Abdessadek Saidi, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a souligné que la réforme de la protection sociale ne saurait être envisagée à court terme. Elle requiert, selon lui, l'élaboration de prévisions et d'études approfondies à moyen et long terme. S'exprimant mardi 20 mai 2025 lors de la conférence nationale intitulée « L'État social : référentiels, politiques et enjeux », Saidi a dressé un état des lieux du chantier de la protection sociale, en relevant plusieurs défis majeurs à relever pour garantir sa réussite. Et ce, en dépit d'un bilan d'étape jugé globalement positif au regard des avancées concrètes et continues enregistrées sur le terrain. Représentant le président du CESE, Abdelkader Amara, Saidi a attiré l'attention sur un certain nombre de problématiques persistantes. Il a notamment cité le fait que près de 8 millions de citoyens demeurent en dehors du champ de l'assurance maladie obligatoire de base. Il a également pointé la part importante des dépenses de santé restant à la charge des assurés, qui atteint encore 50 % du total, alors que l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale préconisent un plafond de 25 %. Lors de cette rencontre organisée par l'équipe de recherche en performance juridique et économique et par la section de droit de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales – Souissi à Rabat, le membre du CESE a indiqué que la majorité des dépenses de l'assurance maladie obligatoire sont absorbées par les établissements de soins et d'hospitalisation privés. Ce taux varie entre 84 % et 97 % selon les régimes (fonctionnaires, salariés, non-salariés), et atteint 57 % dans le cadre du régime « AMO-Tadamoun ». Cette situation s'explique, selon lui, par l'insuffisance de l'offre publique et le manque d'attractivité du secteur public de la santé. Il a également relevé que le coût moyen de traitement d'un dossier médical dans le privé peut parfois dépasser jusqu'à cinq fois celui du secteur public. En cause : l'absence de protocoles de soins obligatoires, ce qui compromet la viabilité financière à long terme du système d'assurance maladie obligatoire. S'agissant du programme de soutien social direct, Saidi a souligné que le ciblage précis des bénéficiaires et la vérification rigoureuse des données fournies demeurent deux défis majeurs. Quant aux régimes de retraite, ils sont confrontés, selon lui, à des difficultés liées aux équilibres financiers et à leur durabilité. Il a insisté sur la nécessité d'assurer une équité entre les différentes catégories sociales afin de renforcer leur résilience face aux aléas économiques et aux mutations sociales. Le membre du CESE a par ailleurs alerté sur les conséquences du recul des taux de natalité et de l'allongement de l'espérance de vie, deux phénomènes qui exercent une pression croissante sur les régimes de retraite. Il a appelé à des réformes tenant compte de ces transformations démographiques afin d'en garantir la viabilité. Évoquant la question de l'indemnisation en cas de perte d'emploi, Saidi a pointé plusieurs axes d'amélioration, notamment l'assouplissement des conditions d'éligibilité, l'adaptation du montant de l'indemnisation au niveau de vie, ainsi que la nécessité d'assurer un financement durable de ce dispositif. En sa qualité de président de la commission en charge de la régionalisation avancée, du développement rural et territorial au sein du CESE, Saidi a présenté une série de recommandations relatives aux principaux piliers du système de protection sociale. Ces recommandations portent notamment sur la généralisation de l'assurance maladie obligatoire de base, la mise en œuvre du soutien social direct, les régimes de retraite et le système d'indemnisation en cas de perte d'emploi. Le CESE recommande ainsi l'instauration d'un régime obligatoire unifié, reposant sur les principes de solidarité, de complémentarité et de convergence entre les différents systèmes d'assurance. Ce régime devrait être appuyé par une couverture complémentaire, facultative, assurée par les mutuelles ou par le secteur privé. Le Conseil appelle également à accélérer la mise à niveau de l'offre de soins à l'échelle nationale, afin d'en renforcer la qualité et l'attractivité, notamment dans le secteur public. S'agissant du soutien social direct, le Conseil insiste sur l'importance de cibler avec précision les bénéficiaires, de vérifier la fiabilité des informations déclarées, tout en veillant à ce que ce soutien ne se transforme pas en mode de vie permanent, mais demeure un levier vers l'autonomie économique. Concernant l'élargissement de la base des affiliés aux régimes de retraite, le CESE recommande la création d'un régime national de retraite de base, obligatoire et unifié, accompagné d'un régime complémentaire obligatoire pour les revenus élevés, ainsi que d'un régime individuel facultatif. Enfin, en matière d'indemnisation pour perte d'emploi, le Conseil préconise la mise en place d'un système d'assurance dédié aux salariés, assorti d'un assouplissement des conditions d'accès, et l'instauration d'un régime parallèle pour les travailleurs non-salariés, conçu en tenant compte de leurs spécificités. Abdessadek Saidi a conclu en affirmant que ces recommandations constituent des leviers essentiels pour garantir la réussite et la pérennité du système de protection sociale au Maroc, tout en consolidant les fondements de l'État social.