À l'heure où les équilibres mondiaux se recomposent sous l'effet des transitions démographique, énergétique et géopolitique, l'Afrique s'impose comme un acteur central du XXIe siècle. C'est le message délivré par Peter Pham, chercheur émérite à l'Atlantic Council (Etats-Unis), lors des Atlantic Dialogues 2025 consacrées à l'avenir de l'espace atlantique. Pour l'expert américain, il n'existe aujourd'hui « aucune région du monde aussi déterminante pour l'avenir de notre planète que l'Afrique ». L'argument est d'abord démographique. À l'horizon du milieu du siècle, rappelle Peter Pham, un quart de la population mondiale en âge de travailler sera africaine. Un basculement majeur qui place le continent au cœur des enjeux de croissance, d'emploi et de stabilité globale. Mais cette centralité est aussi économique et technologique. « Les ressources minérales nécessaires aussi bien aux nouvelles technologies qu'aux technologies traditionnelles se trouvent en grande abondance en Afrique », souligne-t-il, rappelant que la transition énergétique mondiale dépend étroitement des métaux stratégiques dont regorge le continent. À cela s'ajoute un poids géopolitique souvent sous-estimé : 54 Etats africains, constituant l'un des blocs les plus importants dans les enceintes multilatérales. « L'Afrique est donc essentielle pour la géopolitique, l'économie mondiale et la prospérité partagée à laquelle nous aspirons », insiste Peter Pham. Cette promesse africaine ne saurait toutefois occulter les défis structurels. L'expert évoque sans détour les faiblesses héritées de l'histoire : insécurité, sous-investissement chronique, déficits de développement et vulnérabilités institutionnelles. « L'Afrique a d'immenses forces, mais elle doit être stratégique pour transformer ces atouts en leviers durables », prévient-il, appelant à des solutions communes, à la fois africaines et internationales. Le Maroc, trait d'union naturel de l'espace atlantique Dans cette équation, le Maroc occupe une place singulière. Pour Peter Pham, l'histoire, la géographie et la vocation du Royaume en font un pont naturel entre l'Afrique, l'Europe, le monde arabe et, plus récemment, les Amériques, au sein de l'espace atlantique élargi. « Le Maroc a toujours été un pont, un lieu de connexion entre des mondes différents. Il continue aujourd'hui de jouer ce rôle de passerelle essentielle », observe-t-il. Il cite notamment l'Initiative Royale pour l'Atlantique, destinée à offrir aux pays africains enclavés un accès structuré aux marchés, aux investissements, aux technologies et aux chaînes de valeur mondiales. « De nombreux pays du Sahel, confrontés à l'insécurité et à la pauvreté, sont privés d'accès direct à l'Atlantique. Cette initiative leur ouvre une perspective concrète d'intégration économique », explique-t-il. Une démarche qui, selon lui, illustre la capacité du Maroc à penser l'Atlantique comme un espace de solidarité et de co-développement, et non comme une simple ligne de fracture géographique. Le Sahara marocain : la reconnaissance d'une réalité Sur le plan diplomatique, Peter Pham met l'accent sur l'adoption récente de la résolution 2797 du Conseil de sécurité des Nations unies, qu'il qualifie de nouvelle étape dans un processus de longue haleine. « Cette résolution est l'aboutissement d'un long processus. Elle reconnaît une réalité que beaucoup connaissaient déjà : la seule solution juste et viable repose sur le plan d'autonomie sous souveraineté marocaine », affirme-t-il. Pour lui, cette reconnaissance internationale confère une légitimité décisive à une approche pragmatique, capable de mettre fin à un conflit « artificiellement prolongé pendant trop d'années » et d'ouvrir la voie à un avenir stable pour les populations concernées. Au-delà du dossier du Sahara, Peter Pham voit dans cette évolution un signal plus large : celui d'un Maroc qui s'affirme comme un acteur de stabilité et d'initiative dans un environnement régional complexe. « L'Atlantique est un espace à partir duquel l'intérieur du continent peut être connecté au reste du monde », souligne-t-il, estimant que le Royaume joue un rôle clé dans cette dynamique. Vers un Atlantique élargi, espace de solutions À travers ses propos, Peter Pham dessine les contours d'un Atlantique élargi appelé à devenir un espace clé de coopération, reliant les dynamiques africaines aux enjeux globaux. Un espace où le Maroc, par sa stabilité, sa vision et son rôle de connecteur, apparaît comme un acteur structurant. « L'avenir de l'Afrique, et en grande partie celui du monde, dépendra de notre capacité à bâtir des ponts, à reconnaître les réalités et à agir de manière stratégique », résume l'expert américain. Un message en parfaite résonance avec l'esprit des Atlantic Dialogues, qui ambitionnent précisément de penser l'avenir du monde atlantique à partir du Sud.