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Religion et solidarité
Publié dans Barlamane le 27 - 06 - 2025

À la suite des récentes attaques conjointes d'Israël et des Etats-Unis contre l'Iran, certaines voix dans le monde musulman, y compris au Maroc, ont appelé à une solidarité de principe avec la République islamique. L'argument central tient en une phrase : «c'est un pays musulman». Il est vrai que l'appel à l'oumma exerce une certaine force rhétorique. Pourtant, cette invocation masque une réalité historique et contemporaine bien plus complexe. Loin d'avoir constitué des vecteurs systématiques d'unité, les religions ont souvent été le théâtre ou le prétexte de divisions profondes, de guerres sanglantes, et d'alliances circonstancielles dictées moins par la foi que par les intérêts des Etats.
La religion unit, et divise
On prête volontiers aux religions un rôle d'unification morale, sociale ou culturelle. Et il est vrai qu'elles structurent des communautés, fondent des solidarités, et donnent sens à l'action collective. Mais leur capacité à transcender les intérêts politiques ou géostratégiques reste limitée. L'histoire humaine regorge de conflits où la religion a été un ferment de division, parfois au sein d'une même confession.
Dans l'aire chrétienne, les guerres entre catholiques et protestants ont déchiré l'Europe pendant des siècles. L'Europe du XXe siècle, pourtant largement chrétienne, a connu deux guerres mondiales. Le fait religieux n'a nullement empêché la barbarie, ni même des alliances contrenature.
Il existe une longue tradition de conflits religieux, mais aussi, et surtout, de guerres entre coreligionnaires. Dans le monde musulman, les divisions entre sunnites et chiites ont donné lieu à des rivalités durables, souvent sanglantes. Aujourd'hui encore, cette fracture traverse les conflits du Moyen-Orient : Syrie, Yémen, Liban, Irak... Partout, la rivalité entre l'axe iranien et ses adversaires sunnites structure les alliances, plus que le sentiment d'appartenance commune à l'islam.
Mais au-delà de cette césure doctrinale, on observe une multitude de conflits entre Etats musulmans. L'on se souvient que l'Irak de Saddam Hussein a envahi le Koweït en 1990, déclenchant la première guerre du Golfe, au cours de laquelle plusieurs pays arabes se sont rangés aux côtés des puissances occidentales.
Avant cela, la guerre Iran-Irak (1980–1988) fut l'un des conflits les plus meurtriers du XXe siècle au sein du monde musulman, opposant deux régimes se réclamant de l'islam, l'un chiite, l'autre sunnite-nationaliste, dans une lutte impitoyable. L'hostilité confessionnelle y joua un rôle, mais elle fut largement dépassée par les enjeux géopolitiques, frontaliers et régionaux.
On peut aussi évoquer l'implication militaire de l'Egypte de Nasser au Yémen (1962–1967), en soutien à la révolution républicaine, contre les forces royalistes appuyées par l'Arabie saoudite. Ce conflit intra-arabe illustre une fois encore que les clivages idéologiques et les rivalités de leadership ont souvent éclipsé toute idée de fraternité religieuse.
Depuis 2015, plusieurs Etats musulmans sont engagés militairement contre les rebelles houthis zaïdites au Yémen, un mouvement chiite soutenu par l'Iran. Enfin, des musulmans, citoyens d'un même pays, se sont férocement entretués dans des guerres fratricides, comme ce fut le cas en Algérie (1991–2002).
Ces exemples rappellent que la communauté religieuse ne suffit pas à neutraliser les logiques de puissance, les ambitions nationales ou les ressentiments historiques.
Oumma : mythe ou réalité ?
Le concept d'oumma, qui suppose une solidarité transnationale entre musulmans, relève davantage de l'idéal théologique que de la réalité politique. Dès les premiers siècles de l'islam, les divisions se sont multipliées : querelles de succession, différenciations doctrinales, rivalités de pouvoir. Ni le califat omeyyade, ni l'empire abbasside, ni l'empire ottoman n'ont pu réaliser une unité durable du monde musulman. À chaque époque, les Etats musulmans ont mené leurs propres guerres, noué leurs propres alliances, parfois avec des puissances non musulmanes contre d'autres Etats musulmans.
À l'époque contemporaine, ni la Ligue arabe, ni l'Organisation de la coopération islamique (OCI) n'ont su incarner cette fameuse oumma arabo-musulmane. Ces deux institutions sont marquées par les clivages internes, la paralysie décisionnelle et l'impuissance politique. Face aux grandes crises (Palestine, Syrie, Irak, Libye), les déclarations ont souvent remplacé l'action. L'OCI comme la Ligue arabe sont traversées par des dissensions profondes, dues à des alignements géopolitiques divergents, à des rivalités d'influence entre puissances régionales, et à l'absence d'une vision commune sur les grands dossiers du monde musulman.
L'exemple de la relation entre l'Algérie et le Maroc illustre à lui seul l'échec des solidarités supposées «naturelles» entre Etats de même religion. Les deux pays sont voisins, amazigh-arabes, africains, partagent une langue officielle, une religion majoritaire, une culture commune, une histoire de lutte anticoloniale, et des liens de parenté humaine indéniables. Rien de tout cela n'a empêché une hostilité algérienne persistante, méthodiquement entretenue. Depuis des décennies, l'Algérie mène une guerre au Maroc par polisario interposé. Si la religion, notamment, avait une quelconque force d'union en elle-même, les relations entre les deux pays n'auraient jamais atteint un tel degré de dégradation.
L'oumma n'est donc qu'un horizon moral et son invocation, qui relève souvent de l'incantation, ne peut remplacer une analyse fondée sur les réalités.
Les intérêts, plus forts que la foi
Au fond, les relations internationales obéissent à une logique de puissance et d'intérêts, abstraction faite des confessions. Les Accords d'Abraham ont vu plusieurs Etats musulmans normaliser leurs relations avec Israël, non pas parce qu'ils avaient renoncé à la cause palestinienne, mais parce qu'ils estimaient que leurs intérêts économiques et sécuritaires l'exigeaient.
En ce qui concerne l'Iran, la religion, en tant que telle, ne peut constituer ni un argument décisif, ni un fondement suffisant. Nombre de pays musulmans hésitent à soutenir l'Iran parce qu'ils s'en méfient, parce qu'ils le considèrent comme une puissance déstabilisatrice, ou parce qu'ils ont eux-mêmes d'autres alliances.
Au Maroc, la question de la solidarité avec l'Iran ne se pose pas de manière abstraite, ce qui en illustre toute la complexité diplomatique et la sensibilité intérieure. Si l'argument religieux ne suffit pas à fonder une alliance, il n'empêche pas les dilemmes, surtout lorsque les antagonismes s'accumulent. Les relations entre Rabat et le régime des Mollahs sont historiquement mauvaises : dès les premières années de la Révolution islamique, l'ayatollah Khomeiny fut excommunié symboliquement par feu Hassan II, et les deux pays ont connu plusieurs ruptures diplomatiques. Le Maroc reproche à l'Iran son soutien militaire au polisario, ainsi que l'endoctrinement et l'entraînement de ses cadres au Liban, au contact du Hezbollah. Téhéran est aussi accusé d'avoir tenté de diffuser le chiisme dans un royaume attaché à son islam sunnite malikite, ce qui est une atteinte directe à sa stabilité religieuse.
Dans la guerre Iran–Israël, le Maroc n'a que de mauvaises solutions, et il ne peut même pas faire le choix du moindre mal. Confronté à un «Charybde et Scylla diplomatique», il doit soit soutenir un adversaire notoire, soit se retrouver implicitement aux côtés d'Israël, puissance qui n'a jamais nui aux intérêts du Maroc, mais qui est honnie par une large frange de l'opinion publique marocaine, profondément attachée à la cause palestinienne. Ce dilemme cornélien explique sans doute le silence prudent du gouvernement, qui ne s'est pas associé aux déclarations de soutien arabo-musulmanes récentes.
Une fois encore, la réalité des alliances et des intérêts nationaux l'emporte sur les discours panislamiques ou les appels à l'unité musulmane. La solidarité fondée sur la religion est une chimère diplomatique. Elle flatte les instincts identitaires, mais échoue dès qu'il s'agit de passer à l'acte.
Il serait donc naïf de penser que la religion, à elle seule, puisse servir de socle à une solidarité automatique ou cohérente entre Etats. Dès lors, l'invocation du simple fait que l'Iran est «un pays musulman» pour appeler à sa défense semble relever davantage de l'émotion que d'une analyse réaliste des relations internationales.


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