L'ancien Secrétaire Général de la Ligue arabe, Amr Moussa, est persuadé que la solution à deux Etats est possible à condition de rester ferme vis-à-vis des prétentions israéliennes. Processus de paix, sort de Gaza, rôle du Maroc, le diplomate chevronné, que nous avons rencontré en marge du forum Medays à Tanger, répond à nos questions. Entretien. -Vous êtes un fin connaisseur de la cause palestinienne de par votre expérience à la tête de la Ligue arabe et votre longue carrière en tant que ministre des Affaires étrangères d'Egypte. Aujourd'hui, la situation à Gaza comme en Cisjordanie est tragique. Israël tente encore d'annexer les territoires occupés. Les faucons extrémistes du gouvernement Netanyahu sont attachés à l'idée du déplacement forcé des Palestiniens. Depuis le début de la guerre à Gaza, l'Egypte, avec le soutien unanime des pays arabes, s'est opposée fermement au plan d'exode forcé des réfugiés vers ses terres. Peut-on dire que cette idée est totalement abandonnée aujourd'hui ? L'Egypte a effectivement fait échouer le plan israélien de déplacement forcé des Palestiniens que ce soit vers son sol ou d'autres pays. L'Egypte a rejeté avec la plus grande fermeté cette volonté dès le début sans la moindre concession. Cette position ferme a contribué à décrédibiliser le plan israélien. Or, cela ne signifie pas que l'idée est enterrée définitivement dans l'esprit des Israéliens. Elle subsiste encore. Je ne peux pas affirmer que ce plan est totalement abandonné. D'où la nécessité de rester vigilant quant aux velléités de chasser les Palestiniens de leur terre de gré ou de force.
« La volonté de déplacer les gazaouis par la force fait partie d'une volonté de saper le fondement d'un prochain Etat palestinien » Il faut garder à l'esprit que l'expulsion des populations palestiniennes fait partie des tentatives du gouvernement israélien d'annexer les territoires occupés pour accélérer l'implantation des colonies et imposer une nouvelle réalité démographique qui légitime la colonisation. Je rappelle qu'il y a un projet de loi à la Knesset visant l'annexion de la Cisjordanie occupée. Les autorités israéliennes semblent déterminées à y chasser les habitants palestiniens. La situation en Cisjordanie occupée est aussi dangereuse et alarmante qu'à Gaza.
« La situation dans la Cisjordanie occupée est aussi dangereuse et alarmante qu'à Gaza » -Le plan Trump reste encore fragile bien qu'il ait imposé un cessez-le-feu. Etes-vous optimiste quant à la possibilité de relance du processus de paix au moment où le gouvernement israélien rejette ouvertement la solution à deux Etats ?
De quelle paix parle-t-on ? Il faut savoir ce qu'on veut dire par plan de paix. Je vous fais remarquer que le gouvernement israélien actuel, à l'instar de ses prédécesseurs ainsi qu'une partie importante de la scène politique israélienne, ne sont pas pour une paix durable mais une paix imposée aux Palestiniens qui arrange les intérêts d'Israël. C'est comme cela qu'ils pensent. Ils veulent une paix qui cautionne l'occupation alors que le processus de paix doit en principe tenir compte des intérêts des deux parties pour déboucher sur une solution à deux Etats acceptée par tous. Les Israéliens, jusqu'à présent, ne montrent pas qu'ils sont prêts à envisager l'idée d'un Etat palestinien indépendant vivant côte à côte avec eux. Dans l'esprit du gouvernement israélien et ses alliés, la paix signifie la capitulation du peuple palestinien. On veut le bercer de l'illusion d'un Etat sans le leur donner réellement. La partie israélienne cherche aussi à convertir la Palestine tout entière à un Etat juif au mépris des droits des Arabes. Il faut faire face à cette prétention car nous n'avons plus le choix maintenant. La solution à deux Etats n'a jamais été indispensable et reste encore possible, il ne faut pas désespérer.
« Dans l'esprit des Israéliens et leurs alliés, la paix signifie la capitulation des Palestiniens » -Vous avez loué la vision de SM le Roi pour la paix pendant votre participation au forum Medays. A votre avis, quel rôle peut jouer le Maroc dans le processus de paix ? Je crois personnellement que le Maroc a un rôle essentiel dans le processus de paix. Quand j'ai lu la lettre que SM le Roi a envoyée aux Nations Unies à l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, il a insisté sur la solution d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Al Qods-Est pour capitale et sur les droits inaliénables du peuple palestinien. Cette position, telle qu'exprimée par SM le Roi, est importante pour réaffirmer l'importance du poids des pays arabes dans le processus de paix. Les Etats arabes, qu'ils aient normalisés avec Israël ou pas, partagent l'idéal d'un Etat palestinien indépendant. -Actuellement, il y a une pression américaine sur l'Arabie Saoudite pour qu'elle rejoigne les accords d'Abraham. Vous connaissez très bien les subtilités de ce genre de négociations, que pensez-vous de la manière dont il faut imaginer la paix avec Israël dans la conjoncture actuelle ? Comme je l'ai dit précédemment, tout accord de paix avec Israël ne doit jamais être sans contrepartie. Tout processus de normalisation doit être conforme à l'esprit de l'initiative arabe de paix telle que déclarée au Sommet de Beyrouth en 2002. La paix va de pair avec un Etat palestinien et la restitution des territoires occupés. Une paix gratuite sans concession du côté israélien est hors de question. Nous considérons que la normalisation n'a jamais été un tabou mais doit être envisagée et débattue dans un cadre clair où tous les intérêts des deux parties soient pris en compte. Concernant le Maroc, il a pu négocier le rétablissement des relations de façon à servir ses intérêts tout en exigeant une solution pour les Palestiniens.
« La paix est possible avec Israël pourvu qu'il y ait une solution finale à la question palestinienne »