Seulement 0.25% de la population gazaouie a pris part aux attaques et massacres du 7 octobre. Pourtant, pour le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou, ils doivent tous mourir. "Ils voulaient simplement vivre, aimer, respirer, comme vous, comme moi." Mahmoud Darwich, poète palestinien Depuis quelques mois, le mot génocide s'impose peu à peu à plusieurs niveau et à l'échelle internationale, et ce sans complexe, pour désigner les massacres quotidien en cours à Gaza. Massacres prétendument en représailles aux attaques et massacres commis contre les civils innocents des Kibboutz autour de Gaza le 7 octobre 2023. La Commission d'enquête de l'ONU a par exemple accusé en mars dernier Israël de commettre des actes génocidaires à Gaza, faisant écho aux arrêts rendus notamment par la Cour Internationale de Justice CIJ et aux mandats émis par la Cour Pénale Internationale, deux institutions Onusiennes de plus en plus au devant de l'actualité. Le terme "génocide" est défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l'ONU en 1948 et désigne "tout acte commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux." Ce mot terrible n'est pas employé à la légère. Mais les faits survenus dans la bande de Gaza depuis octobre 2023 rendent son usage de plus en plus difficile à éviter.
Depuis le début de la campagne militaire israélienne, Gaza est devenue l'un des territoires les plus meurtris de l'histoire contemporaine. Sur une enclave de seulement 350 km2(la taille de la préfecture de Casablanca à peu près), peuplée de 2,3 millions d'habitants, près de 70 000 personnes ont été tuées en un an et demi. Selon The Lancet ,en janvier 2025, ce chiffre pourrait être sous-estimé de 40 %, ce qui porterait le bilan réel à plus de 100 000 morts. L'ONU confirme une surmortalité écrasante, en particulier chez les femmes et les enfants, vecteur principal de la croissance démographique. Ces chiffres sont ceux du Ministère de la santé de Gaza, annexe du Ministère de la santé Palestinien dont le siège est à Ramallah. Des chiffres reconnus et confirmés par l'OMS et les Nations Unies, ainsi que par plusieurs ONG et acteurs humanitaires internationaux. Plus personne ne les remet en cause. Gaza compte aujourd'hui le taux d'enfants amputés le plus élevé au monde. Plus de 130 000 blessés sont recensés, dans un territoire cloisonné, privé d'eau, d'alimentation, de soins et d'équipement médical. Depuis la reprise par Israël du corridor de Philadelphie, même la frontière égyptienne est verrouillée. La population, totalement enfermée, n'a aucune possibilité de fuite. La ville est ravagée, la population entière n'a quasiment plus de toit, d'emploi, d'avenir. Plongés dans un cauchemar collectif, les gazaouis sont humiliés, brisés quand ils ne sont pas achevés par des missiles de plusieurs mètres de long, interdits d'usage contre une population civile désarmée au regard du droit international. Le gouvernement israélien quand à lui affirme agir en réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre. Mais l'ampleur de la riposte défie toute logique militaire. Ce jour-là, seulement 6 000 Gazaouis ont franchi les barrières de sécurité, dont 2 000 civils au maximum. 99,75 % de la population gazaouie est restée sagement chez elle. Pourtant les barrières ceinturant la bande de Gaza ont été rompues pendant 48 heures, sans que les masses gazaouies ne déferlent en vagues humaines sanguinaires pour massacrer les civils israéliens. Une réalité bien loin du narratif relayé par les média occidentaux d'une population arabo-islamique assoiffée de sang.
Et pourtant, c'est l'ensemble du territoire qui subit les conséquences d'une punition collective d'une rare violence. Même le mot "punition collective" prête à interrogation. Pour Guillaume Ancel, ancien officier d'artillerie dans l'armée française, la rapidité avec laquelle Tsahal a dressé les listes des cibles, souvent civiles, suppose une préparation bien avant le 7 octobre, ce qui renforce l'hypothèse d'une planification sur la durée d'un massacre qui n'attendait qu'un signal pour de déchainer sur les civils gazaouis totalement innocents. Le signal étant dans la littérature du génocide, un moment essentiel dans lequel les génocidaire comprennent collectivement que le moment d'entrer en exécution du massacre est arrivé, et que le récit qui s'impose dorénavant est "soit nous, soit eux". Un schéma observé auparavant au Rwanda au lendemain de l'abattage de l'avion du président Habyarimana en avril 1994.
Surtout, le Hamas, supposé être la cible principale, semble plutôt épargné. À chaque trêve, ses éléments réapparaissent armés, circulant librement. Pourtant, les bombardements reprennent systématiquement une fois les cessez-le-feu rompus, à un rythme constant de 50 à 100 morts civils par jour. Ce calendrier régulier ne reflète pas une réponse à une menace imminente, mais l'exécution méthodique d'un plan préétabli par un gouvernement israélien dont les dirigeants s'époumonent sourire aux lèvres et lors de meetings politiques enfiévrés, à affirmer que même un bébé gazaoui est aussi une cible légitime, et que TOUS doivent mourir.
À la différence de conflits comme celui du Soudan, où deux forces armées s'affrontent et où les civils peuvent parfois se réfugier ailleurs, Gaza est un piège hermétique, et ses habitants la cible directe. Ici, ils ne sont pas des dommages collatéraux, ils sont l'objectif principal, si ce n'est unique des chars, canons balistiques et des avions furtifs.
Il faut bien comprendre cette nuance. En effet, nous ne sommes pas face à une émotion incontrôlée post-attentats d'une armée israélienne enragée, ni face à une stratégie défensive visant à prévenir une nouvelle attaque. L'idéologie du Hamas reste intacte, ses structures souterraines aussi. Nous sommes en réalité face à une stratégie froide et bien calculée, préméditée ciblant la population civile seule. Population qui n'est pourtant pas responsable : le dernier vote pour le Hamas remonte à 2006, bien avant la naissance de la plupart des victimes actuelles. Aucun scrutin n'a eu lieu depuis. Aucun droit de rectifier.
Ce qui se déroule à Gaza est par conséquent sans précédent dans la région lorsque l'on rapporte le nombre de victimes à la population et sur l'échelle du temps, soit 600 jours.
Plus meurtrier que Sabra et Chatila, plus ciblé que Falloujah, plus impitoyable encore que les pires heures de la guerre en Irak. Car il ne s'agit encore pas là d'une guerre. Non, il s'agit de l'anéantissement progressif et planifié d'un peuple captif. Une guerre démographique, pour réduire, ou carrément exterminer cette population.
Une population coincée, sans droit de s'exprimer, entre l'idéologie mortifère d'un Hamas désintéressé du sort des civils, et la vision messianique de ministres israéliens, à leur tête Benyamin Netanyahou, Smotrich et Ben Gvir.
Finalement, un seul principe semble guider cette campagne de mort, froide et implacable. Ce principe qui fait écho aux moments les plus sombres de la shoah, peut se contenir à la phrase glaçante suivante: