Les Echos : Vous avez signé récemment un contrat avec Nareva pour la construction d'une ferme éolienne à Akhfenir. Quelle est la prochaine étape de ce projet ? Thierry de Margerie : Deux éléments conditionnent la mise en œuvre de ce contrat. Primo, que Nareva boucle le financement de son projet, ce qui devrait normalement intervenir dans les prochaines semaines. Secundo, que les décrets d'application de la loi 13-09 (ndlr : qui permet à des producteurs indépendants de vendre de l'énergie directement à des industriels) soient publiés, ce qui est également imminent. Le potentiel annoncé du site d'Akhfenir est de 200 MW. Vous n'en construisez que pour 100 MW. Y aura-t-il des extensions à l'avenir ? Certainement, mais cela relève de Nareva. Nous ne sommes pour l'heure signataires que d'un contrat portant sur une capacité de 100 MW. S'agissant d'énergie, quelle est la situation de tous les projets dont Alstom à la charge au Maroc ? Nous gérons actuellement des activités de maintenance et de réhabilitation pour le compte des centrales de Jorf Lasfar et de Mohammédia. Nous sommes également en phase de livrer la centrale hydroélectrique d'Afourer. Nous avons déjà livré les grands équipements de la centrale thermosolaire de Aïn Béni Mathar. Cette structure est en cours d'achèvement et elle devrait être opérationnelle d'ici l'été prochain. Et vos futurs projets dans l'énergie ? Nous avons répondu aux appels d'offres pour l'extension des centrales de Jorf Lasfar et de Safi. Pour le premier projet, il y a deux groupements de sociétés dont les propositions de prix sont à l'étude : le japonais Mitsui et le sud-coréen Daewoo d'une part et Alstom ainsi que ses partenaires d'autre part. Néanmoins, l'émirati Taqa, qui est concessionnaire de la centrale de Jorf Lasfar, semble pour l'instant opter pour l'offre de nos concurrents, puisque des négociations ont déjà été entamées. S'agissant de la Centrale de Safi, deux groupements ont transmis leurs offres : le premier est constitué par Nareva et l'anglais International Power, qui ont désigné Alstom comme ensemblier industriel. Le second groupement est formé principalement par le français EDF et le chinois Datang. L'ONE est en train de comparer ces deux offres. Je rappelle qu'il s'agit pour les deux projets de centrales à charbon nécessitant des investissements très lourds. L'unité de compte est le milliard de dollars. D'autres appels d'offre en vue ? Deux projets de centrale hydroélectrique devraient être lancés par l'ONE dans le courant de l'année à Abdelmoumen et à MedZ. L'Office est actuellement en consultation avec des conseillers techniques pour la préparation de ces appels d'offres. Une fois ceux-ci lancés, Alstom sera candidat. Et l'énergie renouvelable ? Nous sommes pleinement positionnés pour accompagner le Maroc dans sa politique qui est de réserver une part très importante aux énergies renouvelables hydroélectrique et éolienne à moyen terme et solaire à plus long terme. S'agissant de cette dernière source, nous déclarerons notre intérêt le moment venu pour la centrale solaire de Ouarzazate, qui devrait satisfaire à un processus de préqualification avant d'en venir aux appels d'offres. Quelle lecture faites-vous de la politique du Maroc en matière d'énergie renouvelable ? Jusqu'à maintenant, le Maroc a dû importer l'essentiel de ses ressources énergétiques. Se lancer dans un projet pour en générer est le bon sens même. J'observe que le Maroc a même poussé cette ambition au maximum, puisque l'objectif affiché est que les énergies renouvelables représentent 42% de la capacité installée en 2020. C'est probablement l'un des taux les plus élevés au monde. Mais l'absence de subvention étatique ne constitue-t-elle pas un frein ? Certainement pas. Le modèle économique à développer peut tout à fait s'appuyer sur le dispositif du crédit carbone mis en place en Europe. À cette manne s'ajoute le financement privé. En effet, ses acteurs ne peuvent qu'être intéressés par une source d'énergie dont le prix est constant, par opposition aux énergies fossiles dont le prix est très fluctuant, surtout qu'habituellement l'énergie pèse considérablement dans le coût de revient. Qu'en est-il de vos chantiers dans le transport ? Pour le tramway de Rabat, les véhicules vont être livrés en continu tout au long de l'année en cours. Ils sont en phase d'essai au même titre que les autres composantes du système que sont l'alimentation électrique, la signalisation, la voie... La mise en service effective est prévue pour début 2011. Je rappelle par ailleurs que l'appel d'offres pour désigner l'exploitant du tramway a déjà été lancé. Deux opérateurs sont en lice : Véolia et Transdev. Pour ce qui est du tramway de Casablanca, nous sommes en train de finaliser les conventions de financement. Mais avant même d'y parvenir, nous avons commencé à travailler sur le design avec les autorités... Le tramway de Casablanca aura un design propre qui sera conforme à l'identité de la ville. Les adjudicataires des appels d'offres pour les travaux d'infrastructure devraient être annoncés incessamment, sachant que les travaux de déviation du réseau d'eau, électricité, etc. ont déjà été entamés. Avec tout cela, la mise en service du tramway de Casablanca devrait intervenir le 12 décembre 2012. Pour ce qui est enfin du projet de TGV, Alstom a déjà remis son offre à l'ONCF et ses aspects sont en phase de discussion. Je rappelle que le contrat signé avec le Maroc en 2007 réserve à Alstom la fourniture de matériel roulant et désigne un fournisseur français pour le volet électromécanique, la gestion de l'alimentation électrique et la signalisation. La voie, tous les travaux de génie civil, les travaux sur les ateliers, les dépôts, ainsi que l'aménagement des gares sont dévolus à la concurrence internationale. Avez-vous d'autres marchés dans le viseur en termes de transport ? Quand les tramways de Rabat et de Casablanca ainsi que le TGV seront installés, il s'agira d'en faire la maintenance et cela nous intéressera nécessairement. Dans quelle mesure impliquez-vous le savoir-faire local dans l'exécution de vos marchés ? Il se trouve que les contrats récents décrochés par Alstom portent surtout sur la fourniture de matériel roulant pour lequel le Maroc ne dispose pas d'usine spécialisée. Mais l'on cherche à se rattraper au niveau de nos volumes d'achat opérés au Maroc. Entre 2008 et 2009 nous avons donc acquis localement pour près de 20 millions d'euros de matériel au titre de notre seule activité de transport. Sachant que pour notre activité d'énergie, toute la maintenance est opérée par des entreprises marocaines. Par ailleurs, nous nous fixons des objectifs plus ambitieux pour les années à venir. À titre d'illustration, le projet de TGV dans son ensemble, en incluant tous les travaux de génie civil, devrait être réalisé à 50% par des entreprises marocaines. Quel est le chiffre d'affaires d'Alstom Maroc ? Si l'on ne considère que notre activité de maintenance, qui représente l'essentiel de notre volume d'affaires récurrent, nous réalisons un chiffre annuel moyen de l'ordre de 20 millions d'euros. Alstom est annoncé comme repreneur de l'activité transmission et distribution d'électricité d'Areva. Quelles implications pour la filiale Maroc ? Nous serons en mesure de couvrir davantage de besoins exprimées par nos clients. Nous aurons donc la possibilité d'offrir à nos clients au Maroc des solutions intégrées comprenant de nouvelles prestations. Comment se portent les marchés mondiaux de l'industrie du transport et de l'énergie ? C'est en Europe et dans une moindre mesure en Asie et en Amérique du Nord que le transport continue de se développer de manière structurée. Il en est autrement dans l'énergie où les nouvelles capacités se retrouvent dans les pays émergents et notamment les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). D'autant plus que toutes les centrales existantes dans ces pays ont besoin d'être rénovées et d'être mises à un autre niveau de performance environnementale. À cela s'ajoute une part grandissante d'énergies renouvelables, en particulier dans les pays industrialisés. En somme, c'est aujourd'hui un marché bien réparti de par le monde.