Un homme touchait du bois chaque matin pour exorciser le mauvais sort. Immanquablement, dans la journée, il touchait un chèque en bois. Ce qui tend à prouver que la superstition est faite de bois vermoulu. Depuis quelques jours, la planète entière a les yeux tournés vers les pays du soleil levant et du matin calme. C'est tout à fait normal, le globe est fasciné par le ballon rond. C'est ainsi que l'on peut faire certaines remarques concernant les joueurs participant au mondial. Au cours des rencontres, évidemment sportives, des joueurs manifestent une religiosité surprenante dans ces circonstances. On s'empresse de souligner, non sans orgueil, que cela ne vient pas de joueurs musulmans, qui affichent une laïcité exemplaire. Ils ne mêlent pas foi et sport. À l'arrivée sur le terrain gazonné pas un seul ne se prosterne, ni même à la suite d'une action victorieuse. Le football reste un jeu, bien qu'il soit devenu un gigantesque business entre les mains des multinationales et de la FIFA. Contrairement aux joueurs musulmans, des athlètes chrétiens, plus précisément catholiques, font le signe de croix en entrant sur le champ de jeu après avoir baisé le gazon, et se signent à nouveau après chaque but marqué. Comme si Jean-Paul II était encore en mesure de regarder la télévision. On note que ces joueurs sont de nationalités diverses. Ce qui étonne et laisse rêveur, c'est quand ces manifestations de foi sont le fait de deux adversaires. Invoquer le Ciel puis le remercier, c'est affirmer que la foi de l'un est plus profonde que celle de l'autre. Or les règlements sont formels et prévoient un arbitre du centre, et deux de touche, avec un remplaçant. Cependant, si l'on songe à la guerre d'Irlande, on peut penser que c'est une lutte de croix. On cherche malgré tout plus loin, et on suppose qu'étant donné qu'il s'agit de rencontres sportives, le signe de croix est peut-être machinal et relève de la superstition. Dans ce cas, les joueurs devraient être guidés par leurs autorités spirituelles, en ayant recours à des exemples. Un homme touchait du bois chaque matin pour exorciser le mauvais sort. Immanquablement, dans la journée, il touchait un chèque en bois. Ce qui tend à prouver que la superstition est faite de bois vermoulu. Par ailleurs, on voit mal des joueurs superstitieux courant dans tous les sens, les bras derrière le dos et croisant les doigts. Non, c'est inimaginable. Les joueurs qui font le signe de croix croient. Ils ne savent pas, pourtant, que dès le coup de sifflet de l'arbitre, ils se lancent dans des actions contraires à leur foi, et commettent tous les péchés. Ils sont animés par le désir de gagner la coupe. Péché d'envie. Il y a des joueurs qui gardent trop souvent le ballon et jouent perso. Péché d'avarice. Quand un joueur reçoit un coup au tibia, au lieu de tendre l'autre, il donne un coup de tête à son prochain. Péché de colère. Un autre court vers la ligne de touche et se saisit d'une bouteille pour en boire goulûment. Péché de gourmandise. L'autre reçoit un centre et ne se dérange pas, le ballon lui apparaissant trop lointain. Péché de paresse. Un autre encore glisse sur le gazon gras et s'y vautre avec délice. Péché de luxure. Le bouquet, c'est quand un avant expédie le ballon dans les filets puis court vers les tribunes et bombe le torse, en s'appuyant sur le piquet de corner. Péché d'orgueil. On voit bien que ces sportifs affichent ostensiblement leur foi et contreviennent à ses principes élémentaires. Il s'agit peut-être de prosélytisme, les joueurs sachant que leur image est diffusée aux quatre coins de la planète. Ils devraient savoir que dans le monde actuel les peuples se replient et se réfugient dans leur propre religion. Ils ne se retrouvent que dans la mondialisation qui fait des ravages aussi bien dans les pays du G7 que dans les pays en développement. Le libéralisme débridé déborde même sur le champ du football et y cause nombre de perturbations. Prenons l'exemple de notre pays où on pense que la solution miracle pour un décollage économique réside dans l'installation de zones franches. Les lions de l'Atlas appliquent à la lettre cette orientation, et installent dans leur défense une zone franche. Celle-ci est immédiatement investie par les adversaires. Cela explique la défaite dès les éliminatoires. L'Arabie saoudite a payé encore plus cher, oubliant les leçons de la Bourse de New York où les valeurs montent et descendent. Tout compte fait, on ne peut pas ne pas rappeler l'image de ce joueur qui avait scoré au cours de l'une des dernières coupes d'Europe. Il s'était alors planté devant les tribunes et avait enlevé son maillot. Sur le tricot de peau était imprimé : “ I love Jésus ”. Un cœur d'un rouge éclatant remplaçait le “ love ”. Ou alors il s'adressait à un compagnon sur les gradins. Ce qui rappellerait la fâcheuse mésaventure des prêtres américains.