Affaires de trafic de matériel militaire L'histoire semble incroyable, mais elle n'en demeure pas moins vraie. Il s'agit en effet d'une entreprise basée à Casablanca dont les administrateurs auraient osé se faire passer pour des mandataires de l'armée. Ils étaient impliqués, semblent-ils, dans un trafic d'armes. Arnaquer l'armée, utiliser son nom en vue de passer des contrats militaires et user du nom de la grande muette pour vendre du matériel à des pays sous embargo. Il faut oser le faire. C'est en tout cas ce scandale sans précédent qui est soumis par l'armée à l'appréciation de la justice. Une petite entreprise aéronautique Privair est impliquée, ou du moins ses dirigeants. Elle est basée dans la zone aéroportuaire de Casablanca-Anfa. L'entreprise est de type familial et appartiendrait à la famille Benamour. Elle a été créée en 1993 et compte aujourd'hui une quarantaine d'employés d'après les informations collectées auprès des proches collaborateurs de Hicham Benamour. Ce dernier en est le directeur général, quant à Fayçal Benamour, il occupe le poste de responsable commercial. Hicham Benamour, 40 ans, est accusé d'être l'auteur de ce trafic depuis quatre ans. La Gazette a essayé de joindre la direction de cette entreprise à plusieurs reprises, mais elle serait constamment «en réunion». Faux et usage de faux On n'aurait jamais entendu parler de l'entreprise si elle n'avait été impliquée dans cette sulfureuse affaire de faux et usage de faux. Les dirigeants de cette société à responsabilité limitée ont été déférés mardi devant la justice qui les soupçonne d'avoir été à l'origine du trafic le plus risqué dont la presse ait jamais eu écho. De sources judiciaires, on apprend que trois de ses dirigeants sont accusés d'avoir organisé un trafic d'équipements militaires à destination de certains pays notamment la Libye. Il leur a été notifié, toujours selon cette source judiciaire, les charges de «faux et usage de faux», «d'escroquerie» et «d'usurpation d'identité». La plainte aurait, semble-t-il, été déposée par les Forces Royales Air dont l'identité aurait été usurpée dans cette affaire. En effet, les responsables de l'entreprise utilisaient des papiers avec l'en-tête des Forces Royales Air pour importer du matériel militaire qui était ensuite réexporté vers certains pays. En fait, Privair est une société dont l'objet se résume à la formation de pilotes et de mécaniciens d'avions. Cependant, l'entreprise agirait également dans l'évacuation sanitaire d'urgence, la vente des équipements aéronautiques et la maintenance des moteurs. C'est donc forte de cette identité juridique et de cet objet que l'entreprise aurait eu l'idée de se livrer au trafic dont les dirigeants doivent répondre devant la justice. En effet, la société vendra effectivement des équipements aéronautiques, mais elle sera très vite tentée de se livrer à un trafic militaire. Un pays comme la Libye ne peut acquérir du matériel militaire du fait de l'embargo dont il est frappé depuis les attentats de Lockerbie en Ecosse. En parvenant à lui vendre du matériel, il est facile de se faire des bénéfices assez conséquents. Cependant, pour pouvoir distribuer un tel matériel, il faut pouvoir l'acquérir au préalable. Les choses se corsent, si l'on sait qu'un tel matériel proposé par plusieurs fournisseurs n'est cependant vendu qu'à des armées légalement reconnues ou bien à leurs mandataires. C'est ainsi que les responsables de la société se feront passer pour des représentants légaux des Forces Royales Air. Depuis des années, ils se livreraient à ce juteux trafic. Faisant leur commerce au nez et à la barbe de la justice. Il faut dire qu'il n'y avait pas un risque important, dans la mesure où les fournisseurs sont souvent bien contents de pouvoir vendre leur matériel. Or, ce sont les seuls qui puissent mettre les intérêts au parfum et quand les documents de ceux qui sont censés confirmer les commandes sont brandis, le trafic peut continuer en toute liberté. Les responsables de Privair ne se doutaient pas qu'un de leurs fournisseurs américains auquel une grosse commande avait été faite devait aller plus loin que les habituelles vérifications d'identité. En effet, ce dernier étonné qu'une si grosse commande soit sollicitée par l'armée marocaine, va procéder à la vérification auprès des Forces Royales Air. C'est à partir de là que le pot-aux-roses fut découvert. Privair n'a jamais été mandaté par l'armée, le matériel a donc été commandé pendant toutes ces années pour être fourgué à des pays qui ne peuvent l'acquérir sur le marché international. La gendarmerie procédera rapidement aux arrestations et aujourd'hui, le procès, qui devait commencer mardi dernier, a été suspendu jusqu'à vendredi. Mais selon toute vraisemblance, l'enquête devra se poursuivre pour savoir s'il n' y a pas d'autres personnes derrière cette affaire. Il conviendra également de savoir si certains fournisseurs ne sont pas complices.