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Les confessions de Ninja
Publié dans La Gazette du Maroc le 21 - 07 - 2003

Durant le reportage que nous avons réalisé à la prison civile de Kénitra (voir notre précédente édition), nous avons pu rencontrer le dénommé Ninja dont les crimes ont défrayé la chronique en 1995. Voici le récit de l'histoire abracadabrante qui l'a conduit au couloir de la mort. Retenez votre souffle.
Qui se souvient encore de Ninja ? Plutôt, qui ne se souvient pas de Ninja ? Les Casablancais ont de la mémoire. Forcément. Tellement ce jeune homme a réussi la prouesse de mobiliser contre sa personne toute la police de la métropole. Tellement, les Casablancais ont vécu au début des années quatre-vingt-dix une période de psychose collective alimentée par les échos des crimes imputés à ce serial killer. Et comme au cinéma, les rumeurs sur ses exploits morbides parcouraient la ville de long en large. Des rumeurs que l'imagination nourrissait au fil du temps et qui ont cessé le jour même où Ninja fut arrêté. Il faut avouer qu'avant de le rencontrer à la prison civile de Kénitra, nous-mêmes étions sous l'emprise de l'image qui s'était formée autour de ce personnage.
À travers les lectures que nous avions faites des péripéties de son interpellation, Ninja nous paraissait à l'image d'un colosse, à la Schwarzenegger, biceps bien garnis, visage dégageant la haine, moustachu au regard sévère, bref,un méchant comme ne peuvent produire que les grandes productions hollywoodiennes.
Eh bien, toute cette image s'est effondrée brusquement quand Ninja fit son apparition dans la salle qui nous a été réservée pour nous entretenir avec les détenus condamnés à mort. Celui qui se tenait devant nous était un jeune homme de 42 ans, de taille moyenne, mince, sans moustache, au regard calme. Bref, rien à voir avec l'image que nous nous étions faite de sa personne.
Ninja avait raison de prendre ses distances au début. Il avait pris tout son temps pour nous contempler et nous juger. Nous l'avions tout de suite rassuré que nous n'étions pas des flics venus l'interroger, mais des journalistes désireux de s'entretenir avec lui quelques instants. À notre grande surprise, Ninja s'est montré coopératif et décidé à répondre à toutes nos questions. Nous l'avons, bien entendu, interrogé sur les raisons des meurtres commis. Là, Ninja nous fixa d'un long regard et plongea, pendant quelques minutes, dans un silence profond. En cet instant, nous avions eu l'impression que notre interlocuteur allait de rétracter et quitter la salle. Mais, en fait, Ninja était en train de rassembler ses idées que le temps a forcément éparpillées.
Lançant un profond soupir, il releva la tête dans un sursaut d'orgueil et nous indiqua qu'il pouvait commencer à nous raconter son histoire : “ Après tout, je n'ai plus rien à perdre aujourd'hui, du moment que j'attends la balle de la délivrance ”.
Et Ninja d'entamer le récit hallucinant des événements qui l'ont conduit, finalement, au couloir de la mort : “ j'ai été emprisonné en 1995. J'avais alors 34 ans. J'appartiens à une famille pauvre. J'ai poursuivi mes études jusqu'en cinquième primaire. Le jour de mon premier crime reste gravé dans ma mémoire. C'est comme si cela s'est passé juste hier. Ce soir-là, je rentrais à la maison sur mon vélomoteur. A un carrefour, j'ai été surpris par un policier qui m'ordonnait de m'arrêter. Je m'arrête et lui décline mes pièces d'identité et celles du vélomoteur. J'ai, tout de suite compris, que le policier en question n'était nullement mandaté pour ce genre de mission et qu'il ne faisait que sa ronde de routine. Cela, je le savais parce que j'avais passé quelques années dans l'armée ”.
A cause de 50 DH
Ninja s'arrêta un bon moment. Il reprit son souffle et ajouta : “ Pour échapper à ce policier, j'ai dû lui verser 50 dirhams. Il me rendit alors mes papiers. J'ai rejoint la maison où se trouvaient ma femme et mes trois enfants. J'étais dans un état de grande nervosité que ni ma femme ni mes enfants n'ont pu atténuer. Pendant un bon bout de temps, je ne cessais de m'interroger pourquoi ce policier m'avait délesté de 50 dhs. Je fus pris d'un profond désir de vengeance qui a soudain ressurgi en moi comme du temps où j'étais sous les drapeaux. Depuis lors, je haïssais les hommes d'autorité qui nous faisaient subir les pires humiliations. J'ai décidé donc de me venger de ce policier. J'ai enfilé mes vêtements et me suis rendu à pied vers le carrefour où il se trouvait. Tout au long du chemin, je planifiais la façon dont je devais me venger. Une seule image me revenait à l'esprit. C'est celle des 50 dhs qu'il m'a pris et qu'il avait mis tranquillement dans sa poche.
En quelques minutes, je me trouvais face-à-face avec lui. Paradoxalement, ce policier n'avait pas l'air d'être surpris de ma présence. Il me regardait avec arrogance, alors que de mon côté, les flammes de la haine jaillissaient de mon regard. Je lui ai donné un coup de poing sur la figure qui l'a complètement désarçonné et assommé. J'ai alors subtilisé son arme et tiré sur lui. Je sus par la suite qu'il a été sauvé miraculeusement d'une mort certaine. Je me suis sauvé et rejoint la maison où j'ai caché l'arme à l'insu de ma femme. Le lendemain, tout le quartier de Sidi Bernoussi ne parlait que de cet événement. Les rumeurs allaient bon train en s'amplifiant. Certains disaient qu'une bande de terroristes avait investi la scène et allait s'adonner à des actions de grande envergure. D'autres avançaient que des policiers réglaient leurs comptes à des collègues.
Plusieurs versions circulaient à ce sujet et je dois dire que j'écoutais toutes ces histoires avec délectation. Même les membres de ma famille n'ont pas échappé à ces rumeurs. J'ai gardé le pistolet chez moi pendant trois semaines. Je ne sortais que de nuit vêtu de noir. C'est ce qui explique que les gens m'aient surnommé Ninja. Le tout Casablanca ne parlait plus que de mes soi-disant aventures. La presse aussi s'est mise à propager les histoires les plus folles surtout après le deuxième meurtre que j'ai commis. Il s'agissait d'un policier que j'ai liquidé par pur hasard, sachant que jusqu'à présent je ne suis pas en mesure de le décrire. Comme je vous l'ai dit, j'étais dans l'armée et j'avais un compte à régler avec un capitaine qui m'avait humilié à maintes reprises. J'ai décidé alors de me venger de lui. Je suis parti de chez moi un soir dans le but de gagner Rabat pour exécuter mon plan. Je me suis dirigé vers l'autoroute où les autocars s'arrêtaient au niveau de l'ONTS. Je n'ai pas fait attention à la queue qui s'était formée et me mis devant tout le monde. C'est alors qu'un policier me sermonna sévèrement, m'ordonnant de faire la queue comme tout le monde. Je l'ai fixé de mon regard, pris le revolver et lui ai tiré trois balles dans la tête. C'était tellement vite et tellement spontané, que jusqu'à présent je n'arrive pas à m'expliquer mon geste. Et c'est sans doute, cette histoire qui a amplement alimenté l'imagination des Casablancais.
La presse avait commencé alors à publier des portraits-robots du meurtrier qui ne correspondaient nullement à la réalité. Pendant tout ce temps, j'étais dans une sorte de brouillard. Quand j'ai repris conscience, j'ai réalisé qu'il était déjà trop tard. J'avais sur le dos deux crimes et j'étais devant un choix difficile. Soit, je devais continuer à sévir et assumer toutes les conséquences, soit me rendre. J'ai choisi la deuxième option.
Au début, les responsables de la sécurité de Sidi Bernoussi n'ont pas voulu croire que j'étais bel et bien Ninja. Ce n'est qu'après des aveux complets avec détails en présence de Bouchaïb Rmili le chef de la sûreté à l'époque, qu'ils en ont été convaincus. Je ne vous cacherai pas que je regrette énormément mes actes. Je ne suis pas un meurtrier par instinct. C'est l'injustice et la pauvreté qui m'ont poussé vers l'abîme. À chaque fois que mes enfants me rendent visite, je me rémémore amèrement ces événements douloureux. Ma fille aînée est aujourd'hui âgée de 16 ans, la cadette de 12 ans et Saïf Eddine, le benjamin n'a que 10 ans ”.
Ninja garde cependant l'espoir d'être
grâcié : “ si ce n'est l'espoir de voir,
un jour ma peine allégée, j'aurais depuis longtemps mis fin à mes jours ”
conclut-il.


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