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Diagnostic du CESE sur les droits humains fondamentaux dans les provinces du sud
Des acquis à consolider... mais des points faibles à surmonter
Publié dans L'opinion le 08 - 04 - 2013

* Le système de distribution des aides sociales, un des éléments les plus controversés des politiques publiques
* Respecter l'indépendance des acteurs associatifs
* Faire reculer les signes et les motifs du déficit de confiance chez les citoyens
Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), vient de publier, à mi-parcours entre le rapport sur «Modèle de développement régional pour les provinces du sud» adopté en février et le rapport final relatif à cette question, prévu en octobre prochain, un important rapport relatif à l'«Evaluation de l'effectivité des droits humains fondamentaux dans les provinces du sud», dont il a rendu publique une synthèse. Ce document tire son importance autant du sujet traité que de la manière dont il a été abordé qui se distingue par l'objectivité et l'absence de tout complexe ou faiblesse.
Le CESE précise que ce document est une première étape dans la préparation par cette institution du Rapport sur le nouveau modèle de développement dans les provinces du sud, en application des Hautes instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il constitue un outil d'aide à l'identification des «points d'inflexion» nécessaires à une refonte des conceptions et du processus de développement des régions du sud. Il repose sur le postulat, et la conviction de toutes les composantes du CESE, que le respect des droits humains fondamentaux, tels qu'ils sont universellement définis et tels qu'ils sont affirmés par la Constitution du Royaume, est à la fois la condition et le levier indispensables au succès de toute politique de développement qu'elle soit nationale ou régionale. C'est dans cet esprit, et à ce titre, que ce premier rapport est consacré à une revue de l'effectivité dans les régions du sud du Royaume, des droits humains fondamentaux, économiques, sociaux, culturels et environnementaux et, chemin faisant, des droits civils et politiques qui en sont indissociables.
La finalité de ce travail est de procéder, au regard de normes universellement légitimes et de principes opposables, à un «état des lieux» du développement humain dans les trois régions du sud. Ces constats ont été collectés par voie de rencontres, sur place, avec plus de 1000 personnes représentant une vaste chaîne de parties prenantes (associations de plaidoyer et associations de proximité, syndicats de travailleurs, associations professionnelles, chambres d'agriculture, de commerce et d'industrie, industriels, services centraux et services extérieurs de ministères, Agence du Sud, etc.). Ils ont également été établis à partir d'une revue approfondie des séries statistiques, de rapports d'information et d'analyse établis par les services de l'administration centrale et de l'administration locale, ainsi que par les Institutions et les associations internationales.
Une société profondément transformée
L'espace, la démographie, l'économie, et la société des trois régions du sud ont profondément changé depuis leur décolonisation (vis-à-vis de la France en 1956 pour Guelmim et Tata, puis vis-à-vis de l'Espagne par étapes successives : Tan Tan et Tarfaya en 1958, Es-Smara et la région de Laâyoune - Boujdour - Sakia-el-Hamra en 1975 et en 1979 la région Oued ed Dahab - Lagouira). L'Etat, via ses fonctions de souveraineté, et en appui sur les investissements publics, sur les dépenses de l'administration et sur la distribution des aides sociales a été l'acteur central de cette transformation. L'oeuvre accomplie est impressionnante. Elle mérite, sur plusieurs points, d'être saluée. Mais elle comporte aussi des insuffisances et des limites qui appellent, au service d'une vision lucide de l'avenir, de vraies réformes des conceptions et des méthodes consacrées au développement des provinces du sud, ainsi qu'un sursaut qui modifie les mentalités, les comportements et les habitudes des décideurs et des élites en charge de l'animation du développement en question.
En quelques décennies, la population des dix provinces du sud, tout en devenant majoritairement citadine, s'est multipliée par un facteur supérieur à 10, et dépasse aujourd'hui le million d'habitants, soit 3,5% de la population totaleLe taux d'urbanisation est de 93% dans la région de Laâyoune-Boujdour-Sakia-el-Hamra, 63% ˆ Oued-ed-Dahab-Lagouira. Le PIB des trois régions du sud était en 2010 de 21,7 milliards de dirhams, soit 3,5% de la richesse nationale annuellement produite. Les dépenses sur place de la consommation finale des ménages s'élevaient à 12,7 milliards de dirhams en 2011, soit là encore 3,5% des dépenses de consommation des ménages du pays.
Mais les dix provinces du sud, qui couvrent plus de la moitié de la superficie du Maroc, recueillent à peine plus de 1% des dépôts et des crédits bancaires. Le secteur privé y est atone. En 2010, le chiffre d'affaires de l'industrie ne représentait que 1,2% de la valeur de la production industrielle nationale et l'emploi industriel, avec 7 714 salariés, correspondait à 1,6% du salariat industriel du pays. Par contre, la part de la région représentait 57,8% de la valeur des produits de la pêche côtière en 2011. Alors que le chômage 3 y concerne 15,2% de la population active contre 8,9% au niveau national (avec un taux de 35,1% pour les femmes contre 10,2% au niveau national), les régions de Laâyoune et de Dakhla figurent parmi les régions les moins pauvres du pays (avec des taux de pauvreté respectivement de 2,2% et 2,6% contre 8,9 % au niveau national).
Mais la relative prospérité que suggèrent les chiffres n'est pas homogène, ni entre les régions puisque Guelmim affiche un taux de pauvreté de 9,7%, ni au sein des régions à cause de très fortes disparités entre les centres urbains et les petites communes, notamment rurales. Au total, d'après les chiffres du HCP, le taux de pauvreté était plus faible en 2007 dans les régions du sud (4,9%) que dans le reste du pays (8,9%), et les inégalités bien que fortes, avec un indice de Gini de 0,35, (Le taux de Gini est un indicateur assez largement reconnu de mesure des inégalit_s où_ l'inégalité se calcule sur une échelle dégrade de 1 (inégalité absolue) à 0 (égalité parfaite).y sont moins extrêmes que dans le reste du pays (taux de Gini de 0,41 au niveau national). Il reste cependant que la vulnérabilité à la pauvreté est un peu plus élevée dans les régions du sud (avec un taux de vulnérabilité de 19,6% contre 17,5% au niveau national (la vulnérabilité à la pauvreté est la proportion des personnes dont la dépense annuelle moyenne se situe entre le seuil de pauvreté et 1,5 fois ce seuil).
C'est l'Etat qui joue, dans ces régions, le rôle de rempart contre la pauvreté. En l'absence d'un observatoire dédié au développement des provinces du sud, et en l'état de la comptabilité nationale, il n'est pas possible de quantifier avec précision la valeur des transferts de l'Etat vers ces mêmes provinces. Selon des estimations communiquées par l'Agence de Développement des Provinces du Sud (ADPS) au CESE, la contribution annuelle de l'Etat à la lutte contre la pauvreté, sous forme d'aides directes et indirectes dédiées à la région, serait de l'ordre de 4,6 milliards de dirhams. Les aides directes distribuées par le programme de la Promotion nationale à quelque 34.000 personnes pour un budget de 589 millions de dirhams représentent la moitié du budget alloué à ce programme au niveau national.
Besoin d'une vision holistique
Pour appréhender la situation des régions du sud en vue d'en repenser le modèle de développement et de le dynamiser, il importe d'avoir de ces régions une vision holistique, qui fasse sa part au poids de l'histoire et à celui des contraintes géopolitiques qui ont pesé sur la société et sur les acteurs de ces régions. Des études, à caractère scientifique, seront impulsées par le CESE sur cet important aspect. Il est essentiel, pour l'intelligibilité de la situation et la faisabilité des solutions qui peuvent être formulées afin de dynamiser l'activité et renforcer la cohésion sociale des régions du sud, de tenir compte du blocage géopolitique qui entrave l'intégration régionale depuis le milieu des années 1970. La contestation de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud a eu pour effet d'obstruer la structuration des liens naturels et nécessaires de coopération et d'échanges entre ces provinces et leur voisinage à l'Est et, plus profondément encore, en direction du Sahel. Ces blocages seront tôt ou tard levés et c'est dans un esprit d'ouverture et de complémentarité avec leur voisinage qu'il importe que le Maroc continue à oeuvrer au développement de ces provinces. Tout modèle de développement des provinces sahariennes du Royaume se doit en effet de s'appuyer, d'une part, sur les ressources et les dynamiques endogènes et, d'autre part, sur le concours et le soutien de la puissance publique, ainsi que sur l'articulation avec les autres provinces du Royaume mais aussi, à terme, avec le sous-ensemble régional du grand Nord-Ouest africain. L'ambition du CESE est de contribuer à affirmer la vocation de pôle régional de coopération, de prospérité et de paix de ces régions.
Dans ce contexte de tension, compte tenu du caractère limité des ressources financières du Maroc et compte tenu de l'indigence où se trouvaient les infrastructures et les services sociaux des provinces du sud au moment de leur réintégration, le tableau de l'évolution démographique, économique et social des régions du sud présente de vrais acquis et de nombreux points forts. Mais ces réalisations se doublent de déficits, et présentent des signes d'essoufflement, ainsi que des échecs, dans plusieurs des domaines clés du référentiel d'évaluation retenu par le CESE.
Des acquis et des points forts à consolider
Le droit à la vie et à la sûreté, ainsi que la sécurité des biens et des personnes sont assurés dans les régions du sud avec les garanties de droit commun et dans les mêmes conditions que dans le reste du Royaume. Le droit de circuler, de quitter les provinces et les communes du sud ou de s'y installer s'exerce pleinement.
Aucune disposition législative ni réglementaire ne limite de façon spécifique les libertés individuelles dans les régions du sud. Des abus de pouvoir sont cependant dénoncés par les défenseurs des droits de l'homme, consistant en actes d'intimidation en raison de l'opinion ou de mauvais traitements en milieu carcéral. De même, des allégations de refus non justifiés de délivrance de récépissés de déclaration d'associations sont formulées par les défenseurs des droits de l'homme qui y voient une atteinte au droit d'association. Force est de déplorer que ces différents types d'allégations ne suscitent pas l'ouverture d'enquêtes ni d'explications officielles.
Aucune disposition législative ni réglementaire ne limite non plus les libertés collectives. Toutes les organisations syndicales représentatives sont implantées localement et peuvent, de jure, intervenir dans les relations professionnelles. Toutes organisent des cortèges et manifestent dans les provinces du sud, notamment le 1er mai, à l'occasion de la fête du travail. Le droit de grève s'exerce librement et on ne connaît pas dans la région de cas de recours à l'article 288 du code pénal qui punit l'organisation ou la participation à la grève au motif de « l'atteinte à la liberté du travail ». Des allégations crédibles de cas de refus de reconnaissance de sections syndicales de la part de certains responsables administratifs ont été cependant formulées auprès du CESE par certaines organisations syndicales.
De même, l'action des partis politiques relève du droit commun dans les régions du sud.
L'accès à l'enseignement préscolaire bénéficie à 100% des enfants, et la généralisation de la scolarité dans l'enseignement primaire, notamment des filles, est sans doute une des réalisations sociales les plus importantes et les plus prometteuses dans la région. Le taux d'alphabétisation des habitants des régions du sud (63%) est devenu supérieur à celui du reste du pays (57%). De nombreux observateurs critiquent cependant la qualité de cet enseignement et plusieurs déplorent l'absence d'un enseignement de l'histoire de la culture hassani.
Les indicateurs d'espérance de vie et de santé ont été considérablement améliorés et sont désormais en ligne avec les indicateurs nationaux. Les indicateurs de nombres moyens de lits, de médecins et d'infirmiers par millier d'habitants sont comparables à la moyenne nationale. Mais derrière ces chiffres, les citoyens sont confrontés à d'importants problèmes d'accessibilité des centres de soins, de qualité des plateaux techniques et de disponibilité du personnel médical et paramédical.
Malgré l'éloignement des régions du sud par rapport aux grands centres de production et aux réseaux de distribution, les grandes fonctions logistiques sont assurées de façon efficiente. Les marchés sont achalandés, et l'indice des prix évolue dans des termes identiques aux autres provinces du pays. Les connexions, notamment aériennes mais aussi routières, avec les autres régions du Royaume demeurent cependant difficiles et coûteuses.
Les indicateurs d'accès aux grands services publics, notamment l'eau, l'assainissement, le raccordement à l'électricité ont dépassé les moyennes nationales (plus de 84% contre 70% au niveau national pour l'électricité, autour de 70% pour l'eau potable contre 55% au niveau national). Des disparités au sein et entre les provinces, et notamment entre les centres urbains et les communes rurales persistent dans les régions du sud comme dans le reste du pays.
Les bidonvilles ont été largement résorbés. Mais, des poches d'habitat insalubre persistent et l'échec du programme de réalisation de villages de pêche maintient en plusieurs endroits les pêcheurs dans des conditions de vie humainement insoutenables.
Le déploiement dans les régions du sud de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) a produit des effets appréciables. 10% environ des projets de l'INDH ont été déployés dans les provinces du sud (2 242 sur 23 000 projets) entre 2007 et 2012. Ils ont bénéficié à 495.840 personnes (sur 5 millions au niveau national). La moitié des projets impliquait des associations et des coopératives (1.065 sur 2.242) leur financement représentant 10% des budgets (152,4 millions de dirhams). 702 projets (31%) ont été destinés à des activités dites « génératrices de revenus».
Des points faibles et des motifs de préoccupation
A côté des acquis énumérés ci-dessus, les politiques de développement des régions du sud présentent de sérieuses difficultés.
La politique de l'eau, sujet majeur s'il en est pour des régions arides, n'est pas lisible. En dix ans (2000-2010), du fait de l'urbanisation et de l'intensification de ses usages domestiques, la consommation d'eau potable a augmenté de 29% dans la région (de 10651 m3 à 13817 m3) contre 18,3% d'augmentation au niveau national. Alors que les ressources sont limitées (moins de 100 mm par an), les prélèvements sur les ressources hydrauliques fossiles dans des régions comme celle de Dakhla et leur usage pour des activités agricoles maraîchères destinées à l'export est d'une rationalité critiquable. Ce défi doit être relevé selon une démarche de préservation de la durabilité et sans accaparement de la ressource en eau qui est rare. Il nécessite une évaluation objective des réserves et leur usage rationalisé. De même, le recours au dessalement de l'eau de mer en « substitution » à la ressource fossile pour assurer une continuité de l'activité agricole questionne la contribution à son financement et l'intégration de son prix dans l'activité et les produits des exploitations agricoles.
La prise en compte des contraintes environnementales dans les régions du sud est clairement insuffisante. Les moyens de l'Etat pour la surveillance et la prévention des risques de pollution du littoral, bien qu'en amélioration, restent limités. L'excès de pompage des ressources hydriques est une menace sérieuse. Les actions en faveur de la protection de la biodiversité et des sites écologiques, si elles existent, ne sont pas tangibles. A l'inverse, l'exploration des opportunités d'une démarche de développement sur place des énergies propres et renouvelables, ou d'une offre nationale et internationale de tourisme écologique et culturel a manifestement été, jusqu'ici, sous-estimée.
La physionomie des villes ne semble pas obéir à un style architectural cohérent ni harmonieux. La fonctionnalité des espaces urbains et la prise en compte des besoins sociaux des habitants (loisirs, espaces verts, infrastructures sportives et culturelles) sont peu assurées.
La politique de l'habitat est faiblement intégrée. Les grands opérateurs privés du logement social ne sont pas engagés localement.
Les mêmes gros dysfonctionnements observables dans la gestion, au niveau national, du réseau des soins de santé de base, la distribution des cartes d'assistance médicale pour les personnes démunies ou la mise en oeuvre de l'assurance-maladie pour les salariés du secteur privé se retrouvent dans les régions du sud. Sauf que localement, et compte tenu des distances par rapport aux centres de décision de la capitale, ces dysfonctionnements produisent ici un mécontentement démultiplié.
La plupart des acteurs rencontrés par le CESE ont par ailleurs déploré l'absence d'une offre d'enseignement universitaire au niveau de la région, et la faiblesse de l'orientation des lycéens vers les filières scientifiques.
On n'observe pas, dans les régions du sud, de véritable politique de l'emploi. Des postes budgétaires ont été alloués depuis plusieurs années (des témoignages font état de quelque 6 000 emplois) à de jeunes ressortissants des provinces du sud dans différents services administratifs et dans des établissements publics auprès desquels certains d'entre eux émargeraient sans activité ni présence. Les mesures correctives n'ont pas été prises. Elles laissent en revanche se cristalliser l'idée que les représentants de l'Etat ont le pouvoir discrétionnaire de distribuer des prébendes et des rentes.
Le régime fiscal applicable aux provinces de la région est empirique, sans cadre légal précis. Il produit un effet adverse sur l'investissement et prive de ressources les communes, notamment rurales. Le régime d'exonération de la Taxe sur la Valeur Ajoutée est partiel (ne porte pas sur les intrants), et suscite un large mécontentement. Il en est de même pour le régime d'immatriculation foncière lourd de dysfonctionnements. Les oppositions à l'immatriculation ainsi que la lenteur du traitement des dossiers fonciers et de l'octroi des indemnisations suscitent aussi de légitimes récriminations.
L'investissement privé et l'extension du secteur marchand restent limités dans la région. Les 10 provinces du sud comptent points bancaires sur un total national de 5 113 (2,4%). L'accès au crédit bancaire est réputé très difficile en raison des niveaux irréalistes des garanties exigées et de leur inadéquation avec les activités et les profiles des porteurs de porteurs de projets. A l'inverse, plusieurs opérateurs bancaires déplorent la fréquente élevée des défaillances et les difficultés de faire valoir les garanties. Dans certains lieux d'activités, comme les villages de pêche de Dakhla, on ne compte aucun service bancaire et tout ou partie des rémunérations des marins s'effectuent en bons d'achats gérés par des intermédiaires.
L'absence d'une dimension sociale de la politique de la pêche constitue un des gaps les plus préoccupants des politiques publiques dans les provinces du sud, et un des motifs de mécontentement les plus fréquemment évoqués. Le secteur des pêches contribue, selon les sources, à 60 à 80% des captures nationales. Il représente 15% de la richesse produite dans les régions du sud. Il occupe 30% des emplois. La mise en valeur de la ressource s'effectue hors de la région, ainsi que le bénéfice de la pêche en haute mer qui génère la plus forte part de la valeur ajoutée. Parallèlement, les revenus des employés de la pêche côtière sont précaires, et leurs conditions de vie extrêmement dégradées.
L'absence d'une dimension sociale se ressent aussi dans le secteur agricole qui représente près de 10% de l'emploi local. Même si la superficie agricole utile ne représente que 1,2% de la surface totale des provinces du sud, l'effort est resté très insuffisant en faveur de la création d'emplois coopératifs dans les secteurs de l'élevage (camelins, caprins, ovins). On ne relève pas davantage d'efforts en faveur de l'artisanat, du petit commerce qui reste dominé par l'informel, ni de véritable stratégie de développement des emplois et de l'activité dans tourisme culturel et écologique.
La très faible valorisation sur place des revenus privés tirés des activités de l'agriculture et de la pêche, conjuguée à un déficit d'information sur les critères et les conditions d'octroi des licences et des financements dans ces secteurs a généré une économie et un esprit de rente au bénéfice d'un petit nombre de privilégiés.
Le système de définition et de distribution des aides sociales dans la région est un des éléments les plus controversés des politiques publiques au niveau régional. Les programmes de la Promotion Nationale, les dispositifs de distribution des aides et de subvention des denrées alimentaires, les aides aux hydrocarbures, l'allocation de terrains et de logements, les systèmes de bourses aux étudiants, les recrutements dans les services de l'administration et des établissements publics se juxtaposent sans visibilité sur leur coordination, ni reddition au sujet de leur évaluation ou de leurs impacts. La conséquence est que la politique sociale de l'Etat se révèle triplement problématique : d'abord parce que la dépense n'est ni optimisée ni contrôlée ; ensuite parce que, à défaut, d'intelligibilité, ce type de politique du guichet ne recueille ni la compréhension ni le soutien des citoyens ; et enfin, parce que ce mode d'assistance non ou insuffisamment ciblée ne produit pas d'effets durables sur le renforcement des capacités des bénéficiaires et ne favorise pas la prise d'initiative et l'autonomisation.
Les engagements en faveur du principe de non-discrimination et de la promotion de l'égalité en faveur des femmes restent très timides dans la région, comme dans le reste du Royaume, à tous les niveaux. Le taux d'activité des femmes a régressé de près de 10 points entre 2000 et 2011, passant sous la barre des 15% (contre 25% au niveau national).
De même, les engagements en faveur de la non-discrimination et de la promotion de l'égalité des chances et des traitements en faveur des personnes en situation de handicap ne sont ni visibles de la part des pouvoirs publics ni encouragés du côté des acteurs économiques et sociaux.
Plusieurs associations rencontrées dans les différentes provinces du sud ont stigmatisé la prégnance de la logique sécuritaire sur les comportements de l'administration locale, ainsi que ses ingérences dans la programmation et la conduite de leurs activités. Ces allégations sont préoccupantes ne suscitent pas d'explication de la part des administrations concernées.
Le dialogue civil, garanti et encouragé par la Constitution du Royaume, présente des marges considérables d'amélioration, notamment si l'indépendance des acteurs associatifs était clairement respectée et si des forums institutionnels étaient aménagés, au niveau local et régional, pour la concertation et le dialogue entre la société civile et les autorités publiques. L'absence de ce dialogue qui est aussi le signe d'un déficit de participation de la société civile à la conception, à la mise en oeuvre, au contrôle et l'évaluation des politiques sociales, se ressent dans le fonctionnement d'institutions telles que l'Agence de développement des provinces du sud. L'activité du Corcas, dont la composition et les missions correspondaient à une première expérience de forum civil est limitée.
Des enjeux fondamentaux
pour la démocratie
et le développement des régions du Sud
Cinq enjeux fondamentaux sont identifiés comme des facteurs clés pour libérer la dynamique de développement et consolider la démocratie dans les régions du sud. Ils touchent :
a. au pilotage des politiques publiques locales, pour remonter dans l'ordre de leurs priorités la création de richesse et de l'emploi et garantir la transparence, l'équité et la justice sociale dans la gestion des affaires publiques ;
b. au recentrage des bénéfices des ressources de la région sur les besoins fondamentaux des citoyens de ces provinces ;
c. à la protection de l'environnement et des engagements formalisés, mesurables et contrôlés en faveur du développement durable ;
d. à la rénovation de la réflexion sur la valorisation du référentiel culturel régional et le renforcement de son rayonnement dans l'identité nationale et son interaction avec elle ;
e. au rétablissement de la confiance parmi les populations des régions du sud et de liens apaisés entre les populations de ces régions et les institutions publiques.
Le pilotage technique et la gouvernance administrative du développement des régions du sud sont en train de devenir des motifs de mécontentement. Le processus de décision et de gestion des affaires économiques et sociales touche à ses limites. La création de l'Agence du Sud n'a pas permis de rénover en profondeur l'approche de l'investissement public dans les régions du sud. La priorisation et l'utilité sociale des programmes et projets publics restent dépourvues d'indicateurs de mesure en termes d'emplois créés, de revenus générés, de recul de la pauvreté ou des discrimination entre les genres, d'amélioration de la situation des personnes et des groupes en situation vulnérable et, de façon plus générale, en termes de mieux-être social. Plusieurs des grandes réalisations de ces dernières années sont critiquées en raison de leur caractère coûteux, somptuaire, inachevé ou achevé et pas opérationnel (palais des congrès démesuré, piscine gigantesque par rapport à l'effectif de la population, bibliothèque immense en béton et à très fortes contraintes d'entretien et de climatisation, conservatoire de musique construit mais inactif, etc.).
Ni l'Agence du Sud, ni aucune administration ne disposent d'une base de données détaillée et à jour de l'état et des mécanismes du développement économique et social dans les provinces du sud. Une partie des chiffres disponibles sont centralisés auprès du HCP mais ils ne permettent pas d'instruire des questions fondamentales sur la chaîne de la création et de la redistribution des richesses, au plan régional comme d'ailleurs au niveau national. Or, il importe de mesurer de la façon la plus précise possible la destination de la valeur ajoutée locale et des transferts inter-régionaux, afin de définir et de rendre lisibles des principes clairs et des clés de répartition équitables et prévisibles entre l'Etat, les régions et les communes. Cette doctrine est fondamentale pour l'avenir et indispensable dans le cadre de la régionalisation avancée.
La protection de l'environnement est une sorte d'impensé des politiques publiques locales. Les engagements pris dans le cadre d'Agendas 21 ne donnent pas lieu à un suivi ni à une reddition d'informations publiques sur leur degré d'avancement. Pourtant, les enjeux des régions sahariennes pour la protection des ressources hydrauliques et halieutiques, la prévention des pollutions, notamment du littoral, ainsi que leurs potentialités en énergies propres et renouvelables (solaire et éolienne) sont immenses. La dimension environnementale devrait, comme la charte nationale de l'environnement et du développement durable le prévoit, être au coeur des critères d'évaluation de tout projet d'investissement. Elle devrait structurer tout nouveau modèle de développement régional.
Les enjeux relatifs aux «spécificités culturelles» des régions du sud ont été soulevés de façon récurrente lors des rencontres organisées sur place par le CESE en janvier et en mars 2013. Ces questions peuvent sembler difficiles parce qu'elles ne font traditionnellement pas partie du débat public de notre pays, alors même que la Constitution marocaine reconnaît un héritage culturel et linguistique pluriel. La réflexion sur la mixité des cultures hassani, amazigh et arabe qui composent la personnalité des provinces du sud n'a pas encore eu lieu, et ce déficit se ressent dans la définition et la conduite des politiques publiques et des débats sur la situation sociale et l'avenir du développement de ces régions. Ce débat a besoin d'esprit d'ouverture et d'intégration, de capacité d'écoute et de dialogue.
Il suppose aussi que soient identifiées et traitées les insuffisances, sérieuses, dans la formation à l'histoire et à la culture des régions du sud des dirigeants nommés, dans ces régions, aux postes de direction des administrations.
Il convient de signaler que de nombreux dysfonctionnements identifiés au niveau régional trouvent leur cause, et appellent des solutions au niveau central. La mise en place et la dévolution d'attributions renforcées à des instances indépendantes telles que le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) ou l'ICPC (Instance Centrale de Prévention de la Corruption) ne garantissent pas en elles-mêmes la bonne effectivité des fonctions de régulation et de contrôle nécessaires à une société démocratique régie par la règle de droit. L'ICPC n'a pas encore de présence territoriale et reçoit peu de dossiers des provinces du sud. Des témoignages auprès du CESE font état de requêtes introduites par le CNDH ou l'ICPC auprès de diverses administrations au sujet d'allégations d'atteintes aux droits de l'homme ou d'actes de corruption perpétrés dans les provinces du sud, mais restées sans suite. La question de la responsabilisation de l'administration demeure ouverte. Dans cet esprit et même si l'opportunité de la régionalisation avancée ne fait plus de doute, sa faisabilité appelle un intense effort de modélisation de ses principes directeurs et de préparation technique et procédurale de sa mise en oeuvre.
Sur plusieurs aspects, on peut dire que les régions du sud offrent une image miniaturisée des blocages auxquels la dynamique du développement est confrontée au niveau national. Cela vaut pour l'accès aux services essentiels et au bien-être social, à l'emploi, l'éducation, la culture et l'inclusion, pour la protection de l'environnement, pour l'environnement des affaires, la gouvernance et le contrôle de la décision publique, ainsi que pour le dialogue civil et le dialogue social. Mais ce qui est en jeu, c'est la confiance aussi bien dans le fonctionnement local des services de l'Etat que dans l'avenir économique et la cohésion sociale des régions du sud. Les événements tragiques de Gdeim Izik en novembre 2010 et ceux de Dakhla en septembre 2011 doivent être analysés avec sérieux, car ils ne constituent pas des épiphénomènes explicables par de simples dysfonctionnements du système sécuritaire. Ces événements tragiques questionnent l'audience, la vitalité et en fin de compte la crédibilité des corps intermédiaires, notamment des associations, reconnus et agréés par les pouvoirs publics, et réputés intervenir dans la régulation et l'animation sociétales. Ce sont des signes de crise de confiance qui questionnent aussi la capacité des acteurs sociaux à construire leur représentativité et leurs interventions sur des bases autonomes, et la capacité des pouvoirs publics à respecter cette autonomie et à en tenir compte. Or, de l'écoute de nombreuses parties prenantes, il ressort que les attentes sont grandes et s'exacerbent en matière de mieux-être social, d'effectivité de l'exercice des libertés et de responsabilité et de transparence dans les comportements de l'administration et de ses représentants.
Ces attentes expriment aussi l'aspiration, dans les provinces du sud, à voir émerger une société civile mûre, reconnue et responsabilisée dans l'animation des affaires de la cité. Cette aspiration s'exprime négativement dans le rejet des schémas de mise en dépendance financière et de contrôle par l'administration de l'action et du fonctionnement interne du tissu associatif. « Nous avons libéré la terre, nous avons beaucoup investi dans la pierre, mais nous devons faire plus encore pour la dignité et le bien-être des citoyens », a-t-on plusieurs fois entendu de la part de différents acteurs locaux. Il convient de transformer positivement cette aspiration à la participation en faisant reculer les facteurs qui inhibent l'initiative économique et le développement du secteur privé, et en faisant reculer aussi les signes et les motifs du déficit de confiance des citoyens dans la capacité des pouvoirs publics à respecter leurs droits fondamentaux et à les garantir. L'objet de ce premier rapport est précisément de passer en revue la situation des droits humains fondamentaux, économiques, sociaux, culturels et environnementaux, avec pour ambition de préparer les recommandations utiles au renforcement de leur effectivité et l'amélioration de leur gouvernance au service de la cohésion sociale et de la prospérité des régions du sud.
Ce projet de rapport constitue un diagnostic appelé à être présenté aux parties prenantes en vue de continuer à l'enrichir par leurs commentaires et propositions. Il pourra ainsi servir de référence à l'élaboration du nouveau modèle de développement régional pour les provinces du sud et à l'approfondissement des inflexions majeures identifiées dans la note de cadrage.


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