C'est l'un des secteurs qui tourne à plein-régime, grâce aux chantiers de reconstruction post-séisme dans le Haouz et à ceux de la CAN 2025 et du Mondial 2030. Mais le BTP souffre actuellement d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée abordable, en raison, entre autres, du retard sur la formation. «Notre véritable défi actuel est de trouver des gens qualifiés sans véritablement alourdir les charges de personnel». Ces mots sont de David Toledano, président de la Fédération des industries de matériaux de construction (FMC). Il pointe ainsi l'une des réalités partagées actuellement par la plupart des entreprises actives dans les chantiers de construction au Maroc : une pénurie de main-d'œuvre abordable, mais aussi qualifiée. Cette pénurie s'explique par la très forte sollicitation des entreprises du BTP dans les grands chantiers qui se multiplient à tous les niveaux. De la reconstruction post-séisme dans le Haouz, à ceux des infrastructures sportives dans le cadre de la CAN et du Mondial 2030, le secteur national du BTP est fortement impliqué. D'ailleurs, selon le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, le secteur du BTP a généré 52.000 opportunités d'emploi au cours du premier trimestre 2025. Quant au Haut-commissariat au Plan (HCP), il estime ce nombre à 90.000 postes entre les troisièmes trimestres 2024 et 2025, suite à une hausse de 66.000 en milieu urbain et de 25.000 en milieu rural, ce qui se répercute par une hausse de 7% du volume d'emploi dans ce secteur. 70.000 emplois par an Avec ces chiffres, on se rapproche, ou peut-être même dépasse les pronostics du ministère de l'Emploi. En effet, Younes Sekkouri, ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, avait probablement vu juste en annonçant, dès le mois de mars 2024, que le secteur du BTP pouvait créer jusqu'à 70.000 emplois par an à l'horizon 2030. Il faut noter que sur la seule année dernière, plusieurs départements ministériels s'étaient réunis pour inciter les acteurs du BTP à être prêts, afin de profiter des marchés estimés à 64 MMDH. Ce chiffre en dit long sur l'importance de ce secteur stratégique dans le court et le moyen terme, sachant qu'il représente déjà quelque 6% du PIB. Le programme d'urgence de reconstruction des zones sinistrées, suite au séisme d'Al Haouz, avec un budget de 120 MMDH, continue de maintenir une intense activité dans le BTP, sachant que cette phase de reconstruction est étalée jusqu'à 2029. Formation Toutefois, là où l'attention n'avait pas été attiré, c'est l'absence d'un nombre suffisant de capital humain pour répondre à la forte demande. «Pour que ces opportunités d'emploi se concrétisent, il est nécessaire d'avoir une formation de haut niveau dans le domaine du bâtiment et des travaux publics», insistait d'ailleurs le ministre Younes Sekkouri. Il faut noter que des efforts avaient commencé à être faits. C'est dans ce contexte que, dans le Nord du Maroc, à Martil, le gouvernement a lancé l'Institut spécialisé dans les métiers du BTP (ISMBTP). Doté d'une capacité de 360 places pédagogiques, l'institut garantira une offre de formation diversifiée en sept filières. Il s'agit de cinq filières diplômantes couvrant les métiers du génie civil, du bâtiment, de l'électricité d'installation, de menuiserie et de plomberie-chauffage. Il dispense également deux formations qualifiantes en maçonnerie polyvalente et menuiserie d'aluminium, sanctionnées de certificats de formation. La réalisation de cet institut a nécessité une enveloppe budgétaire de 36 MDH. Perspectives En dehors de l'aspect formation, l'autre défi du secteur réside dans la montée en autonomie dans les matériaux de construction. Et ce, dans un contexte de perturbation récente des flux commerciaux et de risques d'inflation de certaines matières premières, en raison des conflits géopolitiques à travers le monde. Cette autonomie facilitera le retour en grâce de ce secteur qui a perdu, ces dernières années, une bonne partie de ses fleurons, poussés dans la banqueroute au lendemain du covid-19, sans parler d'une concurrence étrangère extrêmement destructrice durant cette dernière décennie. Enfin, l'autre défi porte sur la pérennité et la qualité des milliers emplois qui seront créés pour ce secteur encore gangrené par l'informel et la précarité. Mais, avec les chantiers du Mondial qui vont s'accélérer dès la fin de la CAN dans plusieurs grandes villes, tout porte à croire que, durant les prochaines années, le BTP sera l'un des secteurs qui devraient être épargnés par la crise. Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO