Dans un entretien exclusif accordé à Maroc Diplomatique, Gabriel Hicham Guedira, directeur général de l'Académie de la Juventus et consultant sportif, analyse en profondeur la liste des 28 joueurs dévoilée par Walid Regragui pour la CAN 2025. Il décortique pour nous le choix de continuité du sélectionneur, l'équilibre entre expérience et jeunesse, ainsi que les forces et limites de cet effectif, et livre son avis sur les ambitions réalistes des Lions de l'Atlas pour la compétition organisée à domicile. Maroc Diplomatique : De manière générale, comment analysez-vous la liste des 28 joueurs dévoilée par Walid Regragui pour la CAN 2025 ? Gabriel Hicham Guedira : La liste des 28 joueurs est cohérente, mature et compétitive. Elle peut naturellement susciter des débats, mais elle s'inscrit pleinement dans la vision de Walid Regragui. Le sélectionneur a clairement bâti cette liste autour de trois principes forts : 1. Continuité et cadre solide Regragui s'appuie sur un noyau de joueurs qui se connaissent, qui ont vécu les grandes échéances et qui maîtrisent parfaitement ses exigences tactiques. Cette continuité est un gage de stabilité et d'efficacité dans une compétition comme la CAN. 1. Equilibre entre expérience et fraîcheur La liste combine des cadres expérimentés capables de gérer la pression et des profils plus jeunes ou en pleine progression, apportant intensité, concurrence et profondeur de banc. 1. Choix pragmatiques, pas populaires Certains choix peuvent surprendre l'opinion publique, mais ils répondent à une logique précise de rôles et de complémentarité. Regragui privilégie l'utilité collective, la fiabilité et l'adaptation aux scénarios africains, plutôt que les noms ou la popularité. En résumé, cette liste reflète une sélection pensée pour performer et aller loin, avec une identité claire et des choix assumés. Walid Regragui a misé sur la continuité en reconduisant la majorité des cadres. Selon vous, cette stabilité est-elle un avantage à neuf jours du début de la CAN, ou aurait-il dû injecter davantage de nouveauté dans le groupe ? Walid Regragui reste fidèle à son noyau dur, avec une ossature expérimentée habituée aux grands rendez-vous. Ce sont des joueurs qui connaissent parfaitement ses principes de jeu : bloc compact, transitions rapides et discipline tactique. Ce choix garantit une cohésion immédiate, primordiale dans une CAN où le temps de préparation est très limité. L'équipe peut ainsi être performante dès les premiers matchs, sans phase d'adaptation. Par ailleurs, cette sélection réunit des profils capables de gérer différents scénarios : affronter un bloc bas, répondre au pressing adverse ou encore contrôler un match en menant au score. Dans une CAN souvent fermée, engagée et physique, ce sont des choix réalistes, cohérents et potentiellement payants. Lire aussi : CAN 2025 : Regragui choisit la continuité avec une liste sans surprise Regragui a retenu trois avant-centres avec des profils différents : El Kaabi, En-Nesyri et Rahimi. Est-ce que ce trio offre suffisamment de diversité et de solutions tactiques pour une compétition comme la CAN ? Le trio offensif El Kaabi – Rahimi – En-Nesyri incarne parfaitement la philosophie pragmatique de Walid Regragui. Ce n'est pas un trio de spectacle, mais un trio efficace, complémentaire et parfaitement adapté aux réalités de la CAN. Ayoub El Kaabi : Finisseur pur, doté d'un sens du but exceptionnel. Il peut faire la différence avec très peu d'occasions. Soufiane Rahimi : Attaquant mobile et imprévisible, capable de déséquilibrer les blocs défensifs. Youssef En-Nesyri : Avant-centre athlétique, dominant dans le jeu aérien, précieux dans les duels physiques et sur coups de pied arrêtés. Ensemble, ce trio offre plusieurs options tactiques et constitue une menace constante, même dans des rencontres serrées. Il reflète une attaque pensée pour gagner des matchs, pas seulement pour produire du jeu. Avec cet effectif et le choix de la continuité, jusqu'où pensez-vous que le Maroc peut aller dans cette CAN disputée à domicile ? Peut-on raisonnablement viser le titre ? Objectivement, le Maroc aborde cette CAN avec un statut clair : la finale est le minimum attendu. Avec la stabilité du staff, la continuité du projet et un effectif arrivé à maturité, le titre n'est plus un rêve, mais un objectif pleinement réaliste. Le scénario le plus probable conduit le Maroc jusqu'en finale, avec de fortes chances de glaner le trophée si l'équipe confirme son niveau. Le groupe paraît normalement maîtrisable, ce qui doit permettre d'installer rapidement la confiance et de monter en puissance au fil des matchs. Dans les phases à élimination directe, la différence peut se faire sur des éléments clés qui font souvent la loi en Coupe d'Afrique : la discipline tactique, la solidité mentale, la gestion des temps forts et des temps faibles, ainsi que l'expérience des grands rendez-vous. Sur ces aspects, le Maroc possède aujourd'hui une longueur d'avance sur beaucoup de concurrents. Cette sélection est également armée pour gérer différents scénarios : matchs fermés, pression adverse, gestion d'un score favorable ou nécessité de faire la différence sur un détail. C'est précisément ce type de maîtrise qui permet d'aller au bout dans une CAN. Dans ce contexte, si le Maroc joue à son véritable niveau, une élimination avant la finale serait perçue comme un échec, tant les attentes sont élevées et tant le potentiel de cette équipe est important.