C'est presque un plébiscite et on pouvait imaginer l'émotion du ministre de l'Intérieur, Taib Cherkaoui, proclamant, vendredi dernier et tard dans la soirée mais aussi samedi matin, de manière solennelle, les premiers résultats officiels mais partiels et provisoires du scrutin référendaire. Selon les premiers chiffres, sur les 13 millions de Marocains inscrits sur les listes électorales, 9.881.922 ont accompli leur devoir civique, soit un taux de participation de 73,46%. Comme il fallait s'y attendre, le «OUI» a recueilli 9.653.492 voix, soit 98,50 %. Le dépouillage ne concerne pour le moment que 94 % de l'ensemble des bureaux de vote à l'échelle nationale, mais déjà la tendance se dégage, en attendant les chiffres des bureaux de vote extérieurs où près de 2,5 millions des concitoyens ont été appelés à s'exprimer aussi au niveau de 520 bureaux de vote installés dans les ambassades et consulats marocains à l'extérieur. Toujours selon les chiffres provisoires, hors les MRE annoncés par le département de l'Intérieur, on a dénombré 81.712 bulletins nuls, alors que le «NON» a recueilli moins de 2% de l'ensemble des suffrages exprimés. Le taux de participation, principal enjeu du scrutin est assez marquant. En se mobilisant à plus de 72%, les Marocains ont ainsi exprimé non seulement leur adhésion à la nouvelle Constitution, mais aussi et surtout le degré de leur mobilisation pour accompagner le processus de réformes politiques engagé depuis le discours royal du 9 mars dernier. Taux lourd de sens C'est surtout en milieu rural et principalement dans les provinces du Sud que le taux de participation a été des plus élevés. La région de Oued Eddahab-Lagouira arrive en tête, avec un taux de l'ordre de 92,19%, suivie par celle de Guelmim-Smara, avec 86,76 % et de Laâyoune-Boujdour-Sakia Al Hamra avec 84,05%. Parmi les régions où le taux a été moins significatif comparé à la moyenne nationale, on retrouve le Grand Casablanca avec 57,17% et celle de l'Oriental où le taux s'est établi à 63,99%. De l'avis du président du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), Driss El Yazami, «le taux de participation au référendum constitutionnel, tel qu'il a été annoncé, constitue un tournant décisif dans l'histoire du Maroc». Cet avis est partagé par tous les experts universitaires et personnalités politiques, qui voient à travers ce vote massif et net des Marocains, une réelle prise de conscience des enjeux et défis démocratiques du nouveau Maroc. Transparence Le scrutin, qui a requis 320.000 agents électoraux au niveau des 39.969 bureaux de votes, s'est déroulé dans des conditions de transparence totale. Sous la supervision du Conseil national des droits humains, 233 observateurs se sont rendus au niveau de 641 bureaux de vote répartis sur les différentes régions du pays et 536 journalistes ont été accrédités pour couvrir l'évènement, dont 169 étrangers. Taib Cherkaoui a profité de la conférence de presse pour délivrer quelques chiffres relatifs à la campagne électorale qui a précédé le scrutin. Selon le ministre de l'Intérieur, la révision exceptionnelle des listes électorales générales a permis l'inscription de plus de 1,10 million de citoyens sur les listes électorales. Après l'établissement définitif des listes électorales générales et leur traitement informatique, le corps électoral national s'élève à 13.106.948 électeurs, dont les 30% sont des jeunes de moins de 35 ans. Concernant l'opération de retrait et de distribution des cartes électorales, qui s'est poursuivie jusqu'au jour du scrutin référendaire, elle a permis, à la date du 30 juin, le retrait de 95% des cartes d'électeurs. Lors de la campagne référendaire, près de 4.392 activités ayant mobilisé plus de 3.386.000 participants ont été effectuées par les différents institutions et partis politiques, structures associatives, professionnelles et syndicales, qui se sont déclarées en faveur du projet constitutionnel. Ceux qui ont préféré le boycott ont eu droit à quelques manifestations publiques et distributions de tracts. Selon les chiffres officiels, les partisans du boycott ont tenu près de 168 activités pour 16.000 personnes mobilisées, chiffre que contesteront certainement les organisateurs. Avec cette épreuve démocratique, le Maroc poursuit donc son processus de réformes, qui connaîtra une nouvelle dynamique. Les prochaines étapes seront tout aussi cruciales et avec les conditions de transparence et de sérénité dans lesquelles s'est déroulé ce scrutin, les Marocains ont la garantie de pouvoir s'exprimer librement lors des prochaines consultations électorales. En attendant les MRE Le vote qui s'est effectué sur trois jours concerne près de 2,5 millions de Marocains, soit plus e 15 % des votants. Outre les consulats le plus proches des lieux de résidence, les MRE qui étaient en transit pour rejoindre le Maroc en ce début d'été avaient également la possibilité d'exprimer leur opinion dans des bureaux de vote mis en place dans des grands ports européens, tels qu'en France dans le port de Sète, ou encore dans les ports espagnols d'Algesiras et d'Almeria. Les bulletins des 520 bureaux de référendum qui ont été mis à la disposition des MRE devraient être dépouillés hier après 19 heures et devront être pris en compte par le Conseil constitutionnel avant sa décision définitive. La forte affluence qui a été surtout remarquable au sein de pays d'accueil comme la France et la Belgique dénote de l'intérêt porté désormais par les Marocains du monde pour la vague de renouvellement des élites politiques et économiques suggérée par la nouvelles Constitution. Les nouvelles règles constitutionnelles permettront aussi aux MRE d'intégrer les partis politiques marocains qui devraient voir dans les immigrés marocains une ressource supplémentaire pour l'élargissement de leurs bases. Les principales formations présentes au Parlement ne doivent pas prendre à la légère la contribution des MRE au renouvellement des cadres des partis classiques. Ce sera un test pour mesurer le degré d'ouverture que les politiciens marocains seraient près d'atteindre.