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C'est le moment de lire Nizar Kabbani et Mohamed Al Maghout
Publié dans Le Soir Echos le 23 - 04 - 2012


Si de grands poètes syriens n'avaient pas fait retentir, jadis, naguère et aujourd'hui, une parole insoumise et vitale, ce serait frivole de convoquer la poésie en ces temps de détresse. Mais il est juste de les écouter. Il demeure impérieux de les entendre. Le 30 avril 1998, le poète syrien Nizar Kabbani décédait à Londres à l'âge de 75 ans. Le natif de Damas avait trouvé refuge à Beyrouth depuis de longues années. C'est en 1999 qu'un hommage lui fut rendu par l'Institut du Monde Arabe à Paris et cela donna lieu à la publication d'une plaquette offrant au public une heureuse introduction à une œuvre majeure de la poésie arabe contemporaine. Maati Kabbal, dans une brève introduction aux poèmes traduits par Mohamed El Ghoulabzouri extraits des œuvres complètes de Nizar Kabbani parues à Beyrouth en 1983 rappelait comment « ses chroniques hebdomadaires dans le quotidien Al Hayat, rebondissaient d'une manière poétiquement intrépide sur l'actualité politique et sociale en y égratignant les maux par des mots nus et directs ». Il me semble qu'il s'agit de plus que d'égratignures dans le poème Autobiographie d'un bourreau arabe : « ô citoyens : je suis le meilleur, le plus juste / Je suis la lune des ténèbres, l'éclat du jasmin / J'ai inventé la potence, je suis le meilleur des prophètes.../ Chaque fois que je pense à quitter le pouvoir, ma conscience me le déconseille / Qui, après moi, gouvernera ces bonnes gens ? ». C'est le pouvoir insigne du poète que de parvenir à pourfendre l'actualité la plus terrifiante par la seule force du verbe imprimé, remémoré et récité alors même que sa parole d'être humain vivant parmi nous s'est tue à jamais. La dimension protestataire de la poésie de Nizar Kabbani se doublait d'une verve mordante lorsque ce poète de l'amour qui clamait écrire « pour faire évader celle que j'aime / des cités où n'existe ni poésie ni amour » déployait une rage intacte contre les défigurations empoisonnant la relation à soi et à autrui et bafouant l'identité féminine. Ainsi, dans ce poème intitulé La fable : « Encore tout petits, à l'école / Ils nous ont injecté, nuit et jour, les plus absurdes des paroles / Ils nous ont enseigné que/ « le genou de la femme est son sexe... » / « le rire de la femme est son sexe ... » / sa voix..._ derrière le trou de la serrure – est un sexe »./ (...) ils nous ont menacés avec leurs couteaux... si nous nous mettions à rêver / Et nous avons poussé comme les plantes du désert / léchant le sel, combattant la poussière/ (...) Ils nous ont défigurés / Ils ont défiguré notre sensibilité et notre cœur...». L'ironie se fait à la fois amère et cinglante lorsque Nizar Kabbani en vient à conclure : « Alors, nous avons grandi comme des niais / qui croient que la femme est une brebis, un chameau / que le monde n'est que sexe et pageot ... ». C'est la violence, le ridicule et l'obscénité que combat le poète « parce que dans ma cité, celui qui aime est fou.../ parce que dans mon pays/ on met l'amour au même rang que le haschisch et l'opium / parce qu'on condamne à la pendaison en son nom.../ qu'on assassine en son nom/ qu'on rédige la loi en son nom j'ai décidé, ô mon amour / de faire mon métier des poèmes et de la folie !! ». Si Mohamed El Ghoulabzouri a heureusement traduit un choix de poèmes de Nizar Kabbani, Arfuyen, un éditeur au catalogue prestigieux (à défaut d'être une puissante force de vente en librairie) a publié Femmes dans une traduction française de Mohamed Houdaimah. Un autre grand poète syrien Mohamed Al Maghout figure, lui, au catalogue de la collection Orphée que relancent ce printemps les éditions de la Différence. Abdellatif Laâbi y est le traducteur inspiré de La joie n'est pas mon métier (La Différence, 1992). Mohamed Al Maghout qui était né en 1934 nous manque aujourd'hui autant que Nizar Kabbani. Dans sa présentation de La joie n'est pas mon métier, Laâbi écrivait : « L'infamie générale distille son poison jusqu'au cœur du poète » marquant ainsi qu'Al Maghout ne s'épargnait nullement dans ses imprécations. En ces temps de si profonde détresse pour la Syrie, la puissance du verbe d'un Nizar Kabbani comme d'un Mohamed Al Maghout fait l'effet d'un flambeau qui refuse de s'éteindre sur un champ de désolation. Al Maghout écrivait : « Mais quelle est donc cette patrie / que les balayeurs passent avec les ordures à la fin de la nuit ? /Accroche-toi à ta mort, espère de naïf / et défends-la avec les cailloux, les dents et les griffes / Que veux-tu donc voir ? / Tes livres se vendent sur les trottoirs/ et la patrie s'appuie désormais sur ta canne ». À l'heure où les trottoirs du pays natal de Nizar Kabbani et Mohamed Al Maghout sont gorgés de sang, la « malformation du monde » qu'ils dénoncent, chacun à leur manière, nous apparaît comme la plus cruelle évidence. Ecrivant cela, j'entends encore ce jeune réfugié syrien auquel un journaliste demandait d'évoquer son pire souvenir. Avec une sorte de stupeur, le jeune homme répondit à la fin d'un long silence comme on en entend rarement sur les ondes : « Le pire souvenir, c'est celui du moment où j'ai refermé la porte de ma maison pour m'en aller je ne savais où ni comment ». Après l'avoir écouté, je suis retourné à ma lecture de Nizar Kabbani : « Ô citoyens : / Vous êtes ma propriété / Au même titre que mes chevaux et mes esclaves / Et je vous marche dessus... ».

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