L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Comment s'articule aujourd'hui la coopération portuaire entre le Maroc et le Libéria ? Sekou H. Dukuly : La coopération entre le Maroc et le Libéria dans le domaine portuaire est exemplaire, fondée sur la confiance, la vision partagée et le respect mutuel. Sous le leadership éclairé de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et du président libérien Joseph Boakai, nous avons engagé une dynamique Sud–Sud forte et prometteuse. Dès notre prise de fonction à l'Autorité nationale des ports du Libéria, nous nous sommes rendus au Maroc, à Tanger, pour rencontrer les responsables de Tanger Med. Ces échanges ont rapidement débouché sur la signature d'un contrat pour l'élaboration du schéma directeur du port franc de Monrovia et du port de Buchanan. En quoi consiste ce schéma directeur ? L'objectif est de repositionner stratégiquement le Libéria comme un hub maritime de premier plan en Afrique de l'Ouest. Ce plan vise à valoriser notre localisation géographique au cœur de la sous-région et à mieux exploiter nos ressources naturelles. C'est une démarche qui s'inscrit dans une volonté de réécriture de notre trajectoire économique et de renforcement de notre souveraineté logistique. Qu'est-ce qui rend cette coopération avec le Maroc si particulière pour vous ? R : La confiance, d'abord. Les engagements pris par nos partenaires marocains ont tous été respectés. De notre côté, nous veillons à faire de même. Cette coopération ne fait que commencer, et nous avons l'intention de l'élargir à d'autres secteurs. Ce que le Maroc a accompli, avec peu de ressources naturelles mais beaucoup de vision, est tout simplement remarquable. Le pays a su bâtir une économie résiliente et un modèle de développement inspirant. Nous voulons en tirer des enseignements et les adapter à notre propre contexte. Quels secteurs vous paraissent prioritaires pour approfondir ce partenariat ? Nous sommes très intéressés par l'industrie, les zones économiques spéciales et les énergies renouvelables. Le Libéria n'est qu'à quatre heures de vol du Maroc. Quand on voit l'envergure du port Tanger Med, premier port de transbordement en Afrique et parmi les dix premiers au monde, on comprend l'intérêt d'un tel modèle. Personnellement, j'ai séjourné au Maroc il y a plus de vingt ans. Revenir aujourd'hui en tant que représentant de mon pays est un honneur. Le Maroc nous inspire et nous pousse à nous dépasser. Le port Dakhla Atlantique est en chantier. Des synergies sont-elles envisageables ? Oui, des discussions ont déjà été engagées, notamment dans le cadre du développement du port de Buchanan. Le Libéria est voisin du Mali, du Niger, des pays du Sahel. Il ne s'agit pas de construire des ports en concurrence, mais de penser en termes d'intégration régionale. Notre position est idéale pour faciliter les échanges intra-africains, qu'ils soient maritimes, logistiques ou commerciaux. Comment percevez-vous l'initiative Atlantique, lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI ? C'est une vision ambitieuse, lucide et profondément africaine. Sa Majesté le Roi Mohammed VI est un stratège. Lorsqu'il partage une idée, il la met en œuvre. Son parcours sur les 25 dernières années en témoigne. Il a fait du Maroc un acteur régional influent, en misant sur la paix, le respect et la coopération. . Sa diplomatie, fondée sur la paix, le respect et la fermeté, constitue un modèle. Nous soutenons pleinement cette initiative atlantique, car elle représente aussi une opportunité pour le Libéria et pour toute l'Afrique. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) peut-elle accélérer la dynamique portuaire en Afrique ? Que faut-il mettre en place pour qu'elle soit pleinement effective ? Oui, à condition d'agir sur les fondamentaux. Il faut d'abord lever les barrières commerciales entre les pays de l'Union du fleuve Mano — Libéria, Sierra Leone, Guinée —, et y intégrer la Côte d'Ivoire. Cela passe par une ouverture effective des frontières, la libre circulation des biens et des personnes, et l'instauration d'un tarif douanier harmonisé. Cela profiterait à toute la sous-région, et même au-delà. Pour accompagner cette dynamique, il faut investir massivement dans les ports, les infrastructures, les technologies et surtout dans le capital humain. Le développement passe par là. Quels sont, selon vous, les principaux freins à cette ambition d'intégration portuaire africaine ? Le premier obstacle reste l'accès au financement. Ensuite, les barrières tarifaires et douanières. Il n'est pas cohérent qu'un produit soit taxé à 5 % dans un pays et à 20 % dans un autre. Une harmonisation est essentielle. Il nous faut déployer des stratégies régionales pour mutualiser nos forces, fluidifier les échanges et bâtir une Afrique interconnectée, compétitive et souveraine.