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Ces migrantes subsahariennes victimes des réseaux de traite
Publié dans La Vie éco le 19 - 03 - 2015

Des migrantes subsahariennes sont victimes d'exploitation sexuelle, notamment dans le cadre de réseaux de traite. Des rapports font état de filières s'activant entre des pays d'Afrique subsaharienne et l'Europe. Le Maroc est un passage obligé pour ces réseaux.
Fondation Orient Occident, Rabat. A l'entrée de ce bâtiment qui domine l'avenue des FAR, des dizaines de migrants s'animent. En partenariat avec le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés, la Fondation Orient Occident a créé un centre d'accueil pour les réfugiés, demandeurs d'asile et migrants subsahariens, hommes, femmes et mineurs. Des centaines de personnes ont, depuis, bénéficié d'une assistance psychologique et financière.
Abdellatif Benhadad est chargé de l'équipe psychologique chez la Fondation Orient Occident. De part sa fonction, il a déjà eu affaire à des femmes migrantes et des mineurs non accompagnés qui ont fait état d'exploitation sexuelle.
«Nous avons reçu des femmes qui ont déclaré avoir été victimes de viol durant le trajet, avant l'arrivée au Maroc ou à la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Parfois, ce sont des accidents de route. Mais on a eu des témoignages de femmes qui ont été victimes d'un réseau organisé», lance d'emblée M. Benhadad. Et d'ajouter : «Ces femmes se prostituent parfois sur ordre du chef du réseau pour payer les frais de passage des différentes frontières. Parfois, elles le font pour s'acquitter du prix du voyage entre le pays d'origine et le Maroc. Elles restent sous l'emprise du réseau jusqu'à l'arrivée à Rabat ou Casablanca. Nous avons recueilli des témoignages de femmes qui sont restées sous l'emprise du réseau, plusieurs mois après leur arrivée au Maroc. Elles sont exploitées sexuellement et c'est le patron du réseau qui reçoit l'argent. C'est lui qui s'occupe du paiement du loyer, de l'alimentation et de l'achat des affaires personnelles…».
Sous l'emprise de la communauté…
Selon M. Benhadad, la majorité des victimes sont originaires du Nigéria, même si l'on retrouve des ressortissantes d'autres pays d'Afrique subsaharienne. «La communauté nigériane a ses propres codes. Les migrants sont gérés à partir du pays et continuent à l'être une fois au Maroc. Sur le terrain, nous avons remarqué qu'il y avait des foyers où vivent plusieurs femmes et un seul homme», ajoute M. Benhadad. Pour avoir reçu bon nombre de femmes victimes de réseaux, le personnel de la Fondation s'est fait une idée assez précise sur ces réseaux qui s'activent dans l'exploitation sexuelle des migrantes. Il s'agit, selon les termes de M. Benhadad, de réseaux de second ordre, pris en charge par la communauté. Des femmes-marchandises qui sont transférées d'un pays à l'autre, d'un endroit à l'autre. Parfois, elles ne sont même pas conscientes du fait qu'elles soient exploitées. «Nous avons recueilli des témoignages de migrantes qui étaient exploitées dans la prostitution. Elles croyaient qu'elles ne pouvaient pas sortir de la maison au risque d'être refoulées. Elles ne touchaient pas à l'argent et c'est le patron qui leur achète leurs affaires ou leur nourriture…», explique M. Benhadad.
Au fait, on trouve de tout : des femmes qui ignorent ce qui se passe autour d'elles, qui sont sous l'emprise de la communauté, qui ont peur des autorités, qui manquent de confiance… Quand au centre d'accueil de la fondation, une victime de la traite ou de l'exploitation sexuelle est identifiée, un processus prend place automatiquement. «Après l'interview, on passe à l'étape du certificat légal médical. Ensuite, on démarre la procédure juridique. On pense tout d'abord à assurer la protection de la victime, à l'isoler de son entourage. Si on identifie le réseau, on porte plainte chez la police même si en général les victimes refusent d'aller témoigner au commissariat», souligne M. Benhadad. Les autorités optent pour la confrontation directe entre la victime et son bourreau. Ce qui est loin d'être une solution idéale pour une femme victime de la traite. En 2014, la fondation a enregistré 10 plaintes chez la police pour différents types d'exploitation dont deux concernent des victimes de réseaux de traite. «Nous disposons de quatre espaces que l'on met à la disposition de mineurs ou de femmes victimes de tous types de violence, y compris des personnes exploitées par des réseaux. Par ailleurs, on travaille sur la réinstallation dans un autre pays en collaboration avec le HCR, quand la vie du migrant est en danger», conclut M. Benhadad.
Antonia Carrion est une sociologue spécialisée dans la migration. Dans le cadre d'une évaluation du programme de retour volontaire des migrants vers les pays subsahariens, une commande de l'Organisation internationale de la migration (OIM), elle a recueilli plusieurs témoignages de femmes victimes de traite. «Je suis parti à la rencontre de ces femmes victimes de réseaux, devenues libres par la suite et qui n'avaient donc plus peur de parler. Je suis allée à Benin city dans la province d'Edo au Nigéria. Là-bas, la traite est un problème national», lance d'emblée la chercheuse. Ces réseaux utilisent le Maroc comme pays de transit puisque la destination finale des femmes, ce sont les bordels de l'Europe. «On retrouve des femmes qui ont été recrutées par le réseau en Europe pour se prostituer. Mais elles sont loin d'imaginer les conditions d'exploitation et les conditions de travail. Les femmes sont utilisées comme monnaie pour passer les différentes frontières. Elles peuvent également être achetées par d'autres réseaux», explique Mme Carrion. Des témoignages qui sont corroborées par le rapport de Médecins sans frontières (MSF) de 2013 : «Bloqués aux portes de l'Europe». «Les réseaux de traite de personnes, qui attirent des femmes pour les vendre comme esclaves sexuelles en Europe, opèrent le long des routes migratoires ainsi qu'à l'intérieur du Maroc… L'information fournie par nos patients révèle le haut risque de violences sexuelles existant durant le processus migratoire, avec des survivantes violées et soumises à d'autres formes de violences sexuelles par de nombreux agresseurs dans leur pays d'origine, durant le voyage et au Maroc», peut-on lire dans cette étude. Le rapport contient aussi des témoignages de victimes de ces réseaux. Marie, 30 ans, raconte : «On nous a abandonnés dans le désert et nous avons dû marcher pendant sept heures pour arriver à Tamanrasset. Les hommes, là-bas, ils te prennent pour un chien, matin, midi et soir, ils font du sexe avec toi tout le temps. Ils te frappent, font ce qu'ils veulent. Si tu ne veux pas, ils te laissent t'en aller et la police vient te chercher». Ou encore Beauty, 32 ans : «Il a mis sa main sur ma bouche et il m'a violée… Alors un autre est venu et il m'a violée aussi. Ils l'ont fait à plusieurs reprises, deux personnes, chacune à son tour. J'étouffais et j'ai perdu connaissance…» De 2010 à 2012, MSF a traité 697 survivants de violences sexuelles au Maroc, y compris 122 à Oujda et 575 à Rabat.
Les réseaux des "Madame"
D'après MSF, «environ 35% des survivants de violences sexuelles assistés par MSF entre 2010 et 2012, ont été victimes de réseaux de la traite d'êtres humains. Pour la plupart des femmes et des jeunes filles, ces patientes sont particulièrement vulnérables car elles ont peu ou aucun contrôle sur leur santé sexuelle et reproductive, elles ont une liberté de mouvements limitée et souvent elles sont retenues et sujettes à une constante exploitation et à des violences sexuelles, physique et psychologique».
A Casablanca, Reuben Yemoh a longtemps milité au sein d'associations afin de venir en aide aux migrants en situation de précarité. «Les réseaux de traite sont très actifs au Nigéria. A la tête de ces structures, on retrouve en général d'anciennes victimes d'exploitation. On les appelle les Madame», explique M. Reuben, également artiste. Avant d'ajouter : «Les réseaux importants, on ne les voit pas. Ils sont actifs entre l'Afrique subsaharienne et l'Europe. Ils passent par le Maroc, mais ne laissent pas de trace. Au Maroc, les femmes victimes de traite dépendent de petits réseaux. Ce sont des femmes qui ont été exploitées durant tout le trajet vers le Maroc. La plupart de ces femmes proviennent du Nigéria, des villages pauvres de la province d'Edo. Avant de prendre la route vers l'Europe, via le Maroc, la jeune femme se soumet à un rituel vaudou où elle doit promettre qu'elle ne va jamais dénoncer son patron». D'après Reuben, les choses se sont améliorées depuis l'opération de régularisation exceptionnelle qui a pris fin le 31 décembre dernier. «Les migrants ne veulent plus vivre dans l'illégalité. Si on leur donne la possibilité de travailler, ils abandonnent toute activité illicite. Même si des réseaux continuent à s'activer dans l'exploitation sexuelle des migrantes, mais aussi pour ramener des personnes pour travailler dans la mendicité ou comme femmes de ménage», conclut M. Reuben.
Même son de cloche du côté de la plate-forme de protection des migrants : les associations font part de cas de traite et d'exploitation des femmes. «On a constaté le cas de femmes de ménage qui viennent travailler au Maroc. Ils voient leurs passeports confisqués par leurs employeurs et sont soumis à une exploitation professionnelle», explique une assistante sociale dans une des associations de la plate-forme. Mais comment savoir si des femmes sont exploitées par un réseau ou pas ? «Quand on les reçoit, elles sont toujours accompagnées. Elles sont parfois malades, à la recherche de soins médicaux, parfois de nourriture ou de vêtements. Mais on ne peut pas aller plus loin dans la conversation puisque même quand on parvient à leur parler en privé, les membres du réseau sont dans la salle d'attente. C'est parfois un cousin, un membre de la communauté ou un tuteur», ajoute l'assistante sociale. Les victimes font part de séquestration, violence physique, violence sexuelle, des menaces ou encore de la confiscation de documents. Quand elle fait face à une victime de traite ou d'exploitation sexuelle, l'assistante sociale la réfère au HCP ou à l'OIM, des structures qui ont plus de moyens pour prendre en charge ce genre de profil. «Dernièrement, on a remarqué l'arrivée en masse à Rabat de garçons mineurs guinéens. On se demande légitimement s'il n'y a pas de réseau derrière?», s'interroge l'assistante sociale.
A la Fondation Orient Occident, si on ne veut pas minimiser la portée du problème des victimes de traite, on tient toutefois à préciser que ces dernières ne représentent qu'une infime partie de la communauté des migrants subsahariens.
«Il y a des réseaux de trafic de Subsahariens, de Marocains, parfois des réseaux mixtes. Mais, la plupart des Subsahariens en situation irrégulière sont des demandeurs d'aide. Ils ont besoin de notre protection», conclut M. Benhadad.


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