Dans le sillage des mutations qui s'opèrent au niveau de la sphère économique nationale, l'université marocaine semble enfin avoir trouvé sa voie. Celle d'un opérateur de premier plan agissant principalement, en amont, pour l'aspect formation mais aussi, en aval, pour appuyer les entreprises nationales dans leurs efforts de recherche, développement et innovation. Un double objectif qui s'appuie sur un dénominateur commun, celui de combler le besoin, en ressources humaines qualifiées pour le besoin des grands chantiers nationaux lancés par le royaume dans le cadre de la dynamique d'émergence économique à l'horizon 2020. Les ambitions patronales à ce sujet sont, en tout cas, assez ambitieuses puisque d'ici l'échéance fixée le Maroc aura un besoin, en termes d'emplois additionnels, de l'ordre de 2,5 à 3 millions de postes afin de porter et de stabiliser la croissance nationale à un rythme annuel de 6,5% selon les prévisions déclinées tout dernièrement par la CGEM. Un défi qui nécessite bien des moyens et sur lesquels les principaux acteurs planchent actuellement, afin de définir les pistes permettant une adéquation entre objectifs et moyens. Au cœur des préoccupations, le fort potentiel que constitue la jeunesse marocaine et particulièrement les étudiants, qui incontestablement seront les futurs cadres de demain et donc le moteur de l'économie nationale. C'est ce qui justifie le récent regain d'intérêt pour ces jeunes par les pouvoirs publics, mais aussi par les institutions privées et autres partenaires associatifs. Et au cœur du dispositif, l'université hérite d'un rôle prépondérant qui se traduit sur le terrain par une matérialisation, de plus en plus palpable, du mouvement de rapprochement entre l'université et les entreprises. Un vœu assez vieux, porté par le souci d'une ouverture de l'université sur son monde, afin qu'elle soit véritablement partie prenante dans l'effort de développement national. L'objectif à ce niveau est de favoriser l'émergence d'une race de jeunes entrepreneurs capable de relever les défis du Maroc de demain, «le Maroc moderne». Un but qui ne saurait être atteint sans un cadre propice à l'émergence d'une véritable culture entrepreneuriale chez nos jeunes dont les attentes à ce sujet vont de pair avec les ambitions. Selon l'enquête que vient en effet de livrer le département de la Jeunesse sur le besoin de cette frange importante de la population, 52% des jeunes marocains ambitionnent de créer leur propre entreprise, contre 32% qui se destinent à la fonction publique et seulement 17% envisagent d'intégrer le privé. Ce qui démontre, si besoin est, l'intérêt que suscite la profession entrepreneuriale chez les jeunes. Il importe alors, pour joindre l'utile à l'agréable, de développer cet esprit, mais aussi et surtout de créer les conditions nécessaires pour un accompagnement fiable et producteur. La question était d'ailleurs au centre des discussions de la deuxième édition de «L'Entrepreunariale» de l'Université Hassan II de Casablanca, un évènement qui s'est tenu la semaine dernière et qui a conjointement été organisé avec la CGEM et la Fondation du Groupe Banque Populaire pour la création d'entreprise (FBP/CE). Elle sera également au cœur d'une conférence qui se tiendra, ce jeudi, toujours à Casablanca, sous l'égide du Club Entreprendre. Un partenariat complémentaire Traditionnellement, le rôle de l'université était cantonné à la formation des étudiants. Cependant, comme l'a souligné le président de l'université Hassan II de Casablanca, Jaâfar Khalid Naciri, depuis l'adoption, en 2000, de la charte de l'éducation, l'accent a été plus mis sur «le capital étudiant». Il ne s'agit plus de former les jeunes dans l'optique de la validation d'un diplôme, mais faire du cursus universitaire un tremplin pour une insertion professionnelle réussie. Si l'université a un rôle majeur à jouer en matière d'enseignement, les entreprises marocaines ont également une responsabilité à gérer, celle de stimuler l'esprit des jeunes en créant les conditions idoines pour une certaine immersion dans le domaine complexe de l'entrepreneuriat. Un processus qui ne saurait être le fruit du seul enseignement universitaire, puisqu'il nécessite une batterie de mesures d'accompagnement. Et à ce niveau, le décor semble déjà planté avec toute une panoplie d'initiatives qui entrent dans la droite ligne du contexte socioéconomique national actuel. Outre le dispositif national mis en place par l'Etat, certes embryonnaire (Moukawalati, interfaces universitaires) et les autres partenaires (CDJ, Maroc Innovation, SIFE, ...), de nouveaux programmes sont en cours de validation afin de donner plus de sens aux relations entre entreprises et universités. Dans le cadre du pacte national pour l'emploi, en cours d'adoption, la CGEM entend justement insuffler une nouvelle dynamique dans le même sens afin que la pépinière universitaire puisse être exploitée à son maximum. Selon le vice-président de la commission relations avec les universités au sein du patronat, Azeralab El Harti, «un cahier des charges sera signé entre les deux parties afin que les attentes des deux parties soient réellement prises en compte». Pour la CGEM, elles se résument pour l'essentiel à un besoin en compétences qualifiées, alors que du côté des universités on s'attend à ce que les entreprises nationales puissent servir d'incubateur aux étudiants afin de créer les opportunités de nature à servir de complément à la formation théorique par une immersion dans le marché du travail. Même son de cloche du côté du ministère de la Jeunesse où un contrat-programme est également à l'étude, en vue de tenir compte de cette dimension entrepreneuriale, dans le cadre de la future politique nationale intégrée en faveur des jeunes. Synergies pour un écosystème viable Si la convergence des réflexions en faveur du développement de l'esprit entrepreneurial chez les jeunes comme pilier de la stratégie d'émergence économique ne souffre d'aucune ambigüité, il reste cependant à définir les stratégies idoines. Et à ce niveau, si les questions liées au financement et aux mesures d'accompagnement ont commencé à trouver des éléments de réponse, c'est sur la structure des entreprises à créer que se posent encore de multiples défis. Un constat à ce stade, c'est que dans leur majorité les expériences pilotes et autres programmes mis en œuvre ont relevé une tendance à l'option PME/PMI. Or, dans une économie de marché et donc ouverte sur le monde, l'aspect viabilité économique des futurs projets n'est pas à négliger. De l'avis d'un expert, cette structure n'est pas de nature à permettre une réelle compétitivité de notre économie, surtout face à l'assaut des multinationales étrangères. L'institution de la culture entrepreneuriale chez les jeunes, et particulièrement comme une valeur essentielle au niveau de l'éducation et de la formation, devrait donc tenir compte de cet aspect afin qu'à terme soit instauré un écosystème viable permettant l'ancrage de l'esprit d'entreprise, dans toutes ses dimensions, comme une valeur sociétale. Et c'est là un autre défi à relever, celui d'une utilisation optimale des compétences formées au sein des établissements universitaires et de formation professionnelle. Y.A.B