La rentrée sociale, cette année, a ceci de particulier qu'elle coïncide avec la nomination du nouveau Premier ministre, Abbas El Fassi. Au moment où la cherté de la vie reprend le dessus du quotidien des citoyens, les syndicats retrouvent leurs réflexes protestataires. En dépit d'un pluralisme syndical inhibiteur, l'agenda syndical reste pratiquement le même. Seules diffèrent les priorités. La coïncidence n'aurait pas échappé aux observateurs, à l'affût de toute nouveauté: le jour même ou Abbas El Fassi est nommé Premier ministre, Al Alam, l'organe officiel de sa formation parti publia un communiqué des plus véhéments de l'UGTM, connue pour être la centrale inféodée au parti de l'Istiqlal. Les termes sont durs et ne manquent pas de hargne: «l'atteinte portée au pouvoir d'achat est une réelle menace de la sécurité sociale». Ou encore : la rentrée sociale est marquée par «un ouragan de hausse de prix jamais vécu au Maroc et par le Marocain». Il y est également question d'«oppression de la classe laborieuse et du mouvement syndical». Réaction finale : «le syndicat appelle la classe laborieuse, toutes catégories confondues, à être prête pour relever le défi et du coup, réfuter la paix sociale qui était à l'origine de cette menace». S'ensuit un «ordre du jour» pour plus de combativité pour les prochains jours. Il ne fait aucun doute que le syndicat de Benjelloun Andaloussi mettra de l'eau dans son verre, et tentera de ne pas donner du fil à retordre au chef de son parti, désormais Premier ministre. Il n'en demeure pas moins que les autres centrales, la CDT, la FDT et l'UMT ont déjà arrêté leurs agendas. Presque les mêmes doléances, et seules divergent les priorités. Attentisme circonstancié Pour Miloudi Moukharik, le numéro deux de l'Union marocaine du travail de Mahjoub Benseddiq, le temps est à l'attentisme circonstancié. «Pour l'instant, on attend la formation du nouveau cabinet pour se décider» a-t-il affirmé dans une déclaration à LGM. Et d'ajouter : «il serait plus judicieux d'attendre que la nouvelle équipe décline ses orientations et ses objectifs pour y voir plus clair». Ceci étant, «les priorités restent les mêmes au sein de l'UMT». Il y a d'abord le niveau de vie, l'amélioration des conditions du travail et le cortège des révisions salariales qui vont avec. À l'UMT, on juge le moment opportun pour mettre sur la table des négociations l'examen des systèmes des allocations et des retraites. Et la FDT, proche de l'USFP de renchérir : «l'une des priorités du nouveau gouvernement, restera sans doute aucun, la réforme du système des retraites et ce, dans le cadre d'un consensus entre les centrales syndicales et le gouvernement». Encore faut-il, que ces mesures doivent être accompagnées «d'une réforme fiscale sur le revenu et l'instauration d'une indemnité pour les travailleurs qui perdent leurs emplois, pour une durée respectable». Des dossiers qu'héritera le nouveau chef de l'exécutif, celui du code du travail, a une place de choix. Bien que consensuellement adopté par les partenaires sociaux, les uns et les autres n'établissent pas le même constat quant à sa mise en application. «Le respect des clauses de ce code, note Abderrahmane Azzouzi, le S.G de la FDT, laisse à désirer». Aussi, est-il grand temps d'introduire «des nouveaux amendements pour une optimisation effective dudit code». Selon le chef de la FDT : «ceci ne peut avoir lieu qu'une fois le dialogue social institutionnalisé sur le plan central et sur le plan sectoriel». Un agenda précis semble un préalable incontournable pour mener à bien cette mission ! Les libertés syndicales reviennent sur tous les agendas, la FDT en fait la priorité de toutes les priorités pour le bien des employés et des employeurs. Déjà, l'année 2007, s'est achevée sur une note de bras de fer entre des syndicats contestataires et les forces de l'ordre. Le cas des syndicalistes FDT et UGTM à Bank Al-Maghrib, ceux de la CDT et de l'UMT à Casablanca et à Larache, ont défrayé la chronique. Question, cependant : le coût budgétisé du dialogue social ayant été moyennement élevé au cours des dernières années, le nouveau venu à la Primature saura-t-il garder la même tendance ? Une chose est sûre : les grands dossiers de l'enseignement, de la santé et des employés de la Justice, pour ne citer que ceux qui ont tenu en haleine de larges franges de la société ont déjà trouvé des dénouements heureux. Le doigté et le savoir faire du Premier ministre sortant, Driss Jettou, y est pour beaucoup. Ce n'est donc pas une «patate chaude» que Abbas El Fassi aura entre les mains. Le grand problème du pays, à savoir l'emploi, n'est pas du ressort des seuls syndicats.