Privé de sacre depuis 1976, le Maroc aborde cette CAN à domicile avec l'intention de mettre fin à cette disette. Favoris parmi les favoris, les Lions de l'Atlas devront cependant se méfier d'un statut qui leur a souvent joué de bien mauvais tours par le passé. Souvent annoncé, mais jamais sacré. C'est la cruelle conclusion des participations du Maroc à la Coupe d'Afrique des Nations de football depuis la victoire de la bande à Faras et Baba en Ethiopie lors de l'édition de 1976. Depuis, l'Mountakhab n'a foulé le podium de la compétition qu'à deux reprises : en 1980 au Nigéria, où la sélection a fini troisième, et en 2004, où les Lions avaient échoué en finale face au pays organisateur. Après le crève-cœur tunisien, l'équipe nationale n'a plus été aperçue au-delà des quarts de finale, et au vu du potentiel sur le papier, une telle disette frise l'anomalie. Garder la coupe à la maison (cette fois) Quoi de mieux qu'une CAN à domicile pour réconcilier l'équipe fanion du Maroc avec la victoire ? Il faut dire que l'unique tentative dans l'histoire du tournoi s'était soldée par une autre désillusion. En 1988, les Krimau, Bouderbala, et autres Dolmy, s'inclinaient en demi-finale (0-1) contre le Cameroun de Makanaky, futur vainqueur, puis contre l'Algérie aux tirs au but lors du match de classement. Cette année-là, le Maroc terminait hors du podium ce qui devait être «SON» tournoi. 37 ans plus tard, les raisons d'y croire sont nombreuses. Il y a d'abord le fait que les compétitions à domicile ont bien souri à d'autres catégories d'équipes nationales dans un passé très récent. En 2018, c'est bien à domicile que les Lions A' ont décroché leur premier sacre en Championnat d'Afrique des nations (CHAN). Aujourd'hui, ils détiennent le record de titres dans le tournoi (3). Plus récemment, les Lionceaux U17 et U23 ont également pu bénéficier de la baraka de jouer à la maison en remportant leurs premiers sacres lors des CAN de leur catégorie, respectivement en 2023 et 2025. C'est dire à quel point évoluer face à son public peut avoir un effet bénéfique. Hors de nos frontières, il ne faut pas aller chercher loin dans le temps. La Côte d'Ivoire, tenante du titre, a soulevé son dernier trophée lors de l'édition qu'elle organisait. «C'est toujours plus simple de jouer à domicile, dans ton élément, bien entouré, face à tes supporters. Pour une nation comme la nôtre qui n'a pas remporté la CAN depuis pratiquement 50 ans, c'est une occasion en or», reconnaît Nassim El Kerf, journaliste sportif. L'étiquette de favori comme talisman ? De l'avis de nombreux observateur le Maroc est clairement favori pour cette CAN. Certes, son palmarès ne plaide pas pour lui, mais c'est justement parce que les signes sont ailleurs. Sur la dynamique des derniers mois, la forme affichée par les Lions de l'Atlas en fait l'équipe en forme du moment sur la planète foot. Premiers de la zone Afrique au classement FIFA, les hommes de Regragui restent en effet sur une impressionnante série de 18 victoires consécutives, ce qui constitue un record absolu. Désormais, la question est de savoir s'ils ont la capacité de conserver ce momentum, et – plus important – de le transformer en cycle vertueux jusqu'à un sacre. «C'est vrai que jouer en tant que favori ne nous réussit jamais. On est mieux en outsiders. Mais maintenant, nous sommes favoris naturels, et le plus important, c'est que ces joueurs se concentrent sur le fait que, favoris ou pas, ils ont une seule mission : remporter la CAN», analyse encore El Kerf. Si les Lions peuvent trouver de l'inspiration dans les succès récents de leurs cadets à domicile, cela pourrait aussi en rajouter aux attentes, vu leur histoire compliquée avec le tournoi. «S'agissant d'une compétition qui ne nous réussit pas trop, nous avons une vraie pression supplémentaire pour remporter cette CAN», relève notre interlocuteur, qui espère que les hommes de Regragui sauront tourner cette pression à leur avantage lors du tournoi. Et pour se faire, quoi de mieux qu'un groupe déjà rodé et homogène ? C'est justement ce qui caractérise la liste des joueurs retenus pour disputer la compétition. Sur les 28 joueurs (réservistes inclus) appelés, 12 étaient présents lors de l'épopée héroïque qui a vu le Maroc atteindre le dernier carré de la Coupe du monde. Cela représente 43% de l'effectif de la CAN trois ans plus tard, ce qui peut être un facteur positif, si l'on associe la dynamique actuelle au fait que le groupe a gagné en maturité et en vivre-ensemble. Si Regragui reconnaissait récemment que «la liste idéale n'existe pas», il soulignait que celle-ci «est le fruit d'un travail de réflexion mené depuis plus d'un an et demi», et qu'elle reposait principalement sur des critères tels que «la cohésion du groupe, la maîtrise du système de jeu, la dynamique du vestiaire et les exigences du haut niveau, tout en tenant compte de la forme du moment». Pour Nassim El Kerf, sur le papier, le groupe actuel n'est peut-être pas plus fort que celui que Regragui avait amené au Qatar, mais «il est plus expérimenté et a acquis beaucoup plus de maturité avec les matches. Le groupe vit bien, et c'est une particularité de Regragui qui est proche de ses joueurs». Dans une compétition comme la CAN, cela pourrait valoir son pesant d'or. Regragui sous pression ? L'autre réalité de ce tournoi, c'est que le poids des attentes ne reposera pas que sur les épaules des joueurs. Walid Regragui se sait très attendu chez lui. Certes, il y a les belles promesses nées de son parcours au Qatar, mais il y a surtout la pression d'avoir vu ses collègues des autres catégories garnir l'armoire à trophées avant lui. «Les autres sélectionneurs ont réussi à remporter au moins un titre, donc il est sous pression», confirme Nassim El Kerf. Le technicien de 50 ans joue probablement son avenir sur le banc lors de ce tournoi. Ce qui ne sera pas sans pression pour lui. Mais celle-ci a ceci de magnifique qu'elle peut transformer la pierre en poussière ou en diamant. Pour Regragui et les siens, c'est la CAN 2025 qui servira de révélateur. Darryl Ngomo / Les Inspirations ECO