Selon le président de la Comader, l'agriculteur marocain, en particulier le petit et moyen, porte un fardeau lourd en raison de la sécheresse, de la hausse des prix des intrants, de la volatilité des marchés et du poids des dettes liées aux crédits bancaires. Suivez La Vie éco sur Telegram Lors d'une conférence de presse tenue récemment sous le thème «Les grands défis du secteur agricole au Maroc : enjeux, contraintes et perspectives», Rachid Benali a décrit la réalité que vivaient beaucoup d'agriculteurs. «Continuer à faire porter à l'agriculteur la responsabilité des dysfonctionnements indépendants de sa volonté, comme la multiplication des intermédiaires et des spéculateurs, ne sert ni le secteur ni la sécurité alimentaire», assure-t-il. Le numéro 1 de la Comader est formel : il est impératif de se concentrer sur l'organisation des circuits de distribution et de commercialisation pour réduire les intermédiaires et les spéculateurs, tout en renforçant les circuits courts pour garantir une meilleure valeur ajoutée aux produits agricoles. Il regrette aussi la persistance de la diffusion d'analyses inexactes ou partielles, qui imputent au secteur agricole des responsabilités infondées, ignorant les contextes complexes dans lesquels opèrent les agriculteurs. Et ce, sans s'appuyer sur des données scientifiques précises ni sur des approches réalistes et équitables tenant compte des complexités du système agricole. Le soutien financier public ne couvre qu'une partie des coûts réels Rachid Benali suggère la correction de certaines données erronées sur des sujets sensibles touchant à l'image du secteur agricole et aux efforts des agriculteurs, notamment la question du volume du soutien financier public. «Il est crucial de préciser que ce soutien, malgré son importance, ne couvre qu'une partie limitée des coûts réels supportés par les agriculteurs, surtout dans le contexte des crises successives, allant des répercussions de la pandémie de Covid-19 aux impacts des tensions géopolitiques internationales, en passant par la succession des années de sécheresse», renseigne-t-il. Toujours selon lui, ce soutien est distribué selon des critères clairs, sous la supervision des institutions compétentes, et bénéficie à tous les acteurs en fonction de la nature de leurs activités et du volume de leurs investissements. La Comader est d'avis que l'agriculture doit être traitée comme une priorité stratégique nationale, au même titre que des secteurs vitaux, comme la santé et la défense, en tant que piliers de la sécurité alimentaire et sociale, et non comme un secteur uniquement perçu sous l'angle du fardeau financier ou des recettes fiscales. L'exemple invoqué par le président de la Comader est la France, première puissance agricole en Europe, et pays dans lequel environ 390.000 agriculteurs bénéficient d'un soutien annuel équivalant à 100 milliards de dirhams. «En comparaison, le soutien public alloué à environ 1,6 million d'agriculteurs marocains ne dépasse pas 7 milliards de dirhams, et ce soutien a un caractère exceptionnel ces dernières années», précise Benali. Et d'alerter : «Présenter une image inexacte ou fragmentée du système de soutien risque de fausser la compréhension de l'opinion publique et de miner la confiance dans les efforts déployés par l'Etat et les professionnels. Ce type de surenchère, qui diabolise à la fois le secteur et les agriculteurs, ne sert les intérêts d'aucune partie». Des jugements erronés sur la consommation ou l'exportation de l'eau Le président de la Comader pointe du doigt la réduction du débat sur les exportations agricoles à un discours sur «l'exportation de l'eau», qui, selon lui, ne repose pas sur une évaluation scientifique précise du cycle de l'eau et de la production. «Ce discours ignore une réalité importante : l'eau "indirecte" importée à travers les importations de céréales, d'huiles et d'autres produits alimentaires de base dépasse de loin la quantité d'eau utilisée pour produire les exportations agricoles», assure-t-il. Benali est formel : ces exportations contribuent à créer de la valeur ajoutée et des emplois, tout en générant des devises qui financent l'importation de produits alimentaires essentiels. En définitive, la Comader est pour une gestion rationnelle des ressources, mais contre les discours simplistes et trompeurs. «Il est temps de cesser d'instrumentaliser l'agriculture dans des calculs ou des tiraillements politiques. C'est un secteur stratégique qui transcende les divergences conjoncturelles et exige une approche nationale responsable», conclut-il.