Pour répondre à cette question, il faut parcourir plus de huit cents kilomètres et prendre la route de l'Oriental. Arrivé à Oujda, il faut encore suivre la route qui mène vers le poste frontière Zouj Bghal. Là, il faut demander à n'importe quel trafiquant de Gazoil et d'essence pour trouver le bon filon. Le long de la frontière avec l'Algérie, on vend de tout : carburants, habits, produits alimentaires, mais surtout des produits pharmaceutiques. Des dizaines de kilos de médicaments transitent à dos d'âne entre les deux rives. "Nous en avons pour notre argent. J'achète de tout : antalgiques, anabolisants pour les sportifs et du karkoubi pour les drogués. Vous savez, que ce soit moi ou un autre qui achète aux Algériens, sachez que les produits transiteront toujours par la région. Il y a la demande. Des gens du Nord, de Tanger, Tétouan, Larache et d'autres, les gros trafiquants de Casablanca qui achètent par sacs pleins. Ils ont de la clientèle et tout le monde veut oublier la vie ". D'autres nous racontent comment la marchandise arrive à bord des voitures en règle de Nador en provenance de France ou d'Espagne. Pour d'autres dealers casablancais, c'est le port de Tanger qui fournit son lot de psychotropes. Pourtant, la région d'Oujda demeure l'une des principales entrées. Pour les trafiquants d'Oujda, c'est de bonne guerre : " c'est une décision des hautes autorités algériennes qui veulent en finir avec la jeunesse marocaine. Ils nous fourguent leur camelote, détruisent nos jeunes et empochent de l'argent. C'est la meilleure façon de faire la guerre à un pays voisin. Moi, je dis que la guerre n'a jamais cessé avec ces Algériens. Mais comment faire, il faut manger. Alors je ferme les yeux et je vais chercher mes sacs à la frontière. Je paye le prix qu'il faut et je ne m'occupe pas du reste. Moi-même, je ne touche jamais à cette merde, c'est un choix, ceux qui en veulent assument les conséquences ". Pour ce bonhomme, les bénéfices vont très loin. À raison de dix dirhams la pilule vendue à la base à sept aux refourgueurs de Casablanca , ce sont déjà 3 dh de gain par pilule. Les gens ont des voitures achetées à des émigrés de Hollande, construisent des maisons et se payent même des vacances en Espagne. C'est ce qu'on appelle la rançon de la mort.