Révision annuelle des listes électorales générales: Le dépôt des demandes d'inscription prend fin le 31 décembre 2025 (Ministre de l'Intérieur)    Révision annuelle des listes électorales générales: Le dépôt des demandes d'inscription prend fin le 31 décembre 2025 (Ministre de l'Intérieur)    À Rabat, le Maroc trace une stratégie nationale concertée pour endiguer le piratage audiovisuel    Un trillion de yuans... le bilan de l'innovation industrielle en Chine    Un trillion de yuans... le bilan de l'innovation industrielle en Chine    Un trillion de yuans... le bilan de l'innovation industrielle en Chine    L'élan de la CAN 2025 hisse l'aéroport de Casablanca à un seuil inédit de 11 millions de passagers    Textile : un méga-projet triple la production nationale    Le groupe BCP porte sa participation dans ABI à 100%    2025: Une dynamique de percées inédites du Maroc dans les responsabilités de gouvernance des Organisations Internationales    Mbappé arrive à Rabat pour soutenir son ami Hakimi lors du match Maroc–Mali    Le Maroc affronte le Mali et vise une qualification anticipée    Les Lions de l'Atlas aux portes du verdict... le stade Prince Moulay Abdellah appelle la qualification    Maroc – Mali : comment suivre le match en direct, à quelle heure et sur quelles chaînes ?    CAN 2025 Maroc : Programme du vendredi 26 décembre 2025    CAN 2025 – Maroc–Mali : la composition attendue des Lions de l'Atlas    Bulletin d'alerte: Fortes averses orageuses, chutes de neige et rafales de vent, de vendredi à dimanche dans plusieurs provinces    Météo Maroc : pluie, vent et chutes de neige attendues ce vendredi 26 décembre    Vague de Froid à Ifrane et Boulemane: Plus de 1.600 ménages bénéficient des interventions de la Fondation Mohammed V pour la solidarité    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    Système électoral : Renforcement de la participation des jeunes à la vie politique    Ministère public : Un déficit d'environ 800 juges à combler    Administration fiscale : le FMI met en avant les réformes et avancées réalisées au Maroc    Les parquets ont liquidé plus de 497.000 plaintes en 2024    Agadir : Le CHU Mohammed VI réussit la première intervention de reconstruction de l'urètre par microchirurgie    Alerte météo: Averses orageuses, chutes de neige et temps froid jusqu'à dimanche    Tehraoui inaugure le CHR de Fquih Ben Salah et 14 centres de santé à Azilal    Kabylie indépendante : mise au point d'Aksel Bellabbaci après les déclarations d'Abdelilah Benkirane    "Bollywood roadshow de dancing Dj Naz" signé Tendansia : Un grand spectacle 100% bollywood investit le maroc les 28 et 29 janvier    Agence Marchica: 900 millions de DH pour accélérer la mise en œuvre de projets structurants    Déclaration du sélectionneur malien Tom Saintifiet    De Casablanca à l'Olympia: Comediablanca entame la 1ère étape de sa tournée internationale    Israël rejette l'appel de 14 pays à cesser l'expansion des colonies    Colonisation française : une loi algérienne ravive les tensions diplomatiques avec Paris    CAN 2025 : Les favoris prennent déjà position après la première journée    Prévisions météorologiques pour jeudi 25 décembre 2025    USA-UE : Washington sanctionne des personnalités européens    Palestine : Poursuites des attaques israéliennes    Fortes pluies, chutes de neige et temps froid, de mercredi à samedi, dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    Moroccan judiciary institutions join national portal for access to information    La vigilance « grand froid » déclenchée en France    La Chambre des conseillers adopte à l'unanimité la loi réorganisant le Conseil national de la presse    RedOne: Je porte le Maroc dans mon cœur, partout où je vais    L'or franchit pour la première fois le seuil des 4.500 dollars l'once    Revitaliser la culture populaire à travers les trains : la Chine lance une expérience hivernale innovante    Interview avec Dr Guila Clara Kessous : « L'inscription du caftan marocain à l'UNESCO est un moment de justice culturelle »    Cinéma : les projets retenus à l'avance sur recettes (3e session 2025)    Au MACAAL, Abdelkébir Rabi' explore l'infini du geste intérieur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un roman d'Andreas Becker éclairé par la lecture de Günther Anders | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 24 - 12 - 2012

Les romans vont et viennent, lus ou pas, comme des individus noyés dans la foule, exhumés ou pas, menacés par l'indifférence ou propulsés dans l'aire du soupçon à laquelle une surexposition publicitaire les destine. Heureusement, cette fiction que menace de devenir l'attention accordée à la fiction est parfois ébranlée par un texte qui rameute des [...]
La chronique de Salim Jay
Les romans vont et viennent, lus ou pas, comme des individus noyés dans la foule, exhumés ou pas, menacés par l'indifférence ou propulsés dans l'aire du soupçon à laquelle une surexposition publicitaire les destine. Heureusement, cette fiction que menace de devenir l'attention accordée à la fiction est parfois ébranlée par un texte qui rameute des événements et des affects dont les lecteurs ne sauraient se débarrasser d'un simple haussement d'épaules. Il aura fallu cet automne l'irruption d'un écrivain allemand de langue française, Andréas Becker, pour nous rappeler avec L'Effrayable (La Différence, 2012) que le pouvoir de sédition de la littérature ne s'est pas évanoui, contrairement à la rumeur, et que les effrois et les sidérations que suscite l'Histoire peuvent encore retentir en littérature jusqu'à saisir le lecteur. L'Effrayable est fait d'une pâte, la langue française, comme soulevée par la levure de l'indocilité. Ainsi lit-on avec quelque surprise la première phrase : « Dans les temps j'ai eu-t-été une petite fille, une toute petite fillasse » jusqu'à l'aveu final du survivant : « Je suis l'effrayable. Je n'échangerai jamais l'a contre un o dans ce dernier mot qui me reste, et qui me restera toujours, effrayable. C'est l'effrayabilité qui m'a sauvé, si on peut appeler cela l'effrayabilité dans notre bé bébelle langue, si on peut appeler cela sauver ». Ce que le roman d'Andreas Becker diffuse en qui le lit, c'est la conviction que les sédiments de terreur charriés par l'Histoire échappent au curage. Ces dépôts d'effrois, de violences et des stupeurs semblent attaquer de front chaque phrase du roman d'Andréas Becker où c'est une enfance et une adolescence révulsées qui s'agitent dans les langes de l'inexpiable. Est-il si étonnant, ce choix de la langue française par Becker, né à Hambourg en 1962 et qui vit et travaille en France depuis plus de vingt ans ? On ne s'en étonnera pas plus que cela dès lors que les scarifications politiques et guerrières, les exactions et les turpitudes, les abominations et les désarrois qui zèbrent la parole menacée de L'Effrayable réfèrent à la seconde guerre mondiale et à l'Occupation de la France par les nazis autant qu'à des terreurs et à des abêtissements d'aujourd'hui. Absolument réfractaire, la parole qui frémit et fait frémir dans l'Effrayable avait besoin d'une langue autre que maternelle. La révolte contre le langage totalitaire s'y exprime ainsi par une trituration de l'orthographe et de la conjugaison qui renforce la prégnance sur le lecteur des traumatismes enchâssés dans le récit. On ne s'est pas vraiment étonné d'avoir recherché chez un philosophe un écho aux interrogations nées de s'être confronté à l'univers de piège et de caveaux que décrit L'Effrayable. C'est en effet dans les Journaux de l'exil et du retour de Günther Anders (publiées à Münich en 1985 et traduits de l'allemand par Isabelle Kalinvowski chez Fage en 2012) que nous avons trouvé d'emblée cette note datée de Los Angeles, mars 1941 : « La maison de la vie est exigüe, peut-être. Vue de l'extérieur ». Très vite, l'infini que nous promet Günther Anders se rétrécit face à des dilemmes qui serrent le cœur. Les journaux de Günther Anders courent sur une vingtaine d'années, de 1941 à 1962, nous menant de Los Angeles, 1941 à New York, 1943, de Paris à Zürich et à Vienne, lors du retour en Europe de 1950 à 1951, puis dans les ruines de l'Allemagne en 1952-1953 jusqu'en 1962 où il écrit ces phrases qui éclairent sur le pourquoi et le comment de L'Effrayable, ce roman d'Andréas Becker paraissant cinquante ans plus tard : « Ces derniers mois, lorsque j'arpentais le soir la poupe de mon bateau, il est arrivé plusieurs fois que des voix montent des eaux vaporeuses du passé ; c'étaient le plus souvent des cris de terreur, des implorations, des supplications et des appels à l'aide, et, aucun doute n'était permis, chacun des suppliants qui nageaient ou voletaient derrière mon bateau et qui, le ciel seul sait pourquoi, voyaient en moi quelqu'un qui pouvait sauver leur vie, chacun de ces suppliants était un des mes prédécesseurs ». Anders, nous précise son traducteur, emploie le terme de « prédécesseurs » et non celui d' « ancêtres » pour désigner ceux qui ont porté son nom de famille avant lui. Il est sûr qu'Andreas Becker aimera lire Günther Anders écrivant : « Si les oreilles que l'on tente d'atteindre n'étaient pas corrompues, il ne serait pas nécessaire d'ouvrir la bouche. » Son roman L'Effrayable ouvre une bouche d'ombres dantesques tandis que Günther Anders affirmait : « Je ne cesse de m'étonner de voir que, après cette guerre comme après la Première guerre mondiale, la littérature a très rarement dépeint l'épouvantable –Explication : dans le monde normal, l'inouï et l'anormal ne sont plus concevables, et on ne peut pas non plus s'en souvenir ». C'était la conviction du philosophe exilé retrouvant son « chez soi » après la catastrophe. Andréas Becker a voulu, lui, extirper et brandir l'inouï et l'épouvantable. Il en fait vrombir les hélices dentées dans ses phrases de romancier devenu raconteur halluciné de ce qu'il ne vécut pas personnellement mais qui le hante. Ce feuilleté de séquelles dont notre époque ne saurait s'exempter, L'Effrayable l'exhibe pour ne pas en détourner le regard tandis que le philosophe Günther Anders n'avait de cesse de méditer la tâche morale de « rendre possible un vrai monde » en s'opposant au temps des assassins.
* Tweet
* *
VN:F [1.9.21_1169]
please wait…
Rating: 0.0/5 (0 votes cast)
VN:F [1.9.21_1169]
Rating: 0 (from 0 votes)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.