Démantèlement d'un réseau terroriste entre Meknès et Fès Plus de 35 individus arrêtés, des morts, des blessés, un policier touché au cœur par balle et poignardé dont la dépouille à été inhumée dans son patelin à Sefrou, d'autres agents de l'autorité qui ont fait les frais du gang Rebae, Hanouichi et Bouarfa, des quartiers entiers sous le choc, une population effrayée… l'après-16 mai n'en finit pas de révéler d'autres pistes, d'autres coups de filet, d'autres morts, d'autres affrontements entre les forces de l'ordre et des groupes armés décidés à en découdre avec le sort et le destin. Le post-16 mai n'en finit pas non plus de faire planer d'autres menaces… Ce qui s'est déroulé le lundi 26 janvier à Meknès et à Fès ouvre un nouveau chapitre sur les éventuelles ramifications du terrorisme et de ses activistes au Maroc et pose de nombreuses questions sur la provenance des armes, des explosifs et des éventuels liens avec d'autres formations armées originaires du Liban, de Tunisie, de Libye et d'ailleurs.. Retour sur un lundi noir entre Fès et Meknès. C'est un film. Oui c'en est un. Et la comparaison n'a rien de péjoratif ni d'ironique. Ce qui a été vécu le lundi 26 janvier à l'aube à Ain Chebik, Borj Moulay Omar dans la banlieue noire de Méknès est un mélange de polar sordide, de chronique maffieuse et de course poursuite sur fond de coups de feu dans les rougeurs de l'aube et des cris des populations prises au dépourvu, arrachées au sommeil, effrayées par les accrochages et l'odeur du souffre et la couleur du sang. C'en est un aussi pour les habitants du quartier Ain Chebik qui n'ont pas hésité à qualifier “ce nouvel épisode d'un long feuilleton qui ne semble pas vouloir finir”. Bref, dans ce quartier juché à flanc de colline, face à une vallée morne et oubliée, il y a un avant et un après-26 janvier : “ce qui s'est passé ici n'a rien à voir avec ce qu'on lit dans la presse. C'est une chose de lire un compte-rendu d'une descente de police et de l'arrestation d'un groupe armé, mais c'en est une autre d'assister de sa fenêtre à la poursuite, aux tirs des armes à feu et au sang qui coule. Non ceci n'a rien à voir avec tout ce que j'ai pu imaginer.” Minuit, coup d'envoi de l'opération Si l'assaut a eu lieu vers quatre heures du matin dans la nuit du lundi 26 janvier, le lancement de toute l'opération a débuté vers minuit lorsque les forces de police qui ont attendu que le quartier se vide et que les lumières s'éteignent ont investi les quatre coins d'Aïn Chebik pour filtrer ceux qui entrent et ceux qui sortent. “Nous avons l'habitude de dormit tard et nous faisons souvent le tour du quartier histoire de bavarder, de tuer le temps. C'est là que nous nous sommes rendus compte de la présence des forces de police. On ne savait pas ce qui se passait, mais on a très vite compris que c'était sérieux”. Très sérieux même puisqu'il y avait pas moins d'une soixantaine de policiers prêts à l'assaut accompagnés d'un nombre aussi important de gendarmes qui devaient participer à l'attaque et à l'arrestation des recherchés. Pour les policiers, l'affaire était évidente. Déjà il y a dix jours lors d'un reportage fait par LGM sur la sécurité à Meknès (voir la Gazette du lundi 26 janvier 2004), nous étions déjà au courant des investigations menées par tout le corps de la police locale entre Fès et Meknès qui ratissait la région à la recherche de personnages dangereux qui étaient à la source de plusieurs affaires de meurtres visant des agents de sécurité dans la région. Pour un maximum d'efficacité, la police a tenu à garder au secret son déploiement. Informée de la présence de Mouhcine Bouarfa et de son acolyte Tawfik Hanouichi dans le quartier, la police n'était pas encore sûre de la maison qu'ils occupaient. Il a fallu attendre quatre heures pour arriver à la rue n° 2, là où les deux fuyards devaient attendre le matin pour dormir étant donné qu'ils passaient presque toutes les nuits réveillés à tapoter sur un ordinateur bon marché et à lire le Coran ou préparer des œufs durs et du thé à la menthe. “J' ai vu les policiers tourner dans le quartier et chaque fois ils s'arrêtaient dans une ruelle ou devant une maison. Cela a duré plus de deux heures. On ne savait pas ce qui allait se passer, mais le bruit avait déjà couru qu'ils avaient localisé des terroristes…”. Pour des centaines d'habitants du quartier, le lendemain après l'assaut, il était clair que leur seul souci était de s'en sortir indemnes, sans coups, sans blessures et surtout sans s'exposer à une attaque surprise de la part des criminels qui pouvaient envahir les autres domiciles pour prendre des otages, détourner l'attention de la police ou tout simplement utiliser les autres maisons comme cachettes. L'assaut final et la course sur les toits Les patrouilles de reconnaissance ont pris la majeure partie de la nuit, et les gens du derb n'en pouvaient plus de voir cette nuit s'allonger à l'infini. Vers quatre heures, les policiers étaient à l'entrée de la rue n° 2 dans cette descente qui mène droit vers la colline et la porte de la vallée en contrebas. Ceux qui s'attendaient au pire ont été arrachés de leur sommeil par les coups sur les portes : “c'était la police qui a réveillé le reste de la maison, moi je regardais de derrière la fenêtre. Ils ont frappé à toutes les portes et sont montés pour chercher les criminels.” De deux choses l'une ou la police au moment de l'assaut final ne connaissait pas la cachette des islamistes ou alors c'était une tactique pour ameuter le quartier et faire distraction pour encercler et piéger les recherchés. Quoi qu'il en soit, au moment où les policiers sont arrivés devant le numéro 20 de la rue numéro 2, le grabuge avait alerté les malfrats qui se sont empressés de monter sur la terrasse. La suite aura été une succession de cris, de bousculades, d'alertes et de courses poursuites sur les toits d'Ain Chebik. Pour les quatre criminels en fuite, c'était le seul recours pour pouvoir s'en tirer. La terrasse leur offrait de par son type de construction un terrain de course idéal comme sur une piste archaïque de 110 mètres haies. Il fallait juste enjamber un muret en briques rouges, esquiver quelques haillons qui pendouillaient sur des fils rouillés, une parabole ou deux pour enjamber en quelques secondes une dizaine de maisons. C'est ce qui a été fait par les quatre fuyards. Mais il y avait un hic de taille dans cette filature qui était le fait de la structure elle-même du quartier et de la ruelle n° 2. Erigée sur une pente, la ruelle n'est pas droite. Construite sur deux niveaux, l'un donnant sur la rue Assakia Al Hamra, une artère principale, et l'autre une ruelle étroite qui est la fameuse rue n° 2. Les deux niveaux descendent en contrebas et finissent en pointe dans une seule maison occupant le coin et qui est la seule à donner sur la rue Assakia Al Hamra. Dans leur fuite nocturne, les quatre truands savaient qu'ils ne pouvaient atteindre l'autre versant du quartier qu'en parcourant toute la distance qui les séparait de la fameuse maison grise du coin. Le dilemme était simple : tenter une sortie en force par le petite ruelle et se faire épingler comme des rats ou continuer jusqu'au bout sous les projectiles, les fils d'étendage, les habits encore mouillés, les barres de fer qui trônent sur les murs et les paraboles qui surgissent du sol comme des radars pour prendre le pouls du quartier. Ils finiront leur course au bout de quelques minutes vécues par les habitants pendant des heures entières dans l'angoisse et la terreur. Quand les quatre malfrats sont arrivés sur le toit de la maison grise du coin, ils sortent leurs couteaux, prennent des otages qu'ils forcent à ouvrir la porte d'entrée qui donne sur la rue Assakia Al Hamra. C'est là que les policiers sont arrivés dans un engin blindé qui répandait un bruit sourd et imposant dans le quartier. Ils ont ouvert le feu. Mouhcine Bouarfa est touché à l'épaule, puis à la jambe : “On n'entendait dans la nuit que des Allah Akbar, Allah Akbar et des tirs, au moins dix coups de feu ont retenti devant la maison du coin. C'est là que deux des criminels ont été touchés ainsi qu'un policier. On l'a su parce que d'autres agents disaient qu'il y avait un des leurs qui avait reçu une balle et un coup de couteau”, raconte un témoin. Un policier tombe à terre Il s'agit de Khalid Mansouri un officier de police mort “d'une balle en plein cœur et d'un coup de couteau au rein gauche”. C'est la thèse officielle avancée par les services de police. Mais dans le quartier ce qui demeure une certitude pour des dizaines de personnes, c'est que le coup de couteau était le fait de l'un des fuyards “un mastodonte, grand de taille et très fort, qui courait très bien malgré la blessure ”. Selon toute vraisemblance, il s'agit de Tarik Yahyaoui qui a ouvert la voie aux autres pour leur assurer la fuite. Pour les mêmes témoins qui étaient dans le quartier au moment de la fusillade et de l'affrontement en contrebas avant d'arriver en bas de la colline vers la vallée, leurs certitudes semblent s'arrêter au niveau des armes blanches: “on n'a pas vu de revolver ou de fusil chez les hommes qui fuyaient. Mais ils détenaient tous des armes blanches.” D'ailleurs l'un des voisins avait trouvé les écrins des armes blanches qui ont été jetés sur les terrasses au moment de la grande cavale sur les toits. L'assaut avait pris à ce moment un autre tournant: “un homme venait de donner sa vie pour son pays. Il nous fallait les arrêter coûte que coûte.” La police les encercle et tire dans le tas. Le groupe se scinde en deux d'un côté les deux pontes, les deux, célébrités du crime au nom d'Allah, Tawfik Hanouichi et Tarik Yahyaoui qui n'étaient pas à leur premier forfait et qui avaient l'habitude des poursuites et des affrontements. Ils iront du côté de la vallée vers cet endroit que l'on appelle dans le quartier “le trou” (Al Houfra). De l'autre côté, les deux compères, Zine Al Abidine Ali et Taha Belghiti qui finiront sur les marches qui mènent vers la vallée. Ils seront tirés comme des lapins. L'un d'eux tombe raide mort alors que le deuxième blessé sera emmené en ambulance. Hanouichi blessé se perdra dans les vergers alors que Yahyaoui finira sa course quelques heures plus tard dans le quartier Tajmouâti lorsque des membres de sa famille ont été lui chercher des médicaments dans une pharmacie pour les premiers soins. Tawfik Hanouichi en vieux renard arrive à fuir et ne se fera prendre que plus tard dans la journée à l'entrée de Fès lors d'un autre assaut orchestré par les forces de police des deux villes qui savaient depuis longtemps que les groupes de Bouarfa et de Hanouichi faisaient la navette entre plusieurs douars dans toute la région brouillant ainsi toutes les pistes. Ce qu'il faut signaler contrairement à tout ce qui a été relaté sur quelques colonnes de journaux, c'est que Mouhcine Bouarfa n'a jamais été appréhendé à Meknès. Il n'était pas non plus dans le groupe des quatre qui a fait l'objet de l'intervention à Aïn Chebik. Bouarfa était dans un autre groupe armé qui sera pris aux alentours de Fès. La liste complète des individus arrêtés par la police à Douar Laghouazi et Douar Oulad Salah Mohcen Bouarfa, né en 1976, célibataire. Journalier Lemseyeh Mohamed né en 1984. Célibataire. Plombier Lemseyeh Allal né en 1978, père de 7 enfants. Fellah Lemseyeh Al Khammar né en 1967, père de 4 enfants. Maçon Lemseyeh Ali né en 1976, père d'un enfant. Ouvrier. Lahmayssi Jilali né en 1987. Célibataire. Plâtrier. Lahmayssi Serghini né en 1971, père de 2 enfants. Ouvrier Lahmayssi Ali né en 1952, père de 8 enfants. Ouvrier. Riyab Hassan né en 1977, père de 4 enfants. Ouvrier Riyab Idriss né en 1979. Marié, sans enfants. Ouvrier. Riyab Mohamed né en 1972, père de 6 enfants. Fellah Al Mendour Kaddour né en 1962, marié et sans enfants. Fellah Al Mendour Tijani, né en 1964, père de 4 enfants. Fellah Al Mendour Bouchta né en 1960, père de 4 enfants, Fellah Al Mendour Driss né en 1979, père d'un enfant. Fellah Laâfou Mohamed, né en 1960, père de 8 enfants. Fellah Laâfou Saïd, né en 1982, père d'un enfant. Ouvrier Laâfou Azeddine, né en 1983, chômeur. Célibataire. Laâfou M'hamed, né en 1975, père de 2 enfants. Fellah Laâfou Mohamed, né en 1964, père de 8 enfants. Chauffeur Rebab Mohamed, né en 1934, père de 9 enfants. Chômeur Abid M'hamed, né en 1945, père de 9 enfants. Fellah Rebouz Rachid, né en 1976, marié et sans enfants. Ouvrier Ahmed Sayh, né en 1960, père de 6 enfants. Ouvrier Bghazi Mohamed, né en 1982, célibataire. Menuisier Seffat Abdelaziz, né en 1977, père d'un enfant, maçon Belfkih Saïd, né en 1969, père d'un enfant. Chômeur. Kerchaoui Abdelkader, né en 1978, père d'un enfant, maçon Aghzal Mostapha, né en 1983, élève Aziz Achbih, né en 1969, père de 4 enfants, ouvrier