Haïe et démoralisée, la Banque a toujours un rôle à jouer. Wolfowitz doit cependant faire face à la fronde du personnel de la banque qui ne l'apprécie PAS. L'ami de Bush a donné à sa petite amie détachée HorS de la banque un salaire plus important que celui de son secrétaire d'Etat. Quand Paul Wolfowitz a été appelé à la présidence de la banque mondiale il y a juste deux ans, les optimistes l'ont comparé comme l'un des fils controversés du Pentagone, Robert McNamara. Peut-être, à l'image de la tête pensante de la guerre du Vietnam, Wolfowitz dépasserait le débat stérile concernant l'objectif de construire un monde plus juste. Mais à présent, Wolfowitz ressemble moins à un empereur bienveillant qu'à une concubine suspecte de César. Pendant que les critiques se font de plus en plus acerbes à son égard, les querelles concernant sa succession font rage. Au moment où The Economiste est mis sous presse, les directeurs généraux- les fonctionnaires qui surveillent la banque pour le compte des gouvernements membres-devaient émettre encore un jugement sur l'affaire conclue par Wolfowitz pour sa petite amie, Shaha Riza, en août 2005. Etant employée de la banque, il ne lui a pas été permis de garder son travail, quand Wolfowitz a accédé à ses fonctions. Acculé par ses directeurs généraux, Wolfowitz l'a nommé à l'extérieur de la Banque et lui a donné une promotion. Le personnel de la banque a jugé les conditions de la nomination hors normes, ce qui a estomaqué les gouvernements qui financent les banques. Lors des réunions de printemps ayant lieu ce mois, les 24 ministres qui orientent l'établissement se sont montrés indignés, mais n'ont pas pris de décision. Les Américains qui ont nommé Wolfowitz ne l'ont pas abandonné, et les donateurs européens qui veulent le licencier, semblent extrêmement déterminés, mais n'en ont pas les moyens. Wolfowitz refuse jusqu'ici de leur rendre la tâche facile. Il est resté impassible devant un communiqué ministériel sans précédent, exprimant la crainte au sujet de la crédibilité de la banque et de la motivation de son personnel. Tous deux, banque et personnel ont sévèrement souffert. Dans sa colère, le personnel a perdu toute déférence et toute discrétion. Certains ont interpelé de face leur président dans le vaste auditorium de la banque; d'autres ont écrit aux administrateurs de la banque les invitant à demander sa démission. Un de ses deux adjoints, Graeme Wheeler, lui a clairement conseillé de rendre le tablier, et d'autres cadres menacent de partir s'il ne le fait pas. Pourquoi les agents de la banque ont-ils abandonné leur patron de cette manière ? Certains initiés ont appris il y a quelque temps, que cette Riza a quitté dans des conditions très avantageuses. En janvier 2006, un corbeau se faisant appeler «John Smith» a envoyé un e-mail aux administrateurs de banques, se plaignant au sujet du salaire de 180.000 dollars que la banque lui payait dans son nouveau travail au département d'Etat. Le comité d'éthique du conseil y a regardé de plus près, et a conclu que les e-mails ne leur apprenaient rien de nouveau. L'opposition à la guerre C'est alors que M. Smith les a menacés «d'avertir les médias» s'ils n'agissaient pas. Etant assez sûr, le WashingtonPost a signalé le mois dernier, que Shaha Riza percevait maintenant $193.590, c'est-à-dire plus que son secrétaire d'Etat. Le personnel en disgrâce y a vu une perche tendue par rapport à leur objectif de se débarrasser de Wolfowitz depuis un moment. Il a rejoint la banque, trainant derrière lui son rôle de champion de la guerre en Irak. L'opposition à la guerre, pense-t-il, expliquerait l'hostilité qui lui est vouée. «Les personnes qui étaient en désaccord avec moi lors de mon précédent travail doivent savoir que j'ai changé d'emploi». La vérité est peut-être plus subtile. Certains des employés de la banque, se plaignent qu'il est très bloqué dans sa propre clairvoyance, et n'est pas impressionné par la sagesse accumulée de l'institution. Ce tempérament intellectuel peut expliquer son enthousiasme à envahir l'Irak et son manque d'appui dans un établissement qui se glorifie de son expertise. D'ailleurs, si M. Wolfowitz est entrée dans la banque en envisageant de défendre ses intérêts, contre un personnel loyalement pacifiste, son espoir s'est accompli de lui-même. Sans doute ses subordonnés détestent le style sectaire que Wolfowitz semble partager avec l'homme qui l'a nommé. Si M. Wolfowitz est un penseur présomptueux, il semble également un directeur peu sûr, trop impressionné par les assistants prétentieux. Le personnel de carrière en veut à son entourage trop bien payé. Ils disent que Kevin Kellems, son attaché de presse, Robin Cleveland, son bras-droit, sont trop bien payés (environ 250.000 net d'impôt par an). Le personnel est fanatique d'histoires au sujet du style agressif de Mme Cleveland, dont certains s'embellissent à force d'être colportées. «On focalise trop sur moi», lance-t-elle, exaspérée par la rumeur. «Je ne demande pas autant la sympathie que le juste milieu» mais «personne ne s'en soucie actuellement. Deux amis intimes ne constituent pas «une armée réformée de l'administration Bush», comme le précise Wolfowitz. Mais certaines de ses tentatives, visant à élargir le patrimoine génétique, se sont montrées désastreux. Selon des e-mails anonymes, Juan José Daboub, un ancien ministre des finances conservateur du Salvador, désigné l'année dernière directeur administratif de la banque, a commandé le mois dernier, que toute référence à la planification de famille soit supprimée de la stratégie d'aide de la banque pour le Madagascar. C'est un pays où, la banque a affirmé en 2004, que l'utilisation des contraceptifs modernes était stagnante et les maladies sexuellement transmissibles abondent. «Je mords ma langue pour éviter de dire quelque chose de trop», a alors écrit un membre du personnel de la banque. Démoralisée, la banque est également compromise. M. Wolfowitz a adopté la politique «de tolérance zéro» concernant la greffe et la corruption dans le personnel et les activités de la banque. Les «actions même d'un nombre très petit d'individus peuvent ternir la réputation de toute une organisation», ont-ils écrit dans le dernier rapport de l'unité interne des investigations de la banque. L'unité a trouvé l'année dernière, deux personnes coupables d'un conflit d'intérêt; toutes deux ont été interdites de travailler à la banque. D'ailleurs, la banque conditionne l'aide aux pays les plus pauvres selon une formule dans laquelle le «gouvernement», joue le plus grand rôle. Les subordonnés de Wolfowitz's doivent évaluer l'état d'un pays sur une échelle d'un à six, et justifient leur position face au gouvernement grâce à un examen minutieux. Là où les gens sont promus, selon leurs cravates plutôt que le mérite, la banque donne une note seulement d'un sur six ; là où les médiateurs et les auditeurs existent, mais manquent de l'autorité, la banque donne juste une note de trois. Ainsi en lui appliquant sa propre méthode de mesure, la banque serait mal notée. Traduction : Mar Bassine Ndiaye The Economist Newspaper Limited, London, 2007.