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Lahouaiej-Bouhlel, le tueur de Nice, est-il fou ou terroriste ? L'analyse de Patrick Amoyel, psychanalyste niçois spécialisé dans l'interculturel
Publié dans L'observateur du Maroc le 20 - 07 - 2016

Peut-on aujourd'hui répondre à la question "qui est Mohamed Lahouaiej-Bouhlel" : un fou ou un terroriste ?
Tout d'abord, je veux m'associer au deuil des victimes, de leurs familles, de tous les Niçois et bien au-delà. Pour répondre à votre question, on peut dire qu'il est peut être les deux. Dans le cas présent, il est les deux, mais en psychiatrie, il n'est pas si fou, il est psychopathe plutôt que psychotique. Le psychotique est le fou classique, qui se prend pour Napoléon par exemple, et qui est coupé de la réalité. En revanche, les psychopathes ont des vies normales, et vivent dans la réalité, mais ils sont détraqués. En fin de compte, c'est l'idéologie, le mental, qui structure le chemin du terroriste.
Comment peut-on se radicaliser et passer à l'acte de façon aussi fulgurante ?
Ce n'est pas le cas de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Il se préparait depuis des semaines voire plusieurs mois au vu des dernières informations communiquées par le procureur de la République. Par ailleurs, il est issu d'un milieu islamiste, particulièrement fort dans la ville tunisienne de M'saken d'où il est originaire. De nombreux Tunisiens de Nice viennent de cette ville de M'saken. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a été élevé au biberon islamiste en quelque sorte. Son père était un membre éminent du parti islamiste Ennahda de cette localité. Selon certaines sources, il était aussi « abonné » aux pages Facebook de réseaux communautaristes comme les « Indigènes de la République ».
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a vécu de manière impie, et dernièrement il a été pris d'un sentiment de culpabilité, il se sentait obligé de laver « la montagne de ses péchés ». Le retour à l'observance des cinq piliers de l'islam ne pouvait lui suffire, il lui fallait mourir en martyr pour aller directement au Paradis. Il l'a décidé rapidement.
Mais son état d'esprit, ce qui relève du mental, était déjà devenu ce que l'on peut appeler le sentiment de se sentir potentiellement terroriste : c'est ce que j'appelle « l'être terroriste ». Dans les années 60 il y avait aussi de nombreux « êtres terroristes », pour d'autres idéologies que l'islamisme, mais bien peu sont passés à l'acte.
On a la totalité des cas de figure chez les radicaux et les terroristes. D'ailleurs, ces deux catégories ne sont pas à confondre. Nul besoin d'avoir autre chose que le mental pour être terroriste. Et en même temps, le musulman radical, c'est-à-dire celui qui se réfère à l'école islamique où l'on exacerbe les parties belliqueuses du Coran, l'école hanbalite, celui-là n'est pas spécialement disposé à passer à l'acte terroriste.
Donc la personne qui a atteint le stade d'« être terroriste » doit encore franchir un pas, lequel et comment ?
Le passage à l'acte dépend de tout un ensemble de circonstances : changements brusques, divorces et pertes d'emploi, etc. Et bien sûr la police ne peut pas suivre ces indices-là. Actuellement, la police suit les indices classiques comme l'achat de matériel potentiellement létal et les coups de téléphone et les contacts sur Internet dénotant la préparation d'acte.
En revanche, il eût été possible, dans l'absolu, de repérer quelque chose, de voir qu'il était un terroriste potentiel. Mais encore une fois, il est impossible de repérer le processus de passage à l'acte. C'est seulement quand il y a une équipe professionnelle de la santé mentale braquée sur la personne que l'on peut le déceler. J'insiste : la police n'aurait eu aucune possibilité de prévoir cela, même si elle avait eu tous les éléments en sa possession.
La situation à Nice a-t-elle des spécificités pour faciliter l'irruption d'un Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ?
Cela aurait pu se produire n'importe où. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel aurait pu faire cela n'importe où mais, étant Niçois, il avait une occasion propice d'agir, avec les foules et l'opportunité d'exploiter le 14 juillet, symbole par excellence.
Ce n'est pas le nombre de radicaux à Nice – bien réel – qui explique pourquoi l'acte est survenu là-bas.
Dans les quartiers à majorité musulmane, pensez-vous que l'on peut faire de l'interculturel sans tomber dans le communautarisme ?
Ce n'est plus possible, et je le regrette. Au début je me disais que c'était de ma faute, que mon attitude était mauvaise. Mais au final, il s'agissait d'une lame de fond dans tout le monde musulman. Il y a une radicalité identitaire, et des gens se sont mis en rupture et ne veulent plus penser l'intégration. Ils sont dans une identité musulmane de rupture que je nommerai « musulmanité » qui est davantage ethnico-culturelle que religieuse.
En fait il y a deux profils différents. Un individu peut entrer dans la radicalité politique de deux façons : par le chemin ethnico-culturel qui puise dans la religion, ou par la religiosité qui se radicalise et devient politisée.
La tradition hanbalite amène l'aspect politique sur le devant de la scène. Il reprend les passages politiques du Coran et les exacerbe vers la radicalité.
Y-a-t il beaucoup de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à Nice et en France ?
Des candidats, probablement un bon nombre, de l'ordre de quelques milliers. Ceux qui sont capables de passer à l'acte sont quelques dizaines.
Que doit-on faire aujourd'hui ?
Il faut former le maximum de gens à cette analyse complexe. C'est la compréhension du processus qui permettra de déceler les candidats au passage à l'acte. Les Salafistes quiétistes (opposés à l'action politique et gouvernementale) ne sont pas l'objectifs n° 1, il faut regarder du côté des takfiristes (adeptes de la persécution violente des musulmans modérés) et dans leur sein les takfiristes jihadistes.
Je pense qu'il faut former des gens pour étudier les attitudes, les signes et les discours. On fait tout notre possible pour faire émerger ce genre de nouveaux agents de la lutte.
Il faut aussi former tous les élus, pour qu'ils saisissent la complexité du phénomène. Les paramètres sont très nombreux. Et l'on doit accepter que les paramètres invisibles resteront hors de notre portée, par exemple le seuil du déclic vers l'acte.
Vous avez parlé de « shahidisme » plus que de terrorisme, c'est-à-dire de la pratique du martyr. Quelle est la distinction ?
D'abord, le terrorisme implique de terroriser une population civile pour obtenir un résultat politique. Les organisations comme Daesh et Al-Qaïda sont donc clairement terroristes. Cependant, certains individus qui commettent des actes de terreur ne recherchent pas l'effet politique, mais plutôt l'effacement de leurs péchés personnels.
Il y a une convergence de buts. L'individu est le shahîd plutôt que le soldat du Califat. Cela explique Orlando et Nice. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et Omar Mateen n'étaient pas des soldats de Daesh par essence, mais ils ont convergé vers les buts de Daesh pour des raisons personnelles, c'est-à-dire leur propre purification spirituelle.
Vous soulignez que le père du tueur a été un dirigeant local d'Ennahda, ce mouvement politique islamiste de masse en Tunisie. Est-il véritablement si radical que cela ?
Ils sont dans la politique en Tunisie, et se disent modérés, surtout depuis leur dernière Convention.
Nous devons considérer leur discours et la doctrine du jihad, dans lesquels la mort est un élément positif. Ennahda est la branche tunisienne de Frères Musulmans, dont la devise est : « Allah est notre dieu, Mohamed est notre guide, la charia est notre constitution, le jihad est notre voie, et la mort en martyr est notre vœu le plus cher ». Il y aussi cela dans leur emblème : entre les deux sabres, il y a le mot waïdou, qui veut dire "préparer", mais qui en fait est le mot clé de la sourate 8 verset 60, qui préconise de se préparer à terroriser les mécréants. Le mot terroriser existe bel et bien en arabe. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a été élevé dans ce milieu, c'est dans son système mental.
Pour aller plus loin : entrautres.free.fr
Source : opinion-internationale.com


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