par un taux d'abstention politique considérable.
En somme, en s'abstenant de prendre part aux consultations électorales, les forces politiques, toutes tendances confondues, ne rompent pas pour autant avec l'action politique qui peut emprunter des voies pas nécessairement institutionnelles. Autrement dit, le fait de boycotter les élections ne signifie nullement l'abandon de l'action politique. Au contraire, ce n'est qu'une manière de faire de la politique “ autrement ”. Car, le comportement collectif, aussi abstentionniste qu'il soit, demeure par la force des choses un comportement qui exprime un choix politique parmi beaucoup d'alternatives envisagées. Plus, le boycott électoral peut s'avérer, parfois, nécessaire pour faire le deuil avec le conformisme politique, bâti sur la culture de l'unanimité et de la pensée unique.
Il n'en demeure moins que dans la plupart des cas, le boycott électoral, ne soit qu'une manœuvre politique “ tape-à-l'œil ” qui vise à grignoter quelques points politiques. Tantôt, ce n'est qu'une échappatoire contre l'exclusion et l'usure politique. Tantôt, ce n'est qu'un refuge visant à camoufler le manque d'intégration politique et sociale. N'empêche que ce comportement peut prendre la forme d'un phénomène politique incontrôlable, s'il arrive, vraiment, à traduire une tendance de discrimination politique réelle vis-à-vis des forces politiques minoritaires et les moins influentes. Car, dans ce cas, c'est tout le fondement du comportement démocratique qui sera remis en question.


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