Quarante ans après le premier alunissage, la NASA a des vues sur Mars. La planète rouge, en tant que base alternative pour la vie humaine... Der SPIEGEL : M. Puttkamer, cela fait exactement 40 ans qu'une personne a marché sur la Lune. Pourquoi la NASA veut-elle retourner à cet endroit désertique et sans vie ? Puttkamer : Les astronautes de l'Apollo n'ont pu passer que quelques jours là-haut, ce n'était qu'une petite visite. Si nous y retournons en 2019-2020, nous y resterons bien plus longtemps. Notre équipe de quatre personnes va expérimenter pour le but final à long terme réel : le voyage sur Mars. Nous voulons construire une station lunaire, où les gens pourraient vivre pendant des semaines, voire des mois, en guise de préparation pour le plus gros projet qu'est Mars. Alors la NASA n'ambitionne pas de peupler la Lune ? Non, la station lunaire ne pourra pas fonctionner en continu 365 jours par an, car nous devrons alimenter constamment en air, eau et nourriture les Terriens et cela aurait un coût exorbitant. Les conditions de vie sur Mars sont toutefois très différentes en fait. Il y a beaucoup de ressources naturelles là-haut, et notre sonde y a récemment découvert des traces qui pourraient venir d'eau liquide. On sait également depuis longtemps que l'eau sous forme solide – en d'autres termes, la glace – y existe en grande quantité. Est-ce que l'Amérique va une fois encore aller seule sur la Lune ? Certainement pas, et surtout si nous voulons atteindre des destinations plus lointaines. L'époque des périples en solitaire est révolue. Le projet Apollo a eu lieu en pleine Guerre froide, quand nous étions impliqués dans une course effrénée contre les Soviétiques. Beaucoup de choses ont changé depuis. Nous nous sommes détachés de cette façon de penser compétitive, et tout le monde est invité à prendre part aux missions futures. Cela fonctionne déjà comme cela au sein de la Station spatiale internationale, où 16 pays travaillent ensemble de manière exemplaire. Nous avons en quelque sorte créé des Etats-Unis pour l'espace. Et pourtant, les Etats-Unis vont à nouveau construire les nouvelles fusées pour la lune seule. Malheureusement, cela ne peut être fait autrement. Après le retrait de notre flotte de navettes l'an prochain, nous aurons besoin de notre propre nouveau transporteur spatial le plus rapidement possible. À cette fin, nous avons dû demander à l'industrie de développer la nouvelle fusée Ares et la navette Orion, qui va avec en un rien de temps. Et puis, il y a aussi l'atterrisseur lunaire Altair. Mais quoi qu'il en soit, l'Agence spatiale européenne est déjà très intéressée par la construction ultérieure d'infrastructures sur la lune. Nos partenaires russes participeraient également volontiers. Et à titre personnel, j'aimerais aussi beaucoup voir l'Allemagne participer. Ne craignez-vous pas que l'enthousiasme pour la conquête de la Lune ne retombe aussi vite qu'il n'est retombé après les missions Apollo ? C'est un risque que nous ne pouvons résolument pas ignorer. À l'époque, nous avons aussi vraiment été victimes de notre succès. Le public s'est lassé, parce que les missions Apollo se sont déroulées avec une rare perfection. Nous avons lancé au total 13 fusées Saturn V, et pratiquement à chaque fois, ce fut avec une précision d'horloger. Cela veut dire que la dimension d'aventure a rapidement désintéressé le grand public. Nous devons donc maintenant ressusciter l'intérêt pour les vols lunaires. Et nous devons expliquer aux sceptiques que la Lune est la halte la plus importante sur la route vers Mars. Si tout se passe bien, nous pourrons voyager vers la planète rouge dans à peine 25 ans. Les futurs astronautes de Mars sont déjà nés, ils sont déjà comme des petits rase-moquette gravitant autour de nous. Pourquoi cela vous tient-il tant à cœur d'envoyer des gens sur Mars ? Mars est notre planète destin. Il y a cet espoir fondé que des traces de vie extraterrestres puissent y être trouvées pour la première fois, même sous la simple forme de microbes fossilisés. Un scientifique humain qui peut prendre et analyser des échantillons sur le terrain convient bien mieux qu'un robot pour ce genre de recherches, quelle qu'en soit leur complexité. Mais la chose la plus importante est qu'un jour les gens vont marcher sur Mars et la peupler. La planète rouge désertique Mars, à condition que la vie n'y existe pas encore, pourrait devenir une Mars verte grâce à ce que l'on appelle la biosphérisation, en d'autres termes la transformation active (de son environnement). Si ça marche, le genre humain se sera créé un second habitat, seulement au cas où un impact d'astéroïde ou une autre catastrophe majeure détruirait toute vie sur Terre. Ce n'est qu'en ayant Mars comme planète de secours que la race humaine deviendra immortelle. Le voyage vers une autre planète désertique, à des millions de kilomètres de nous, pourrait se solder par un voyage sans retour. Croyez-vous vraiment que les nations spatiales vont prendre ce risque ? Nous manquons aujourd'hui sans aucun doute de l'audace qui caractérisait l'époque Apollo. Quand l'ingénieur spatial d'origine allemande, Wernher von Braun, a enthousiasmé le président John F. Kennedy avec le vol lunaire en 1961, personne ne savait si l'opération allait être un succès et si les astronautes pouvaient faire l'aller-retour Terre/Lune en toute sécurité. Dans un nouveau documentaire télévisé pour l'anniversaire de l'alunissage, on peut très bien voir l'excitation qui régnait alors. Hélas aujourd'hui, les hommes politiques, les responsables et les ingénieurs évitent le risque, par crainte d'être fustigés en cas de problème. Pourtant, si nous voulons aller plus loin dans l'univers, nous devons dépasser nos lubies du tout-sécuritaire. Si j'avais un sweater chaud avec moi, j'embarquerais tout de suite dans une navette pour Mars.