L'annonce a été faite par Ahmed El Bouari, ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts en Conseil de gouvernement, quelques jours après les Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lors du Conseil des ministres. Un monde rural sous tension Les chiffres sont parlants : entre 2019 et 2024, le cheptel national a connu un effondrement partiel, conséquence directe de la raréfaction des ressources fourragères, de l'envolée des prix des aliments pour bétail, et d'un accès au crédit devenu plus complexe pour les petits producteurs. Résultat : l'abattage massif de femelles reproductrices et une baisse significative de la production nationale de viande et de lait. Dans ce contexte, le plan dévoilé par le gouvernement se veut à la fois immédiat et structurant. Il vise la stabilisation à court terme et la reconstruction durable à moyen terme, avec une montée en puissance programmée jusqu'en 2026. Cinq leviers pour une relance ciblée Le programme gouvernemental repose sur une architecture en cinq axes, pensée pour répondre aux urgences tout en amorçant une transformation structurelle de l'élevage marocain. D'abord, un plan de désendettement de 700 millions de dirhams viendra soulager quelque 50 000 éleveurs, avec des annulations partielles ou totales de capital et d'intérêts pour les dettes inférieures à 200 000 dirhams, et un rééchelonnement souple pour les encours plus lourds. Ensuite, l'Etat injectera 2,5 milliards de dirhams qui sera consacrée à la baisse des prix du blé orge (ramené à 1,5 DH/kg) et des aliments composés pour ovins et caprins (à 2 DH/kg). Objectif : contenir les coûts de production et éviter un nouveau cycle de décapitalisation. Troisième levier, et non des moindres : la protection des femelles reproductrices, avec un marquage de 8 millions de têtes et une prime de 400 dirhams par animal conservé, condition essentielle à la reconstitution du cheptel. Parallèlement, une vaste campagne sanitaire, dotée de 150 millions de dirhams, ciblera 17 millions de têtes pour enrayer les maladies liées à la sécheresse. L'Etat prend en charge la prévention, condition sine qua non d'un élevage résilient. Enfin, le plan mise sur la modernisation génétique via l'insémination artificielle et l'accompagnement technique, avec une enveloppe de 50 millions de dirhams pour amorcer une montée en gamme durable de la filière. Une feuille de route sur deux ans Le plan prévoit une première mobilisation de 3 milliards de dirhams d'ici fin 2025, avant un second palier de 3,2 milliards en 2026. Cette seconde tranche est principalement destinée aux éleveurs qui maintiennent leur cheptel reproducteur, dans une logique de prime à la durabilité. L'ensemble du dispositif sera encadré par des commissions locales pilotées par les autorités territoriales, avec une circulaire interministérielle à venir pour fixer les responsabilités de chaque intervenant. L'idée : éviter les effets d'aubaine et s'assurer que chaque dirham débloqué génère de la valeur. Un pari économique et social Au-delà des chiffres, ce programme reflète une ambition nationale : renforcer la souveraineté alimentaire du pays tout en protégeant les filets sociaux dans les territoires ruraux. Pour rappel, l'élevage représente une part significative de l'agriculture vivrière et fait vivre plus de 1,4 million de personnes au Maroc. En réorientant les aides vers la performance, la préservation des femelles reproductrices et la qualité génétique, l'Etat cherche à sortir d'une logique de subventions conjoncturelles pour bâtir un modèle plus résilient, plus productif, et mieux structuré. Reste à voir si ce tournant stratégique tiendra la promesse de transformer les cycles de crise en dynamique de croissance pour les campagnes marocaines.