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Entretien avec Asma Lamrabet, Directrice du Centre d'Etudes Féminines à la Rabita des Oulémas: La révélation qui s'est faite au septième siècle demande d'user de la jurisprudence
Publié dans L'opinion le 29 - 10 - 2016

Une troisième voie, entre tradition et modernité, selon une lecture réformiste
Afin d'avoir des explications et des clarifications sur certains dossiers relevant de sujets féminins et du champ religieux au Maroc, selon une approche scientifique, nous avons contacté Mme Asma Lamrabet, médecin biologiste à l'hôpital Avicenne, spécialiste en hématologie, mais également directrice du Centre d'Etudes Féminines, affilié à l'institution religieuse « Rabita des oulémas du Maroc », et ce, depuis plus de 6 ans.
L'Opinion : Sciences et religion, quelle compatibilité ?
Mme Asma Lamrabet : J'estime que la religion englobe tout, la spiritualité, les sciences exactes, les sciences humaines et sociales, l'écologie, l'environnement..., je ne vois pas de dichotomie entre les deux. C'est vrai que j'ai un cursus de scientifique et c'est la médecine qui m'a permise de me poser beaucoup de questions par rapport à l'être humain, au corps, à la création... D'autant plus qu'on a un rapport avec l'Islam traditionnel qui ne nous permet pas de répondre à tous nos questionnements. On est nés musulmans de culture, mais on ne nous dit jamais pourquoi. A un certain moment, et je crois que tout le monde est passé par cette étape de la vie, on se pose des questions. Cela se complique au niveau de la médecine. Il y a beaucoup de choses qui me prouvent qu'il y a un créateur divin. Il me fallait une lecture sereine du Coran et des recherches approfondies sur les sciences religieuses. Et comme je n'avais pas le temps pendant mes études, j'ai consacré 11 ans aux études médicales et 4 autres années de spécialité, ce n'est qu'une fois ma formation médicale venue à terme que j'ai commencé à consacrer mes moments libres en recherche, surtout pour tout ce qui est relatif aux femmes. Dans nos traditions, il y a un discours discriminatoire par rapport aux femmes et je voulais savoir si c'est vraiment la religion qui en est la source ou autre. J'ai tout d'abord commencé par l'autodidactie, j'ai puisé dans le Coran et dans les interprétations...et c'est vers les années 90-95 que j'ai vraiment commencé à faire des recherches approfondies par rapport à ces questions.
L'Opinion : Religion et femmes avec toutes ses ambigüités...
Mme Asma Lamrabet : On vit dans des contradictions. On nous dit que l'Islam honore les femmes, on l'a vécu et on le sent même dans nos traditions. Mais la réalité est autre, il y a beaucoup de discriminations. Et pour ne pas poser de questions, on nous dit que c'est au nom du religieux et de l'Islam. C'était une sorte de dérangement et d'injustice pour moi. Cette obéissance est complètement contradictoire avec la liberté que nous donne la religion. Pour moi, être religieux, c'est être libre, parce qu'on n'a de compte à rendre rien qu'à Dieu et à personne d'autre. C'est comme cela que je me suis rendu compte que, finalement, il y a un décalage ou déphasage entre ce que dit le message du Coran et la vie du prophète Sidna Mohammed et ce que disent les interprètes. Avec l'âge, les écrits et les lectures, on prend conscience que ces interprètes étaient en majorité des hommes qui marginalisaient l'apport des femmes. Ils ont une spiritualité masculine et interprètent les versets en fonction de leurs contextes. J'ai compris aussi que la révélation qui s'est faite au septième siècle nous demande à chaque fois de la jurisprudence, sinon ce ne serait pas une religion vivante. Or, il n'y a pas eu de contextualisation sur la question des femmes, à l'image de ce qui a été fait pour la réforme du Code de la famille, lequel accompagne actuellement la société marocaine. C'est ce qui m'a poussé à entreprendre des recherches approfondies par rapport à ce volet.
L'Opinion : « Les femmes dans l'Islam » est un créneau difficile et sensible. Quelles sont les contraintes, dans votre poste actuel, face aux conservateurs ?
Mme Asma Lamrabet: En général, qu'ils soient hommes ou femmes, les gens refusent de faire leurs interprétations par rapport aux textes coraniques, car, depuis longtemps, dans les mentalités, ce sont les oulémas hommes et les institutions religieuses qui interprètent. Certes, ces derniers ont leurs rôles mais ce n'est pas interdit aux autres. Quelqu'un qui fait des recherches peut émettre son avis du fait qu'en Islam, il n'y a ni église, ni clergé, ni intermédiaires. Certes, on a des niveaux de connaissances, des oulémas..., mais je suppose qu'on peut être capable de lire le Coran et de raisonner. A chaque fois que je voulais interpréter ou donner mon avis, on me disait : « Vous êtes médecin, vous n'êtes pas autorisée à parler de la religion », ce que je refusais. Les anciens avaient une interprétation de toutes les sciences, Ibn Sina était un érudit, il était philosophe et médecin. Je suis désolée, mais c'est le « Alem » qui ne peut pas être médecin. La médecine étant une science de la nature alors que la religion est une science humaine, sociale, interprétative, qui nous intéresse et nous interpelle tous. C'est vrai qu'il y a des spécialités, des connaissances approfondies, mais il n'y a pas un monopole. Il faut arrêter de dire que le monopole de l'interprétation est celui du religieux masculin et du « alem ». Aujourd'hui, dans notre contexte, un « alem » est incapable de donner une réponse à un contexte donné, parce qu'il n'a pas l'outil sociologique humain pour lire le contexte. C'est un « alem » du texte, mais pas du contexte. Il faudrait une jurisprudence collective (ijtihad), comme ce qui a été fait pour la réforme du Code de la famille. Pour toute problématique dans laquelle on vit, il faudrait une concertation profonde, chacun dans sa pluridisciplinarité peut donner un avis et trouver une solution. C'est ce qui est intéressant
L'Opinion : Et réfléchir sur
la problématique des femmes
en Islam est une tâche difficile,
surtout avec la mondialisation
et les nouvelles technologies...
Mme Asma Lamrabet: Bien sûr, d'autant plus que, il y a des stéréotypes aussi par rapport à l'Occident. Souvent les femmes qui travaillent dans ce domaine sont sur tous les fronts, un front interne, parce qu'on leur refuse l'interprétation des textes sacrés, et un autre front, celui des modernistes, qui refusent le religieux et vous parlent de Droits universels. Mais aussi les non-musulmans, qui vous voient comme des femmes soumises, victimes... c'est pour cela que je parle souvent de la troisième voie, entre tradition et modernité. Elle est intéressante, parce qu'elle essaie de faire une réconciliation et de montrer qu'il n'y pas d'incompatibilité entre la religion et les Droits humains universels. Etre pour les droits universels, l'égalité, l'émancipation, la dignité de l'être humain, les droits politiques, économiques...c'est être dans l'Islam. L'Islam offre toutes ces latitudes. Je ne vois pas d'incompatibilité, mais il faut faire une lecture réformiste et c'est cette troisième voie qui permet de sortir de l'extrémisme religieux et le littéralisme, mais aussi de l'extrémisme moderniste.
L'Opinion : Code de la famille, avortement, héritage, égalité..., autant de sujets à polémique
Mme Asma Lamrabet : Il faut en débattre à travers des Conseils pluridisciplinaires. Aujourd'hui, le Conseil des Oulemas ne peut à lui seul, avec tout le respect que j'ai pour eux, trouver des solutions à des problèmes de société aussi complexes. Cela concerne aussi bien l'économiste que le politicien, le sociologue que l'anthropologue.... Il s'agit de régler les problématiques de façon éthique, tout en restant dans le référentiel islamique.
L'Opinion : Pour ce qui est de l'héritage, il parait que neuf sur treize attributions sont en faveur de la femme
Mme Asma Lamrabet: L'héritage est un vrai problème de nos jours. Il y a un constat de discrimination. La solution n'est pas de dire, il ne faut pas y toucher. En gros, il y a beaucoup de versets égalitaires où l'homme et la femme héritent la même part, il y a même des versets où la femme hérite plus que l'homme, cela dépend de la filiation. Mais ce sont des cas rares. Le cas le plus fréquent, c'est celui des parents qui meurent et qui laissent des frères et sœurs. C'est là où elle a la demi-part.
Si la femme a la demi-part, c'est que son frère est sensé la prendre en charge, à travers l'autre moitié. Tous les oulémas disent que son frère en est responsable. Je trouve ce verset très juste, c'est la justice qui est préconisée. L'argent est pour elle et son frère s'en occupe. Mais, cela était possible dans des périodes où la famille était traditionnelle, où la femme ne travaillait pas, ne sortait pas, n'était pas responsable et le frère pouvait s'occuper d'elle. De nos jours, cela fait plus de 50 ans que notre mode de société est complètement chamboulé. Au Maroc, plus de 18% de familles ont à leurs têtes des femmes. Elles sont responsables aussi bien de leurs frères, de leur père que de toute la famille. On est dans une réalité économique où, que ce soit par obligation ou par mauvaise intention, ce frère ne peut plus s'occuper de sa sœur.
Comme première étape, il faudrait commencer par l'éducation. A l'école, il ne suffit pas d'apprendre aux élèves les versets coraniques par cœur, sans leur expliquer le pourquoi de la chose. On n'apprend pas à la fille que son frère prend le double, parce qu'il est responsable d'elle, on lui explique que c'est parce que c'est une fille, d'où une frustration qui se crée dès l'enfance. Le garçon, par contre, se croit valorisé, il est le meilleur, il grandit avec l'idée que Dieu l'a choisi. Si on avait la sagesse de leur apprendre que le garçon prend le double parce qu'il en est responsable, mais une fois arrivé le moment où il ne peut plus servir sa sœur, il va lui rendre sa demi-part. C'est cette égalité que je revendique par rapport à ces versets de l'héritage. Les oulémas devraient se concerter avec les sociologues et autres dans des Conseils pluridisciplinaires pour essayer de produire des solutions. Il faut toujours revenir à la justice du verset. Le Coran, c'est la justice et le verset demande de la justice. Il y a des situations où il y a injustice et discrimination quand il s'agit des femmes et c'est ce qu'il faut régler. Il est clair qu'à chaque fois qu'il y a de l'injustice, on n'est plus en train de pratiquer l'Islam.
L'Opinion : D'autant plus que l'Islam est tolérant et ouvert. La question de la femme a tendance à prendre plus d'ampleur, il y a des fatouas, voire des avis
de politiciens...
Mme Asma Lamrabet : L'instrumentalisation politique des femmes est universelle. Mais dans nos sociétés arabo-musulmanes, elle est pire, parce que la religion est le socle identitaire. Il y a des injustices et des discriminations partout, et dès que cela touche la femme, on nous sort le religieux. Il faut être conscient qu'il y a une instrumentalisation politique du religieux par rapport à la discrimination des femmes.
L'Opinion : Pour ce qui
est de l'avortement...
Mme Asma Lamrabet : Il s'agit de traiter cas par cas. Dans la littérature religieuse classique, les interprétations sur l'avortement sont connues. Depuis plus d'un siècle qu'on dit que l'avortement est possible à 120 jours parce que l'âme (arrouh) n'a pas encore été incrustée dans le fœtus, personne n'a rien dit. De nos jours, le débat est emprisonné. Il y a des priorités, la vie de la maman avant tout. Le Christianisme interdit l'avortement alors que l'Islam a toujours montré des latitudes : la mère est prépondérante, on prend aussi les cas de malformations.... Je suis médecin et je sais qu'aucune femme ne va aller volontairement faire un avortement. Il y a toujours une souffrance extrême derrière ou une nécessité absolue. C'est du corps des femmes dont il s'agit. Il est vrai qu'il ne faut pas légiférer et permettre, mais légiférer de manière apaisée, ouverte et en respectant l'éthique de l'Islam.
L'Opinion : Pourquoi y a-t-il une lecture controversée du Coran quand il s'agit des femmes ?
Mme Asma Lamrabet: Cette lecture discriminatoire remonte à très longtemps dans l'Histoire de la civilisation islamique. D'ailleurs, à ce sujet, un grand chercheur est en train de finaliser la production d'une encyclopédie. Il a découvert qu'il y a eu 8000 femmes érudites, entre faqira, mohaddita, moufti..., qui avaient enseigné dans les mosquées arabo-musulmanes et à l'intérieur même d'« al Kaaba », aux hommes et aux femmes, ensemble. Seulement, elles ont été marginalisées après, à travers cette Histoire, entre autres après les conquêtes islamiques et les problèmes politiques de l'époque. Et aussi parce que les femmes n'ont pas participé à la codification des sciences (attadwine) au IXè siècle. Elles ont été marginalisées et écartées, il n'en est resté que la traduction orale, donc, elles n'ont pas laissé d'écrits au niveau des sciences islamiques. Toutes les interprétations sont masculines. Même au niveau de tafsir (interprétation), il y a des cas rares et non connus, alors que l'apport d'une femme dans ce volet est important. C'est ce qu'il faut remettre en question et c'est ce qu'on essaie de faire dans ce centre, sachant qu'il y a une volonté politique importante clairement affichée de la part de Sa Majesté Mohammed VI. Par ailleurs, le secrétaire général de cette institution, la Rabita des Oulémas, est réformiste, ce qui nous aide. Mais on n'a pas les moyens pour que cette pensée soit majoritaire. On travaille beaucoup plus au niveau académique universitaire mais, il faudrait plus de moyens pour que cette pensée soit transmise dans les manuels, dans les universités...
L'Opinion : Croyance
et éducation à l'école
Mme Asma Lamrabet : Ce qu'on remarque de plus en plus, c'est que la croyance n'est plus basée sur la spiritualité, mais sur la crise identitaire. C'est malheureux. C'est pour cela qu'il faut revoir le système éducatif. C'est un grand chantier et les manuels scolaires sont importants et à revoir sous différents angles. Il faudrait également y allouer les moyens et les compétences pour qu'elle soit profonde et multidisciplinaire. Tous sont concernés : éducateurs, pédagogues, sociologues, religieux, et qu'il y ait un consensus.
L'Opinion : Que pensez-vous
des « morchidates » ?
Mme Asma Lamrabet : Les « morchidates » font partie du Ministère des Habous et des Affaires islamiques. C'était une idée très intéressant au début, sur le plan de la symbolique, par rapport à la valorisation de l'identité féminine au niveau des mosquées, là où elles étaient interdites d'accès pendant des années. C'est une réappropriation de l'espace des mosquées, les hommes ont leurs imams et les hommes leurs morchidates.
Les morchidates ont fait un travail social très important, dans la lutte contre l'analphabétisme ou pour guider les femmes pour tout ce qui est enseignement basique, à savoir, les ablutions ou autres. De nos jours, elles doivent évoluer, car les femmes qui accèdent aux mosquées sont plus instruites, ce sont des professeurs, des ingénieurs, des médecins... et la formation que les morchidates ont eues ne peut plus répondre à cette évolution. Elles devraient être formées pour être capables d'un esprit critique, de répondre à des questions sociétales avec l'argumentaire théologique.
L'Opinion : Quel est notre
positionnement par rapport
aux autres pays ?
Mme Asma Lamrabet : Le Maroc est loin devant par rapport à d'autres pays. Même si cela ne se voit pas sur le plan concret, par rapport aux lois et aux réformes, nous avons bien percé. Le Code de la famille, la Constitution égalitaire, la réforme du champ religieux, autant de créneaux où le Maroc a acquis de l'expérience et déployé les outils nécessaires pour aller plus loin. Il n'y a pas, dans le monde arabo-musulman, une institution religieuse où il y a un centre d'études féminines, du fait qu'on n'y reconnait même pas cette problématique. C'est la seule institution des oulémas qui a, dans son cadre, cette lecture réformiste et cette vision des choses au sein de la Rabita ou institution des oulémas. Cette originalité fait la fierté du Maroc. Son rôle est de revaloriser ce patrimoine des femmes au sein de l'Islam et de montrer que, ce n'est pas le Saint Coran qui est discriminatoire, mais les interprétations des théologiens masculins. Mais aussi pour critiquer certaines interprétations faites par des hommes, qui peuvent avoir raison ou tort. On essaie aussi de faire des formations. Il y a beaucoup de stagiaires, même des étrangères non-musulmanes qui viennent faire des masters, des mémoires par rapport à cette réforme au niveau du Centre. L'année prochaine, on va opter pour des ateliers de formation pour donner justement aux associations féminines l'argumentaire théologique. Mais aussi pour leur montrer que tout ce qui a été dit dans le Code de la famille est religieux, que la coresponsabilité sort du coran, que les principes de la Moudawana, c'est une réforme islamique.


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