Le deuxième attentat terroriste contre Smara ravive les appels à l'annexion de la zone tampon et à la fin des provocations du Polisario    Tombé en disgrâce, inaudible, John Bolton s'érige en avocat de l'Algérie et du Polisario dans un discours désaccordé aux accents de guerre froide    La revue des FAR retrace les temps forts militaires du printemps 2025    Trump dit qu'il ne "tolèrera pas" la poursuite du procès contre Netanyahu    L'Algérie vacille au bord de l'effondrement, entre crises internes et isolement diplomatique étouffant    La sécurité européenne : de la complaisance à l'action stratégique    Foot féminin: Le Maroc s'impose face à la Tanzanie    Mondial des clubs: Palmeiras qualifié pour les quarts en battant Botafogo    Le Maroc conclut un accord de transport routier avec l'Ukraine à Istanbul    Agadir: interpellation de deux ressortissants britanniques faisant l'objet de mandats d'arrêt internationaux    Saber Rebaï à Mawazine : Un concert joué à demi-salle    Amine Boudchart embrase Rabat : un triomphe populaire et une scène offerte à la jeunesse    Une délégation militaire française en visite à Rabat pour renforcer la coopération en formation, recherche et innovation en médecine militaire    Majida El Roumi submergée par l'émotion à Rabat adresse un message touchant au Roi Mohammed VI : « Notre amour pour le Maroc est un attachement unique »    Prépa. EN (f) U20 : Les Lioncelles s'imposent face au Bénin    Prépa. CAN (f) Maroc 24 : Les Sud-Africaines boycottent les entrainements !?    Réunion ministérielle UE-UA : Bruxelles dément avoir invité le Polisario    Interview avec Mohamed Birouaine : «La jeunesse marocaine de France, acteur majeur de la diplomatie citoyenne»    Benguérir : Interpellation de deux individus pour outrage à des policiers    Quads et buggys dans les plages : Dispositifs contre une menace meurtrière [INTEGRAL]    Exclusif : la Pologne envisage un éventuel appui au plan d'autonomie pour le Sahara    Tournoi international de futsal U17 Castro del Rio / J2 : Les Lionceaux maîtrisent l'Espagne    Casablanca accueillera la 3è Garden Expo Africa en octobre    Le ministre Abdelssamad Kayouh exhibe un selfie avec Recep Tayyip Erdoğan, au mépris de toute retenue protocolaire    Al Haouz : Nizar Baraka visite des projets hydrauliques    CHAN 2024 : le Maroc disputera son premier match contre l'Angola, le 3 août à Nairobi    La fédération sud-africaine de football étudie le modèle marocain pour refonder sa gouvernance financière    Rabat : Un membre de Daech arrêté par le BCIJ    Xi Jinping rencontre le Premier ministre sénégalais    Un ressortissant d'Afrique subsaharienne arrêté à Casablanca pour trafic présumé de cocaïne    Protection des élèves : les députés socialistes veulent rendre l'assurance scolaire obligatoire    Baccalauréat : Nouveau système électronique pour détecter la fraude    Le grand-père de la future patronne du MI6 était espion pour les Nazis, selon un média    Le modèle tarifaire unifié pour le gazoduc transsaharien Maroc-Nigeria au centre des réflexions    « MFM » lance « Face à Face », une nouvelle émission politique hebdomadaire    Marrakech accueille le Forum international de la jeunesse avec une large participation des pays du monde islamique    L'écrivaine marocaine Zineb Mekouar remporte le prix Henri de Régnier    Casablanca Music Week : Le gnaoua de Benchemsi et la furie de Hoba Hoba Spirit enchantent le public    Les prévisions du samedi 28 juin    À Rabat, une étudiante radicalisée acquise à l'idéologie de l'Etat islamique et qui préparait un grave projet d'attentat interpellée    Challenge N°975 : Du 27 juin au 3 juillet 2025    Le Maroc pourrait accueillir la plus haute roue du monde, alors que Madrid tergiverse    Fondation Hassan II : 960 enfants marocains du monde bénéficieront du camp culturel à l'été 2025    Islamophobie et racisme en France : Des étudiants d'une grande école de commerce brisent le silence    Algérie : 7 ans de prison requis contre l'historien Mohamed Belghit    L'actrice Kaoutar Boudarraja est décédée    Bounou, Diaz et Hakimi en 8èmes, le WAC bon dernier    L'Etat accorde plus de neuf millions de dirhams de subventions à 177 projets culturels en 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'oiseau bilingue de Ziri ibn Atiya
Publié dans Le Soir Echos le 28 - 12 - 2011

En septembre 994, une ambassade marocaine se présenta devant le maître de la Péninsule ibérique, le chambellan Ibn Abi Amir al Mansour. Elle lui était envoyée par son allié Ziri ibn Atiya, dit « al fartas », le teigneux, chef des Maghrawa. Parmi les présents, les chroniqueurs émerveillés notèrent, outre une girafe – morte durant la traversée du détroit, et empaillée – un « oiseau qui parlait l'arabe et le berbère »…
Mille ans plus tard, le nom d'Ibn Abi Amir al Mansour n'évoque plus grand-chose, celui de Ziri ibn Atiya rien du tout. Il est vrai que cette époque est morte depuis longtemps, et sa cendre elle-même s'est éparpillée. Mais cet oiseau bilingue reste encore vivant.
Plurilinguisme et fragmentation sociopolitique
La situation linguistique au Maghreb était compliquée bien avant la colonisation, qu'on charge à tort de cette responsabilité. A leur arrivée, les Arabes trouvèrent déjà une société trilingue : berbère dans les montagnes, punique – carthaginoise – dans les plaines et latine dans les villes. Cette séquence berbère-punique-latin, les historiens coloniaux y virent l'annonce de la séquence coloniale : berbère-arabe-français, qui reste largement la nôtre aujourd'hui.
La situation linguistique au Maghreb était compliquée bien avant la colonisation, qu'on charge à tort de cette responsabilité.
La modernité, qui est passionnément monolingue, n'envisage plus le plurilinguisme qu'en termes de « richesse », d' « ouverture », de « métissage » et autres termes fades et édulcorés. C'est qu'elle conçoit la réalité linguistique selon le modèle binaire langue maternelle/langue(s) étrangère(s), la première servant à tout (aimer, travailler, militer, écrire), les secondes à n'importe quoi (le tourisme, les mondanités, la vanité). Ce faisant, elle passe à côté de l'essence du plurilinguisme tel que le concevait les sociétés traditionnelles, et tel que le vit encore la société marocaine : la multiplicité des langues révélait des sociétés puissamment hiérarchisées, et dans lesquelles une réalité très fragmentée ne pouvait se dire que par le biais de plusieurs langues.
Démocratie et langue nationale
Les chroniqueurs qui rapportent l'histoire du perroquet de Ziri ne nous disent pas quels mots il articulait en arabe, et quels autres en berbère. Mais on sait que les califes de Cordoue, lorsqu'ils se laissaient aller à des plaisanteries avec leur entourage, abandonnaient l'arabe au profit du romance, l'ancêtre de l'espagnol et du portugais, de même que les Marocains aujourd'hui font des familiarités en arabe dialectal plutôt qu'en arabe classique, révélant se faisant des rapports de force implicites dans leur société. On est là au cœur du plurilinguisme historique : non pas plusieurs langues superposées et interchangeables, mais des utilisations différées selon la place que les langues occupent dans la hiérarchie sociale.
Les sociétés polyglottes sont des sociétés couturées de fractures internes. Les Juifs d'Europe centrale qui vivaient entre l'allemand, le yiddish et la langue slave du coin, les Martiniquais qui vivent entre le créole et le français, chacun à sa manière sait ou a su, comme les Marocains, que le plurilinguisme nomme la blessure sociale et historique traversant l'individu dans son plus intime.
Le nationalisme n'explique pas à lui seul l'unification linguistique des Etats modernes. L'ascension sociale, l'urbanisation, la fin des barrières de castes – bref la démocratie – nécessitent un outil de communication simple, unique et fluide. En France par exemple, la bigarrure médiévale – le latin d'Eglise, le français de cour, le patois de village – dut céder au monochrome de la langue nationale, soumise aux mêmes règles, depuis l'école de la commune jusqu'au l'Académie française.
Plus le Maroc coagulera ses différentes composantes en une société de rapports de classes plutôt que d'évitement communautaire, et plus le monolinguisme s'imposera.
Qu'il soit arabe, arabe dialectal, berbère ou autre, est une question seconde, et même une question secondaire, comparée à ce passage d'une société plurilingue à une société monolingue, qui est éminemment révolutionnaire. En attendant, l'oiseau bilingue est toujours un article d'exportation marocain, mais de plus en plus moribond, comme la girafe empaillée de Ziri ibn Atiya.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.